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Tunisie Projet d'immunisation politique : La chasse aux sorcières est ouverte
Publié dans Business News le 27 - 11 - 2012

Le 23 novembre 2012, le mouvement islamiste Ennahdha organisait une conférence de presse pour annoncer l'élaboration d'un projet de loi dont le but est « l'immunisation de la politique pour la révolution ». En des termes moins eugénistes, il s'agit d'exclure les symboles de l'ancien régime de la future scène politique tunisienne… du moins, certains d'entre eux. Le Congrès pour la République avait, de son côté, présenté un projet d'amendement du décret portant sur l'organisation des partis. Mais avec son projet d' « immunisation », Ennahdha veut frapper fort et étend l'exclusion à un ensemble de fonctions choisies. Et, pour mettre à exécution leur projet et établir leur liste d' « intouchables », les islamistes et leurs alliés comptent sur l'esprit de délation de leurs concitoyens. Pourquoi changer une méthode qui a longtemps fait ses preuves ?
Il y a exactement deux mois, le 27 septembre 2012, le CPR présentait son projet d'exclusion des anciens responsables RCD. Il ne s'agissait, en réalité, pas d'un projet de loi, mais d'un projet d'amendement de l'article 7 du décret 87-2011 daté du 24 septembre 2011, portant sur l'organisation des partis politiques. Cet article 7 énumère les différents corps de métiers dont les membres ne peuvent adhérer à un parti politique, parmi lesquels les militaires, les forces de l'ordre, les juges, etc. A cela, le CPR voulait ajouter tous les membres des gouvernements du 7 novembre1987 au 14 janvier 2011, ainsi que toutes les personnes ayant eu des responsabilités au sein du RCD dissous. Cette exclusion aurait été effective pendant une période de 5 ans que, à l'époque, Mohamed Abbou jugeait suffisante pour l'assainissement de la scène politique tunisienne.
Le mouvement Ennahdha, à l'époque, ne s'était pas encore positionné sur la question, et n'avait pas statué sur cette volonté d'exclusion de ce qui est communément appelé « les symboles de l'ancien régime ». Avec la nomination de Chedly Ayari à la tête de la Banque centrale, celle, antérieure, de Tarak Dhiab au ministère de la Jeunesse et des Sports, et d'autres encore, Ennahdha aurait pu faire croire qu'il s'était réconcilié avec ses anciens démons Rcdistes. Mais aujourd'hui, rien n'est moins sûr. Au projet d'amendement du décret organisant les partis politiques proposé initialement par le parti du président de la République, le parti islamiste joue la surenchère et obtient le soutien du CPR, du mouvement Wafa de Abderraouf Ayadi, des groupes parlementaires « Les indépendants libres » de Salah Chouaieb (regroupé avec d'anciens élus d'Al Aridha, anciennement ralliés à Slim Riahi et qui ont failli rejoindre Bahri Jelassi) et du groupe « Liberté et dignité ». Ce projet d'« immunisation » obtient également les faveurs de Fayçal Jadlaoui (indépendant affilié au groupe Ettakatol), ou encore de Mohamed Néji Gharsalli, élu sur les listes du PDP, affilié au groupe démocratique.
Aux cinq ans donc, proposés par le CPR, Ennahdha préfèrera une période d'exclusion de 10 ans. A l'amendement d'un article du décret organisant les partis politiques, Ennahdha préfèrera une Loi fondamentale forte de 11 articles, de listes, et d'appels à la délation. Les défaillances introduites par ce projet sont multiples, que ce soit sur le plan des valeurs et principes démocratiques, de la constitutionnalité et de la légalité ou encore de la faisabilité. Le projet de loi est également insuffisant quant aux listes établies des personnes exclues et des postes qui leurs sont interdits. Pourquoi ?
L'article 2 de ce projet de loi prévoit, par exemple, d'exclure les anciens chefs du gouvernement sous Ben Ali, de même que les anciens ministres, secrétaires d'Etat, mais aussi les présidents ou membres des cabinets de la présidence de la République ou de la présidence du Parlement. Ne sont donc pas concernés les conseillers auprès de ces deux présidences, ni même les membres des cabinets des ministères, y compris ceux du Premier ministère. Ne sont pas non plus concernés par l'exclusion les anciens gouverneurs ou encore les anciens ambassadeurs et consuls.
Par contre, les personnes visées par l'exclusion, y compris celles qui auraient eu une responsabilité de quelques jours au sein du RCD dissous (car il n'y a pas de période minimum évoquée), y compris celles qui, dans leur jeunesse, auraient fait partie de la structure centrale ou régionale des organisations des « Jeunes RCD », sont interdites, pendant une période de 10 ans, des fonctions listées dans l'article 3 du projet évoqué. Parmi ces fonctions interdites figurent pourtant celles d'ambassadeur ou de consul, de gouverneur, ou encore de gouverneur ou vice-gouverneur de la Banque centrale de Tunisie.
Autrement dit, les anciens ambassadeurs, gouverneurs ou membres des cabinets ministériels peuvent avoir accès à tous les postes politiques ou administratifs qu'ils souhaitent, alors qu'une personne qui aurait appelé à voter pour Ben Ali en 2014 (que cela lui ait été imposé ou pas) ou qui aurait été membre, pour une courte période, de la structure centrale de la jeunesse du RCD, fait partie de la liste des « intouchables », pendant 10 ans. « Les structures de la jeunesse du RCD, par exemple, avaient généralement des activités d'ordre culturel et ne prenaient aucune décision politique », s'indigne, à ce sujet, Ridha Belhaj, porte-parole de Nidaa Tounes.
« Ce principe de listes rappelle le principe de l'étoile durant la seconde guerre mondiale. Si nous demandons tous que justice soit faite, dans le cadre de la Justice transitionnelle, il n'est pas acceptable d'opérer des sanctions collectives basées simplement sur l'appartenance. Et s'il s'agit d'exclure certaines personnes pour leur complicité à l'établissement de la dictature, alors il faudrait exclure la grande majorité des Tunisiens, qui par son silence, pourrait être accusée de complicité ! », s'indigne Nadia Chaâbane, élue du groupe démocratique à l'Assemblée constituante et membre d'Al Massar.
Parmi les députés d'Ennahdha, Zied Laâdhari a concédé, timidement, qu'il aurait préféré que cet assainissement de la politique se fasse à travers la Justice transitionnelle. Ce dernier n'a cependant pas souhaité faire savoir ses intentions quant à son approbation ou son rejet d'un tel projet de loi, laissant sous-entendre qu'il pourrait se plier à la volonté du parti, au-delà de ses propres principes.
Sur le plan des principes démocratiques et de la constitutionnalité de la loi, à présent, plusieurs questions se posent. Le brouillon de la prochaine Constitution, particulièrement les Principes fondamentaux de la version finale sortie de la commission qui en avait la charge, stipule l'égalité des citoyens et citoyennes en droits et en devoirs. Exclure une partie de la population, sur la base d'une liste arbitraire de fonctions et responsabilités, est donc contraire à ce principe premier, qui, s'il venait à être adopté, rendrait inconstitutionnel ce type de loi.
Un Conseiller juridique parlementaire au sein de l'Assemblée constituante se dit, également, étonné de voir que des postes au sein de l'Administration, et non uniquement des responsabilités politiques, soient interdits aux personnes exclues. Ainsi, ces « intouchables » n'auraient pas le droit de pourvoir des postes administratifs tels que ceux de membre des cabinets ministériels, gouverneurs, délégués ou encore gouverneur de la Banque centrale de Tunisie. « Il y a eu des pays qui ont interdit toute responsabilité politique. Mais élargir l'exclusion à certains postes administratifs n'a pas d'équivalent et aucun fondement légal », précise-t-il. Cela n'empêchera pas le fait que certains « hommes de loi », tels que Abderraouf Ayadi, saluent cette loi « d'immunisation ». M. Ayadi a, dans le même ordre d'idées, appelé, lors de la séance plénière de ce jour, mardi 27 novembre 2012, à reconduire les comités de protection de la révolution, prétextant qu'ils sont seuls garants de la réalisation des objectifs de la révolution.
Par ailleurs, sur le plan des principes démocratiques, Nadia Chaâbane ajoute : « Ce type de projet d'exclusion vole la souveraineté au peuple, en l'empêchant de choisir lui-même ses représentants ». Ainsi, comme du temps de la dictature, le peuple ne serait pas suffisamment conscient ou mature pour prendre les décisions qui le concernent.
« Le peuple n'est pas prêt pour la démocratie », disait-on du temps de Bourguiba et Ben Ali.
Sur le plan de la faisabilité, enfin, Ennahdha privilégie une méthode qui a souvent fait ses preuves durant la dictature, celle de la délation. En plus des multiples tâches qui lui seront affectées, l'Instance des élections aura, selon ce projet, celle de réunir et lister les informations fournies par les différents délateurs. À partir de ces informations, l'ISIE devra établir une liste des « exclus ». Selon le conseiller juridique de l'ANC interrogé par Business News, la faisabilité d'une telle disposition est incertaine voire impossible. Les dispositions selon lesquelles le Tribunal administratif n'aura que quelques jours pour statuer, en cas de recours des personnes dont le nom figure dans la liste, est tout aussi infaisable. Et enfin, aucun article en ce sens n'est prévu dans le projet de loi de la nouvelle ISIE, actuellement soumis au vote à l'ANC, pour lui octroyer ces prérogatives. Mais qu'à cela ne tienne, les « protecteurs de la révolution » proclament la chasse aux sorcières ouverte !


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