Il semble de plus en plus évident que le pays pourrait enregistrer un taux de croissance appréciable en 2025. Non pas comme l'espérait le gouvernement tablant sur une croissance du PIB à prix constants de 3,2 %, mais assez proche de l'estimation établie par la Banque mondiale (BM) de 2,6%. Deux secteurs vont tirer cette croissance vers le haut. Deux contributeurs clés, mais fragiles L'agriculture d'abord, à la faveur d'une campagne céréalière exceptionnelle, mais aussi d'une récolte oléicole et de datte qui le serait tout autant. Après une année 2024 satisfaisante où, là aussi, l'activité agricole avait tiré la croissance vers le haut, affichant une hausse de sa valeur ajoutée de 8,6% pour une croissance économique de 1,6%, voila que le monde agricole va réitérer cette performance en 2025. Le tourisme est l'autre pendant de la croissance économique pour 2025. Que cela concerne le nombre d'entrées, de nuitées et de recettes touristiques, l'année 2025 serait, elle aussi remarquable, non seulement grâce à une saison estivale marquante mais aussi à la faveur d'une arrière saison tout aussi prometteuse. Cependant, le caractère toujours aléatoire de l'un, l'extrême sensibilité de l'autre au moindre choc et le marasme que traverse le secteur industriel ne permettent pas à cette croissance de s'inscrire dans un profil dynamique de long terme. D'autant qu'en matière d'investissement, le pays traverse une zone de turbulence à haut risque.
Un stock de crédits en baisse Le stock de crédits dispensés par les banques durant le 1er semestre 2025 n'a augmenté que de 600 MD. Pour toute l'année 2024, ce stock a augmenté de 2,6 milliards de dinars (Mds de dinars). L'année 2024 qui ne fut pas si exceptionnelle comparée aux années précédentes. Entre 2019 et 2022, l'encours net des crédits accordés par les banques affichait une moyenne annuelle d'augmentation de près de 5 Mds par an. Le plus inquiétant encore concerne l'encours des crédits à moyen et long terme dans la mesure où il reflète le mieux la situation de l'investissement et, partant, la croissance économique potentielle du pays. Durant les 6 premiers mois 2025, cet encours a perdu 1,8 Mds de dinars. Particulièrement pour le stock de crédits accordé aux industries manufacturières qui a diminué de près de 480 MD. Celui de la construction a perdu 140 MD, à se demander comment ce secteur a pu enregistrer une croissance de sa valeur ajoutée de 6,5% durant cette même période. Même l'encours net des crédits accordés aux particuliers ne cesse de reculer. De 1400 MD en 2022, 900 MD en 2023 et 600 MD en 2024 et seulement 200 MD durant les 6 premiers de 2025. Que vaut une croissance sans investissement. A de l'errance et rien d'autre.
Des créances classées à la hausse A ce stade, il convient de savoir si ce recul renvoie à une baisse de demande ou un resserrement de l'offre de crédit ? Probablement les deux à la fois. Les taux d'intérêt des crédits ne tentent franchement pas. Visiblement, les entreprises préfèrent se désendetter et les ménages préfèrent épargner. Cela étant, les banques ont aussi leur part dans cette situation, rechignant à accorder des crédits au tout venant, alors qu'elles voient s'éloigner progressivement le risque de liquidité. En revanche, le risque de crédit a pris une ampleur préoccupante. Le taux de créances classées détenues par les banques tunisiennes n'a cessé de croître. En 2022, les actifs non performants des banques ont représenté 12,6% du total de leur engagement en dépit d'une radiation de 1,3 Mds de dinars. En 2023 ce taux est passé à 13,6% en dépit d'une radiation de 2 Mds de dinars. En 2024, il affichera 14,4% et 15% à la fin du mois de juin 2025. C'est toujours le tourisme qui détient le triste record des créances classées avec un taux de 33,3%, rendant difficile toute tentative d'emprunt. Ce faisant, le secteur de la construction n'est pas en reste avec un taux de créances classées de plus de 24% suivi par l'agriculture (22,3%) et l'industrie manufacturière (17,3%). On est non seulement en présence d'une croissance sans investissement, mais également d'une croissance sans vision.