C'est le mois d'août. C'est l'été. C'est le farniente et, pour ceux qui en ont les moyens, c'est les vacances. Et les vacances, pour la classe moyenne, population majoritaire en Tunisie, c'est la location d'un logement sur une zone côtière ou une semaine dans un hôtel. Pieds dans l'eau, de préférence. Ces deux types de lieux de villégiature sont fortement convoités et connaissent, conséquemment, une flambée de prix. Les premiers sont prisés par les Maghrébins (plus de 2,5 millions de touristes par an), les seconds par les autres touristes (soit plus de 3,5 millions). Dans cet ensemble, le Tunisien moyen n'arrive plus à trouver place, surtout qu'il ne sait toujours pas planifier ses vacances, des mois à l'avance, comme on le lui conseille souvent. Ne cherchez surtout pas à comprendre pourquoi le Libyen et l'Algérien réussissent à trouver des places, alors qu'ils ne planifient pas à l'avance plus que nous. « Si le Tunisien ne veut pas changer ses habitudes, de s'y prendre toujours à la dernière minute, tant pis pour lui », nous dira un hôtelier. Tant pis ? Je dirai plutôt tant mieux. Car cette habitude, loin d'être exclusive aux Tunisiens, a intéressé de grands voyagistes européens ou américains, comme lastminute.com (qui signifie dernière minute). Et pour ces « désordonnés qui ne savent pas planifier», les voyagistes concoctent tout le temps les meilleurs programmes, aux meilleurs tarifs. Certains voyagistes tunisiens ont flairé le coup. Ils proposent, depuis un certain temps, à nous autres désordonnés, des offres à l'étranger : cinq jours dans un "trois étoiles" en Turquie à 870 dinars TTC, avion compris ; huit jours dans un quatre étoiles en Turquie à 1370 dinars TTC, comprenant en plus de l'avion, une croisière sur le Bosphore et des excursions chez nos ancêtres Ottomans. Qui dit mieux ? Vous tenez à consommer local et rester en Tunisie ? Voici ce qu'on vous propose : Sur le grand portail d'un cinq étoiles de Hammamet, une grosse pancarte affiche : accès piscine : 60 dinars. Un montant identique à celui d'un timbre fiscal bien célèbre et bien à nous : le timbre de voyage. C'est que chez nous, pour qu'un résident puisse quitter les frontières (en dehors du Maghreb) il doit payer une taxe dont le montant est équivalent au prix d'accès à la piscine. Côté séjours dans des hôtels, une nuitée dans un 4-5 étoiles respectable varie entre 100 et 160 dinars, voire plus. Louer un appart ou un bungalow à Hammamet, Sousse ou Djerba, revient à autour de mille dinars la semaine. C'est dire le degré d'encouragement pour que le Tunisien aille passer ses vacances à l'étranger ! A la vue des différentes offres proposées, et à la lecture de l'écran de la toute première calculette qui vous tombe sous la main, le choix est vite fait. Un séjour dans un hôtel tunisien conforme à "vos" normes revient plus cher. Nettement plus cher, si l'on additionne le prix du déplacement de votre lieu de résidence à votre lieu de villégiature, les péages et les PV que vous aurez récoltés en cours de route, pour excès de vitesse, non port de ceinture de sécurité etc. Je ne parle pas des conditions du séjour avec le service "deux étoiles" qu'on nous sert généralement dans nos "quatre-cinq étoiles". Que le tourisme intérieur aille mal, n'est qu'une bonne chose in fine. Cela permet aux hôteliers de remplir leurs hôtels avec des touristes étrangers, puisque chez nous l'étranger est toujours roi. Cela leur permet également de ne pas avoir à subir ces touristes tunisiens à qui rien ne plait et qui se plaignent tout le temps. Et puis, surtout, cela permet aux Tunisiens d'aller voir du pays et de comparer l'hôtellerie internationale à l'hôtellerie tunisienne. « Planifier », disent-ils ! Pfff ! C'est ceux qui planifient le moins qui, finalement, en profitent le plus. Offres promotionnelles de dernière minute à l'appui !