La Cour des comptes, dans son dernier rapport annuel - le 26ème de son histoire – se penche sur les fonctionnements, ou plutôt les dysfonctionnements constatés dans un certain nombre d'organismes et établissements publics et collectifs. Après la Télé tunisienne, place à la Société tunisienne d'électricité et de gaz (STEG), ce mastodonte d'utilité publique et qui couvre et intéresse tous les Tunisiens, du Nord au Sud du pays. On nous disait que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes dans ce secteur et que la Tunisie dispose des meilleurs services et prestations en matière d'électricité et de gaz et que tout y es informatisé selon les standards internationaux. Est-ce vraiment le cas ? Eh bien, pas du tout selon ce rapport de la Cour des comptes élaboré, rappelons-le, par des magistrats. Le rapport de 25 pages, rédigé en arabe, fait ressortir plusieurs lacunes et autres défaillances à divers niveaux dont notamment, les investissements, la conclusion des marchés, la réalisation des projets, la couverture du territoire par le réseau, la maintenance du matériel et des équipements, le système d'informatique, les pannes, la production, le transport et la distribution de l'électricité Concernant le volet des investissements, les opérations de contrôles effectuées par les services de la Cour font ressortir que, selon les prévisions du Xème Plan de développement, les montants alloués à cet effet s'élèvent à 1113 MD répartis respectivement comme suit : 377 MD pour la production, 471 MD pour le transport et 265 MD pour la distribution avec pour objectifs, à la fin du XIème Plan : une capacité de production d'une valeur de 1825 MD, un soutien de 450 MD au réseau du transport et 520 MD pour la distribution. Or, un retard énorme dans l'installation de l'unité de Ghannouch (6 ans !) a contraint la Société à signer des accords de gré à gré pour installer deux unités à gaz pour un coût global de 225 MD alors que le coût estimatif de l'unité de Ghannouch était, en 2006, de l'ordre de 360 MD sachant que la consommation qualitative d'une unité à gaz est deux fois supérieure à celle d'une centrale, d'où le gaspillage en énergie et en argent, en attendant de débourser les 360 MDT de la centrale de Ghannouch. De même pour la production prévue avec l'extension de la centrale éolienne de Sidi Daoud dans la région de Bizerte pour un coût de 580 MD. Or, devant entrer en exploitation en février 2009, cette centrale n'a vu son contrat signé que, justement en ce mois de février 2009 avec un délai de réalisation de 30 mois. D'où les répercussions négatives en matière d'exploitation et de surcoût. Il en est de même, selon le même rapport, pour la plupart des projets qui, jusqu'à fin juin 2010, étaient encore au stade de la finalisation des contrats, sachant qu'un seul a été conclu en septembre pour une valeur de 20 MD sur un ensemble de projet d'un coût total de 450 MD ! D'autre part et concernant la réalisation des projets du Xème, on notera des rectificatifs introduits entraînant une augmentation des coûts pour un montant de 114 MD, soit 23% de la valeur de la tractation initiale sans oublier que la STEG n'a pas soumis, à la Commissions supérieure des marchés, les offres ayant conduit au changement de la nature de la tractation ? Il s'est avéré, également, que seuls 26% des projets de centres de transformation programmés durant la période de 2002 à 2009 ont été, effectivement réalisés, sans oublier le nombre de projets non exécutés du tout Concernant la distribution, il ressort que de grandes défaillances ont existent avec l'absence de l'actualisation des réseaux de moyenne tension pouvant atteindre, parfois, plus de quatre ans , ce qui engendre une absence de visibilité concernant les planifications et les prévisions. Parmi les retombées graves à ce propos, on signalera l'absence de garantie d'approvisionnement en électricité en cas de pannes étant donné l'incapacité de 26 centres de transformations, principaux et sectoriels, à couvrir ces pannes qui avaient touché, en 2010, neuf de ces centres et quatre lignes principales. Pour le système d'informatique et d'information, il ressort du rapport de la Cour des comptes que seuls 34% du budget a été exécuté (7,6 MD) jusqu'à fin juin 2010 à cause des lenteurs dans la préparation des cahiers des charges et de la faiblesse de la synchronisation entre les départements d'exploitation et de la direction de l'informatique sachant que la Société n'a jamais précisé les différentes étapes de planification et d'exécution, sans oublier que 58% des districts ont acheté leurs programmes à titre individuel, ce qui empêche l'intégration efficace de ces systèmes d'information. A ce propos, la Cour dévoile que le système « Alpha », bien qu'installé avec un retard de plus de deux ans et un dépassement des coûts de 75% (de 400 à 700 mille dinars), souffre de plusieurs lacunes, de lenteur et de pannes répétées. Le volet de production et de maintenance souffre, lui aussi, de défaillances traduites par des arrêts de fonctionnement puisque sur 1530 ordres de travaux dont 82%, qualifiés d'urgents, n'ont pas été exécutés jusqu'à mars 2010, deux ans après l'émission desdits ordres ! A noter que le manque de maintenance a touché, plus particulièrement les lignes de haute tension, ce qui est encore plus grave. Autre chiffre, le taux de maintenance a atteint, à peine, 50% de ce qu'il devrait l'être dans le district de Tunis. Ce taux est de 24% seulement dans le district de Mahdia. Des défaillances ont été relevées au niveau de la qualité des services rendus aux clients, du recouvrement et de la facturation. Ceci a entraîné des impayés de l'ordre de 19,4 MD jusqu'à l'an 2009. Ces impayés étaient de 16,2 MD en 2008, sachant qu'ils concernent surtout les consommations dans les locaux à usage d'habitation. Ainsi, et comme le relève le rapport de la Cour des comptes, la STEG, qui couvre un secteur névralgique continue à fonctionner, sans une démarche rigoureuse et souffre de lacunes inadmissible s en ce 21ème siècle avec des retards, partout et à tous les niveaux et à toutes les étapes allant de la production au recouvrement en passant par l'exploitation et la maintenance. C'est dire qu'une véritable mise à niveau est plus qu'urgente pour ce secteur ultra-sensible et pour nous éviter, un de ces jours, des désagréments dont personne ne peut prévoir la gravité. Noureddine HLAOUI