Chaque mois, c'est l'émerveillement renouvelé à la publication, d'une part, des entrées et recettes touristiques, et d'autre part, des transferts des Tunisiens résidents à l'étranger (TRE). Les résultats affichés par le secteur touristique au premier semestre 2025 sont éloquents, tout autant que les perspectives qu'ils ouvrent en année pleine. Au 20 juillet 2025, près de 5,3 millions de touristes ont visité la Tunisie. Une progression d'environ 10% par rapport à la même période (janvier-juillet) 2024. En termes de recettes en devises, l'apport est remarquable avec 3,9 milliards de dinars engrangés (1,1 milliard de dollars environ). Il en est de même des transferts des Tunisiens résidents à l'étranger (TRE). À fin juillet 2025, l'envoi des TRE atteint presque les 5 milliards (1,6 milliard de dollars). Un nouveau record. C'est grâce à ces deux ressources que le pays a pu freiner la dérive de ses finances publiques. Cependant, l'arbre ne peut cacher la forêt de défis que posent particulièrement le secteur du tourisme et, dans une moindre mesure, l'apport des TRE.
Recettes touristiques : on est loin du compte Le croisement des données sur les entrées et les recettes touristiques fournit un autre éclairage des performances du secteur, beaucoup moins réjouissant. Le secteur va mal. Alors que les recettes par touriste tournaient, bon an mal an, autour des 400 dollars jusqu'en 2010, elles passeront à 350 dollars en 2015, puis 320 dollars avant la pandémie du Covid-19, puis 258 dollars en 2023 et 235 dollars en 2024. Cette année ne semble pas faire exception, puisque à fin juillet 2025, les recettes par touriste dépassent à peine 225 dollars. En trois lustres, le recul est effrayant. Il l'est d'autant plus que la concurrence, particulièrement les destinations du sud de la Méditerranée (Maroc, Egypte, Jordanie, Turquie), affiche des résultats, laissant la Tunisie loin derrière. Entre 2010 et 2022, les recettes par touriste sont passées de 700 dollars à 850 dollars au Maroc, de 890 dollars à 1.050 dollars en Egypte, de 860 dollars à 1.350 dollars en Jordanie. Au constat, cela donne la mesure de l'échec de la politique de montée en gamme et de diversification du produit touristique du pays. Du moins, de son incapacité à sortir du carcan de destination de tourisme de masse et surtout pas cher. Tourisme de masse ? À la bonne heure, si cela est vrai. Or, en termes d'accueil de touristes, la Tunisie se classe en queue de peloton en Méditerranée. Alors qu'on accueillait 6,4 millions de touristes en 2022, le Maroc en accueillait 10,7 millions, l'Egypte 11,6 millions et la Turquie 50,4 millions, selon les données les plus récentes de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT). Alors qu'on claironne sur le fait que le pays a accueilli 5,3 millions de touristes à fin juillet 2025, le Maroc en a abrité 7,2 millions de visiteurs étrangers durant seulement les cinq premiers mois de 2025.
Transferts des TRE : une marge de progression importante L'accroissement des transferts des TRE durant ces dernières années est spectaculaire. Malheureusement, ce n'est qu'une apparence. Car, s'il est vrai que ces transferts ont enregistré un saut remarquable en monnaie locale, cela est moins évident converti en dollar. Le transfert des TRE n'a augmenté que de 30% entre 2010 et 2023. Le montant du transfert des Marocains résidents à l'étranger (MRE) a presque doublé au cours de cette période. En 2023, le transfert des MRE représentait plus de 8% du PIB du Maroc. En Tunisie, l'apport atteint à peine 5% du PIB du pays. À cet égard, M. Fethi Nouri, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, a tenté de tempérer les ardeurs à l'ouverture de l'atelier sur « l'engagement de la diaspora dans la promotion de l'investissement et du développement durable », organisé par l'Atuge (Association tunisienne des grandes écoles) le 6 mai 2025, estimant qu'une importante partie de ce gisement demeure inexploitée, dans la mesure où l'envoi par TRE ne s'élevait qu'à 120 dollars par mois, alors que la moyenne mondiale se situe à 200 dollars. Tout cela donne à réfléchir, au lieu de fanfaronner.