Des milliers de jeunes tunisiens vivent ces derniers temps sur le rythme de ce qu'on appelle rafles militaires. N'ayant pas accompli leur devoir national, ces jeunes ont une peur bleue d'être chopés par une patrouille. Pourquoi a-t-on une peur bleue d'accomplir un devoir national ? Pour les jeunes concernés par la question, les interrogations autour du devoir national du service militaire sont multiples, d'où cette peur expliquée pour beaucoup par l'ignorance de ce qu'est le service militaire. Voici quelques unes de ces interrogations. - Pourquoi doit-on accomplir ce devoir national, alors que dans les pays développés au rang desquels la Tunisie aspire, l'orientation est pour une armée exclusivement professionnelle ? - Pourquoi le service militaire qui, légalement, touche tous les jeunes sans exception, ne concerne dans les faits que les jeunes hommes et non les jeunes filles ? L'égalité s'arrêterait-elle lorsqu'il s'agit d'accomplir des devoirs ? La loi ne stipule guère que le service militaire ne touche que les jeunes hommes et on s'interroge pourquoi se priverait-on de 50% des compétences censées servir le pays. - Un jeune Tunisien ne servirait-il pas mieux son pays en dehors des casernes, notamment lorsqu'il a des diplômes, un emploi stable et un savoir-faire certain ? - Quelle solution possède un chef d'entreprise pour remplacer l'un des collaborateurs ou l'un des cadres appelé, sans préavis, à accomplir son service militaire ? En temps de crise, l'absence subite d'un cadre a un coût élevé. - Grâce à une politique clairvoyante et pacifique, la Tunisie vit en paix avec son entourage. Ce havre de paix lui vaut le classement de deuxième pays le plus pacifique en Afrique (voir notre article à ce sujet). A toutes ces questions, le ministère de la Défense a certainement des réponses. Et ces réponses sont certainement convaincantes. Faut-il cependant qu'elles atteignent les jeunes concernés par la question. D'aucuns parmi ceux qui ont accompli leur devoir national le disent : il n'y a pas de meilleure expérience pour ressentir cette forte émotion de citoyenneté. Ce sentiment d'appartenance à un pays, à une nation. Ce sentiment profond de fierté d'être Tunisien. Officiers, appelés et soldats connaissent parfaitement cette sensation. Et les autres ? L'amour de la patrie, on l'exprime volontiers dans les stades devant l'Equipe nationale, mais quand il s'agit d'accomplir son devoir national, c'est le sauve qui peut qui prime. Pourquoi ? Il n'y a pas longtemps, le ministère de la Défense invitait les journalistes dans les casernes pour qu'ils assistent à certaines opérations. C'était le cas, par exemple, lorsqu'il s'agissait de détruire nos stocks de munitions interdites par des conventions internationales ratifiées par la Tunisie. Il lui arrive aussi de les inviter à des opérations menées à l'étranger avec les casques bleus tunisiens. Les services de presse ont parfaitement fonctionné, faisant preuve d'une excellente maitrise des techniques de la communication. La question qui se pose dès lors : pourquoi ces services de presse de la Défense n'associent-ils pas les médias tunisiens pour communiquer d'une façon moderne sur le devoir national ? Des spots sur la chaine nationale (que très peu de jeunes regardent) sont insuffisants pour véhiculer une bonne image du service militaire obligatoire, d'autant plus que, avouons-le, ces spots sont primitifs. Réalisés par des agences de communications spécialisées, ces spots seraient certainement plus efficaces pour attirer les jeunes, plutôt que de les éloigner. Il est vrai que ce n'est pas évident d'imaginer des spots touchant à la fois des jeunes appartenant à des couches sociales très différentes les unes des autres et aux parcours et ambitions fort distincts. Répondre aux multiples interrogations de la jeunesse tunisienne, les pousser à venir d'eux-mêmes, volontairement, accomplir le devoir national (ou à s'engager d'une manière professionnelle) plutôt que de les convoquer malgré eux, c'est le reflet d'une Armée proche des citoyens, faite par eux et pour eux. En bref, une Armée à l'image des avancées du pays aujourd'hui. Cela ne peut que motiver les futurs appelés ou les futures recrues. Au lieu d'avoir une peur bleue de s'engager, ils chercheront à arborer fièrement leur tenue militaire comme lorsqu'ils le font avec le maillot de l'Equipe nationale ou de leur club favori.