La flottille Al Soumoud a finalement quitté les côtes tunisiennes pour se diriger vers les côtes de la bande de Gaza. Composée de plus d'une centaine d'embarcations à son bord des militants pour la paix de plus d'une quarantaine de pays, la flottille Al Soumoud lance à la figure des dirigeants du monde, les maitres de l'ordre mondial et les décideurs des institutions internationales, la preuve de leur lâcheté et de leur complicité, active ou silencieuse, dans le génocide qui continue depuis presque trois ans, sous les yeux de tous, contre la population civile de Gaza. Jusqu'à leur arrivée sur les côtes de Gaza, le chemin encore très long et semé de dangers, leur réservera des surprises. Mais ils sauront entretenir le rêve d'un monde solidaire qui aspire à la paix : L'engagement des membres de la flottille est inébranlable. Ils l'ont démontré lors de leur escale en Tunisie. Entre le peuple et le pouvoir D'ailleurs durant cette escale tunisienne de la flottille Al Soumoud, au port de Sidi Bou Saîd ou encore au port de Bizerte, deux remarques s'imposent : La première concerne la population tunisienne alors que la seconde est en rapport avec le pouvoir tunisien en place. L'engouement de la population et l'adhésion des Tunisiens à cette initiative ont dépassé toutes les attentes. Il ne s'agit pas des Tunisiens politisés, des militants ou des activistes mais des jeunes, des femmes et des vieux de tous bords, des fonctionnaires et des sans emplois qui donnaient l'impression de mener une vie loin de la politique, mais qui durant tout le séjour de la flottille, ont envahi l'espace et ont égayé les nuits avec leurs slogans et leurs chants. De là où ils étaient, leurs cris arrivaient sous les balcons du palais présidentiel comme pour rappeler au locataire de Carthage ses promesses et ses engagements. Certains se sont lancés instinctivement dans l'eau jusqu'à la taille en direction de la flottille, comme pour dire que leurs âmes sont avec les participants mais que leurs pieds marquent leurs limites et les condamnent à s'arrêter là. Comme pour dire que la solidarité c'est faire tout ce que l'on peut faire sans plus, mais sans triche aussi. Durant le séjour tunisien de la flottille Al Soumoud, tout indiquait que la solidarité avec le peuple palestinien et l'adhésion à la cause palestinienne sont devenus des marqueurs inscrits dans les gênes de la population tunisienne depuis la Nakba de 1948 et transmis d'une génération à une autre. Face à la clarté de la position populaire, la position du pouvoir en place a brillé par son opacité et a tangué entre la volonté de récupération et les tentatives de dénigrement. Tout d'abord, il faut se rendre à l'évidence que sans l'accord des autorités, la flottille Al Soumoud n'aurait jamais pu accoster dans le port de Sidi Bou Saîd. Alors pourquoi il n'y a eu aucune déclaration ni aucun communiqué du ministère des Affaires étrangères ou de la présidence de la République pour clarifier la position de notre pays concernant un événement de cette envergure qui se déroule en partie chez nous ? Comment expliquer ce soutien en catimini ? Existerait-il des accords non annoncés publiquement qui expliqueraient la démarche de l'Etat tunisien ? Surtout avec qui ces accords auraient été conclus ? Quoi qu'il en soit, les pages proches du pouvoir sur les réseaux sociaux, dans un effort de récupération effréné, se sont donné à cœur de joie en premier temps pour glorifier l'engagement constant du pouvoir tunisien en faveur de la cause palestinienne. Les versions du ministère de l'Intérieur Pour un premier temps seulement, car dès la première attaque par drone de la flottille, ces mêmes pages ont vite changé de position pour lancer une vaste campagne de dénigrement contre les participants à la flottille et surtout contre les organisateurs tunisiens. Alors que les organisateurs de la flottille ont accusé dès le départ l'Etat sioniste, le ministère de l'Intérieur est passé du déni ridicule lors de la première attaque, invoquant une histoire burlesque de briquet et de barbecue, à un aveu timide du bout des lèvres le lendemain, lors de la seconde attaque par drone contre la flottille sans pointer aucun responsable de cette agression. Simple rappel pour ceux qui ont la mémoire courte ou sélective, l'Etat sioniste s'est attaqué à la Tunisie à cinq reprises depuis 1985 avec le raid sur Hammam Chott, puis à deux reprises en 1988 avec l'assassinat des leaders palestiniens Abou Jihad et Abou Iyad à Sidi Bou Saîd précisément, ensuite en 2016 avec l'assassinat de l'ingénieur tunisien Mohamed Zouari devant chez lui à Sfax et enfin les deux attaques par drone contre la flottille Al Soumoud la semaine passée. Ces attaques ont eu lieu au temps de Bourguiba, de Ben Ali, des islamistes et du pouvoir actuel. Seul le président Habib Bourguiba a eu le courage de défendre crânement les intérêts de la Tunisie et a imposé aux Etats-Unis pour l'unique fois de son histoire de ne pas opposer son veto sur une motion condamnant Israël par le conseil de sécurité.