L'agence de notation Fitch Ratings a annoncé, vendredi 12 septembre 2025 avoir relevé les notes de défaut émetteur (IDR) à long terme de la Tunisie, en devises étrangères et locales, de "CCC+" à "B-", avec une perspective stable. Cette révision traduit une amélioration progressive de la situation extérieure du pays, mais elle reste assortie de nombreux avertissements concernant la vulnérabilité des finances publiques et la dépendance de la Tunisie à des financements exceptionnels. Fitch Ratings explique, dans un communiqué, que cette décision s'appuie principalement sur une amélioration de la position extérieure de la Tunisie. Plusieurs facteurs ont contribué à ce constat : * Réduction du déficit courant : après être tombé à 1,5% du PIB en 2024, il devrait remonter à 2,2% en 2025 et 2,8% en 2027. Ces niveaux restent bien inférieurs à la moyenne de 7,9% entre 2010 et 2022, grâce à de meilleures performances dans les services (tourisme notamment) et aux transferts de la diaspora. * Maintien de flux financiers extérieurs : les investissements directs étrangers (IDE) nets, bien qu'inférieurs à la moyenne de la décennie 2010, sont restés résilients et devraient rebondir de 54% en 2025 par rapport à 2024. Les décaissements des partenaires multilatéraux et bilatéraux, représentant 2,2% du PIB en 2024, se poursuivent également. * Allègement progressif des remboursements extérieurs : les flux négatifs de financement externe devraient reculer, passant d'un record de 3,7% du PIB en 2024 à 1% en 2027. L'unique euro-obligation de la Tunisie (700 millions d'euros) arrivera à échéance en juillet 2026, mais l'agence de notation estime que les réserves de change resteront suffisantes pour en assurer le remboursement. Ces éléments ont contribué à renforcer la confiance de l'agence, malgré un accès toujours limité aux marchés internationaux et l'absence de programme avec le FMI.
Fitch Ratings souligne néanmoins que la Tunisie continue de faire face à des besoins de financement budgétaire élevés. Ceux-ci devraient passer de 18% du PIB en 2024 à 13,5% en 2027, un niveau qui reste bien supérieur à la médiane des pays notés "B" (8 %). Le gouvernement a eu recours à un soutien massif de la Banque centrale, avec des prêts sans intérêt équivalents à 4,4% du PIB en 2024 et 4,1% en 2025. L'agence de notation anticipe un nouveau recours en 2026, équivalant à 3,8% du PIB, destiné en partie au remboursement de l'euro-obligation. Mais dès 2027, les besoins de financement domestique pourraient grimper à 11% du PIB, si ce financement monétaire est interrompu. L'agence note également que cette dépendance renforce le lien entre l'Etat et le secteur bancaire. Les banques, dont 20% des actifs sont déjà exposés au secteur public, devraient être davantage sollicitées, en particulier les établissements publics.
Sur le plan budgétaire, Fitch Ratings table sur une réduction progressive des déficits : * 6,3% du PIB en 2024, * 5,3% en 2025, * 4,7% en 2026, * 4% en 2027. Cette amélioration est liée à la maîtrise de la masse salariale (stabilisée autour de 13,5% du PIB après 2026) et à la diminution du coût des subventions, soutenue par la baisse attendue des prix des matières premières. La dette publique devrait, quant à elle, rester élevée mais stable, à environ 83% du PIB en 2025, contre 84,5% en 2024.
Malgré le relèvement, Fitch Ratings insiste sur la vulnérabilité des finances publiques tunisiennes. En 2027, les salaires, les intérêts et les subventions devraient absorber 93% des recettes de l'Etat hors dons, rendant le budget très rigide et sensible aux chocs. Deux scénarios pourraient entraîner une dégradation de la note : * une incapacité à réduire les besoins de financement budgétaire, par exemple en cas de réduction plus faible que prévu du déficit ; * une pression accrue sur les comptes extérieurs, avec une baisse plus importante que prévu des réserves en devises ou une forte dépréciation du dinar. À l'inverse, une poursuite de la réduction des déficits et une hausse durable des réserves de change pourraient ouvrir la voie à une nouvelle amélioration de la note.
Enfin, Fitch Ratings rappelle que les faiblesses en matière de gouvernance et de stabilité politique continuent de peser lourdement sur le profil de crédit de la Tunisie. Le pays se situe seulement au 36ᵉ percentile des indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale, traduisant une instabilité persistante, un affaiblissement de l'Etat de droit et un niveau de corruption perçu comme modéré.