Lors de son intervention, mercredi 6 août 2025, sur Express FM, Ridha Chkoundali, professeur d'économie, est revenu sur la baisse du taux d'inflation à la consommation familiale en Tunisie, qui s'est établi à 5,3 % en juillet 2025, contre 5,4 % en juin, selon les dernières données publiées par l'Institut national de la statistique (INS). Selon Ridha Chkoundali, ce chiffre peut être perçu comme un signe positif. Il rappelle qu'en février 2023, l'inflation avait atteint un pic de 10,4 %. Depuis cette date, elle a connu une tendance à la baisse. Cette évolution pourrait encourager le Conseil d'administration de la Banque centrale de Tunisie à réduire le taux d'intérêt directeur afin de soutenir l'investissement et relancer la croissance économique. Ridha Chkoundali a également signalé une baisse des prix de certains produits de base, notamment les œufs, dont les prix ont diminué de 4,7 %, ainsi que les huiles alimentaires, en recul de 22,9 %. Toutefois, Ridha Chkoundali a nuancé cette lecture optimiste en soulignant qu'elle ne reflète pas forcément la réalité vécue par les Tunisiens. Il a illustré cela par une anecdote : « J'ai parlé avec un citoyen qui m'a dit : j'ai entendu dire que l'inflation baisse, mais dans quel marché exactement ? Nous, on ne le voit pas ». En effet, selon les mêmes données de l'INS, les prix ont continué à augmenter. L'indice des prix a progressé de 0,3 % sur un mois, avec des hausses notables dans les médicaments (+1,3 %), les services de santé (+0,8 %), les services de transport (+0,6 %) et les services de restauration, cafés et hôtels (+1,2 %). Or, pour Ridha Chkoundali, ces secteurs relèvent en partie des missions sociales de l'Etat, en particulier la santé et le transport. Le fait que les prix y augmentent montre que l'Etat ne remplit pas pleinement son rôle social, comme le souhaite pourtant le président de la République dans ses orientations politiques. Selon Ridha Chkoundali, le citoyen tunisien ne se soucie pas du chiffre global de 5,3 %, qui reste un indicateur utile surtout pour l'élaboration des politiques économiques ou pour les institutions internationales comme le FMI ou les agences de notation. Ce qui intéresse réellement les Tunisiens, ce sont les dépenses quotidiennes : alimentation, santé, transport, etc. Or, ces postes de consommation enregistrent des hausses significatives. Les légumes frais ont augmenté de 25,3 %, la viande ovine de 19,1 %, les fruits frais de 15,1 %, le poisson de 11 %, le logement de 11,9 %, les vêtements de 9,6 %, la presse écrite et les fournitures en papier de 8,1 %, l'enseignement secondaire de 7,4 %, et les fournitures scolaires de 6,7 %. Tous ces chiffres sont supérieurs au taux d'inflation moyen annoncé. Ce sont ces augmentations que le citoyen ressent réellement. Pour Ridha Chkoundali, l'INS devrait publier un indice reflétant davantage l'inflation perçue par le consommateur, en tenant compte des produits et services qui pèsent concrètement sur son budget. Interrogé sur l'impact de cette baisse modérée sur les politiques économiques, Ridha Chkoundali estime que la Banque centrale de Tunisie adopte une approche monétaire trop prudente, marquée par une forte réticence à assouplir le taux directeur. Il critique une lecture erronée de la source de l'inflation. Selon lui, la Banque centrale considère que l'inflation est due à un excès de demande, en particulier de consommation. Or, Ridha Chkoundali soutient que l'inflation en Tunisie est principalement causée par des contraintes de l'offre, liées au manque d'investissement et aux obstacles dans l'environnement des affaires. Si le climat des affaires était plus favorable, il y aurait davantage d'investissement, une augmentation de la production, et donc une baisse des prix. En d'autres termes, l'inflation ne vient pas d'un excès de consommation, mais bien d'un déficit de production. Ridha Chkoundali précise que la consommation est un moteur de la croissance économique. Les entreprises tunisiennes produisent davantage lorsqu'il y a de la demande, ce qui contribue à améliorer l'offre sur le marché. En persistant dans cette lecture erronée, la Banque centrale évite de baisser son taux directeur, ce qui freine l'investissement privé. Or, une telle baisse permettrait de relancer la production et d'atténuer l'inflation, notamment sur les produits de base. Concernant les perspectives à venir, Ridha Chkoundali identifie deux types de causes à l'inflation : des causes internes sur lesquelles la Tunisie peut agir, comme la stimulation de l'investissement et de la production nationale, et des causes externes, plus difficilement maîtrisables, comme les fluctuations des prix mondiaux du pétrole. Il évoque aussi un autre risque, celui des politiques douanières américaines sous Donald Trump, qui pourraient faire grimper les droits de douane de 10 % à 25 % sur certaines exportations. Cela pourrait également peser sur l'inflation en Tunisie.
Ridha Chkoundali conclut en insistant sur l'urgence pour la Banque centrale de revoir sa stratégie et de baisser le taux directeur, afin de soutenir l'investissement privé et d'améliorer les perspectives de croissance économique.