La Chambre des députés a adopté au début de cette semaine un texte de loi élargissant les champs d'accomplissement du service national à l'ensemble des ministères, des collectivités locales et des établissements publics. Une mesure qui désormais concernera tout aussi les filles que les garçons, partant du fait que l'article 15 de la Constitution tunisienne stipule que « la défense de la patrie et de l'intégralité du territoire est un devoir sacré pour chaque citoyen ». C'est ce qu'a d'ailleurs expliqué M. Ridha Grira ministre de la Défense nationale en répondant aux interrogations des députés. «…en interprétant cet article on déduit que le service national est obligatoire pour tout citoyen tunisien sans exclusion ». Dès lors, les jeunes filles tunisiennes sont directement concernées par la loi. Et si elle n'a pas encore été engagée dans cette démarche c'est « à cause de l'absence de moyens logistiques et matériels nécessaires au sein des casernes militaires, dont des espaces aménagés spécialement pour les femmes », explique M. Grira. Il est clair alors que la femme ne sera pas appelée dans l'immédiat à accomplir ce devoir. D'ailleurs le ministre a précisé que « la participation de la jeune fille au service national s'effectuera en vertu de cette loi, d'une manière progressive ». Elargissement du champ d'application A rappeler dans ce contexte, que la nouvelle loi adoptée lundi a élargi le champ d'accomplissement du service national pour ne pas se limiter uniquement au service militaire dans les casernes. Les jeunes pourront dorénavant effectuer ce devoir dans tous les ministères, les collectivités locales et les établissements publics. Un secteur où la femme peut travailler d'égal à égal avec l'homme et même faire des preuves de compétence. D'ailleurs, il sera plus facile de lancer cette expérience en accordant une opportunité à la femme pour contribuer au développement de son pays et surtout au niveau des régions. Car c'est dans ces zones que l'on enregistre un manque de cadres et de fonctionnaires dans plusieurs spécialités. En effet, la jeune fille tunisienne n'hésitera pas à rendre service à sa patrie en travaillant pendant une année dans l'une de ces institutions. Elle pourra même en tirer profit car cet exercice lui permettra de mieux se former dans sa spécialité de base surtout quand elle est en quête d'emploi. Sûrement, plusieurs jeunes filles seront motivées à accomplir ce devoir alors que d'autres hésiteront à le faire. Elles auront du mal à accepter l'idée de se retrouver seules loin de leurs villes natales et de leurs familles Les avis divergent par rapport à cette question. Celles qui considèrent que la femme est l'égale de l'homme et qu'elle est sa partenaire dans le développement socio-économique ont salué cette décision, alors que d'autres appellent à laisser le choix libre à la femme d'accomplir cette mission. Il ne faut pas que cela soit une obligation, considèrent-elles. Sana FARHAT ----------------------------- Témoignages Sonia, universitaire : « On devrait laisser le choix aux femmes » « Je suis totalement contre. Je pense qu'on devrait laisser le choix aux femmes parce que chacun a son libre arbitre. Pour ma part, j'ai horreur de l'esprit militaire d'une façon générale. Les hommes sont peut-être faits pour faire la guerre mais je pense que les femmes sont faites pour avoir des enfants même si certaines femmes optent pour le choix contraire. Je dis que la liberté de choisir doit être le principe fondamental en toute chose ». Yosra, économiste : « Il ne faut pas que ce soit obligatoire » « Je ne suis pas contre l'idée que la femme accomplisse le service national, mais il ne faut pas en revanche que cela soit obligatoire. Il y a d'ailleurs plusieurs jeunes filles qui ont choisi de poursuivre une carrière professionnelle dans le militaire, la police et autres créneaux étaient à un certain moment l'apanage des hommes. Elles ont opté par leur propre gré à cette formation. Par conséquent, il ne faut pas l'obliger à accomplir le service national. En revanche je ne vois aucun mal à ce qu'elle se déplace à l'intérieur des régions et rendre service à ses compatriotes d'une manière ou d'une autre. Des enseignantes, des médecins et autres sont déjà présents dans ces zones. C'est bien leur travail ». Hinda, fonctionnaire : « Il n'y a pas de raison que la femme se dérobe à son devoir » Nous avons toujours milité pour l'égalité entre l'homme et la femme. Il n'y a donc pas de raison que la femme se dérobe à son devoir et ne rend pas service à sa patrie. Nous sommes partenaires et il est de notre responsabilité d'assumer notre rôle dans la société et de mieux servir le pays. D'ailleurs je trouve que la femme est mûre et prête mentalement et intellectuellement à s'engager dans cette démarche. Reste, qu'il ne faut pas occulter le degré de mentalité de notre société : celle-ci encore réticente à accepter cette idée ». Abir, cadre dans une banque « On aurait dû appliquer cette loi depuis des années » « On aurait dû appliquer cette loi depuis des années. La femme tunisienne a intégré tous les secteurs et elle est capable d'assumer son rôle convenablement. Il faut donc qu'elle rende service au pays soit en travaillant dans les établissements publics, les ministères et les localités collectives ou en se formant carrément dans les casernes. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi les garçons ont du mal à accomplir leur devoir alors qu'ils peuvent servir le pays de différentes manières. Ils ont un rôle très important à accomplir ». Mohamed, parent « C'est inacceptable » « Je suis totalement contre l'idée que l'une de mes filles accomplisse le service national alors que les jeunes chômeurs s'amusent à se reposer dans les cafés. Je trouve également qu'il est inacceptable de priver une fille de sa famille surtout quand elle en a besoin. Car il ne faut pas oublier que plusieurs jeunes filles sont le soutien unique actuellement de leurs parents. Ceux-ci auront ainsi du mal à se débrouiller en l'absence de leur fille. Il serait donc plus intéressant de faire appel aux jeunes chômeurs qui auront des opportunités pour apprendre des métiers ». Légende La participation de la jeune fille au service national s'effectuera d'une manière progressive Question de l'heure Comment les jeunes filles voient-elles le service militaire ? Le pour et le contre