Décidément, en ces temps de carême cuisant, l'image - dans toutes ses accep-tions - est fortement secouée dans notre pays. Et c'est d'autant plus incompréhensible et regrettable qu'elle est non seulement un élément central de notre environnement quotidien mais aussi une nécessité culturelle d'expression et de réception dans un pays qui a conçu sa modernité il y a déjà plus d'un siècle passé. Outre le ballon de baudruche des feuilletons iraniens (Joseph, le Messie et Marie) sur Nessma TV et Hannibal TV qu'ont lancé quatre avocats en mal de Hisba, est née une nouvelle affaire tuniso-tunisienne à propos du feuilleton « Ma belle mère chérie » (Nsibti laaziza) produit par Nessma TV. A cette nouvelle affaire, s'est ajoutée une troisième dans sa deuxième manche. Elle concerne les chiffres d'audience qu'une des agences de la place, en l'occurrence Médiascan, opère et que les Héraults de la chaine du Grand Maghreb contestent avec férocité inhabituelle… On se souvient de la passe d'armes entre le patron d'Hannibal TV et l'agence Sigma Conseil et qui vit un lynchage cathodique des plus immoraux qu'on ait pu voir dans la courte histoire de la télé dans notre pays. Non content des chiffres publiés par l'Agence, le patron de Hannibal TV ne s'est pas suffit de les désapprouver, il a mené une campagne sur sa chaine non seulement contre l'Agence mais aussi nommément contre la personne de son Directeur général… chose tout bonnement inadmissible. Va-t-on assister à un massacre similaire entre Sigma/Médiascan et Nessma TV ? Tout porte à le croire à la lecture des comptes rendus publiés par la presse nationale d'une conférence de presse tenues par Nessma dans ses studios de Radès où deux des trois actionnaires de la chaine ont organisé un tir groupé comme ils savent bien le faire contre les agences d'audiences, les accusant même, selon les paroles de l'un d'eux, et qui n'est pas des moindres, d'être « de véritables juges de l'économie nationale »… Dans la bataille de chiffres, on peut faire feu de tout bois pour brouiller les pistes entre Chaabane et Ramdhan. Comme les fondements de cette guerre des Trois (Agences/NTV/HTV) à l'exclusion du service public (T7 et T21) sont de l'histoire ancienne et que l'Etat par le truchement du Conseil Supérieur de la Communication, avait commandité en mai de l'année dernière une étude qualitative «Secteur de l'audimétrie : réalité et perspectives », étude non encore livrée un an et demi plus tard, on avale difficilement la curée dont la férocité du ton a été donné en attendant la barbarie l'estocade… Le fond de l'affaire est un désaveu apporté par NTV des chiffres de pénétration avancés soit par Sigma soit par Médiascan. La réaction est normale et il n'y a pas de quoi fouetter un matou. L'ennui dans cette désapprobation est que si la méthode et les procédés des deux agences sont connus de par le monde, donc chez nous aussi et ont été adoubés par les autorités de tutelle, ceux présentés par Nessma TV souffrent du flou dans la méthode et d'opacité dans les procédés… L'échantillon et la méthode de calcul de Sigma ont donné à Hannibal : 54.4%, T7 : 50.6%, Nessma : 40.6%. Ceux de Médiascan ont donné pour leur part à T7 : 53%, Hannibal : 52% et Nessma : 30.9%. Seulement, on ne comprend pas d'où et comment Nessma a sorti ses propres chiffres (Nessma : 73%, Hannibal : 69%, Tunisie 7 : 66%)… On croit rêver devant l'enflure. A l'ère de la pléthorique offre télévisuelle arabe en ces temps de Ramadhan, avoir à soi uniquement et exclusivement 73% de pénétration avec 39% de part d'audience, c'est parler d'un pays autre que la Tunisie. Si, malgré la différence des méthodes, l'écart entre les chiffres des deux agences n'est pas de nature à faire douter de leur crédibilité, l'écart qui les sépare des chiffres présentés par Nessma TV est tellement large que ça en devient une fosse. Quant au top five des émissions… Il y a là aussi anguille sous roche. Sigma propose 44.4% pour Noujoum al-Lil (HTV), 38.5% pour Casting (T7) et 24.5%pour Nsibti laaziza… Médiascan nous livre 39.1% pour Noujoum al-Lil, 26.4% pour Tunis 2050 (tous deux HTV), 23% pour Min Ayyam Maliha (T21), 21.1% pour Casting (T7) et in fine 18.9% pour Nsibti laaziza (NTV)… Mais là où on perd le nord, c'est quand les têtes pensantes de NTV proposent leur production Nsibi laaziza avec 55%, 51% pour Noujoum al-Lil (HTV), 37% pour Casting (T7) et respectivement 28 et 22% pour leurs acquisitions Baba al-Hara 5 et Youssef al-Çiddiq… Charité bien ordonnée… Par quelle méthode statistique ce miracle a-t-il eu lieu ? Sigma utilise la mé-thode dite Cati (Computer Assisted Telephone Interview) sur un échantillon représentatif de 1240 personnes/j sur 24 gouvernorats avec sa marge d'erreur de 2.4%, quand Médiascan utilise la méthode dite de face à face avec un échantillon de 450 personnes/j avec sa marge d'erreur de 3%. Différente de la méthode dite CAPI (Computer Assisted Personal Interview), celle du Web utilisée par NTV est un Alien des études d'audiences car elle ne possède aucune assise scientifique et n'est représentative que des intentions de ceux qui la désirent… Du coup, sa crédibilité, elle l'obtient grâce aux noiseraies qu'elle déclenche… Dans ces comptes d'Apothicaire, seul le Conseil Supérieur de la Communication peut mettre de l'ordre… Mais est-ce de sa mission et en a-t-il les moyens ?
