Ils figurent parmi les principales figures du paysage audiovisuel tunisien. Ils sont les stars de la télé qu'on peut aduler ou détester, mais qu'on ne rate jamais. Ils sont décriés par les uns, encensés par les autres, mais ils ne laissent personne insensible. Tout patron de télé ou de radio aimerait les avoir, car grâce à eux l'audimat est garanti. Ils s'appellent Boubaker Ben Akacha, Elyes Gharbi, Sofiène Ben Hamida, Naoufel Ouertani, Nizar Chaâri, Moez Ben Gharbia ou Meriem Belkadhi. Ils appartiennent tous à ce que la Troïka appelle « médias de la honte ». Trois de ces vedettes de la télé, à savoir Belkadhi, Ben Gharbia et Ouertani, ont reçu la semaine dernière sur leurs plateaux, des invités controversés. Comme d'habitude, ces trois animateurs ont essayé d'être professionnels dans les interviews qu'ils ont menées, au point de confondre objectivité et neutralité. Cet excès de « professionnalisme » a fait que nos trois stars soient malmenées par leurs invités d'une manière abjecte. Insensibles, sûrs d'eux ou carrément masos, Belkadhi, Ben Gharbia et Ouertani ont fini par heurter leur propre public, c'est-à-dire leurs fans. De quoi s'agit-il ? Meriem Belkadhi a invité un vendeur de légumes qui s'est métamorphosé en homme de religion après la révolution, se prenant carrément pour un prédicateur qui détient la vérité absolue. L'usurpateur prône la polygamie, interdit la mixité et se permet d'insulter d'autres prédicateurs et d'autres personnes qui, d'après lui, ne comprennent rien à la religion. Naoufel Ouertani a invité un ancien officier de la Garde nationale qui s'est métamorphosé en pamphlétaire après la révolution se considérant comme un intellectuel détenant la vérité absolue. Le faussaire donne des leçons à droite et à gauche, se permet d'insulter nos plus grands journalistes et chroniqueurs qui, d'après lui, ne comprennent rien aux médias. Moez Ben Gharbia a invité une avocate qui a toujours été une militante de droits, mais qui ne sait pas que les droits de l'Homme n'ont plus lieu d'être cités lorsqu'on fait face à des terroristes et lorsque les vies de nos soldats sont en jeu. Soucieux d'offrir des espaces d'expression à tout le monde, Moez Ben Gharbia, Naoufel Ouertani et Meriem Belkadhi ont fini par inviter n'importe qui. Sur leurs plateaux, on a vu des obscurantistes, des analphabètes et des terroristes. Pourquoi font-ils ça ? On veut être neutres, disent-ils ! Depuis la révolution, on ne cesse de nous rabâcher les oreilles avec ce concept de neutralité qui n'existe dans aucun média au monde. Pour les médias privés, il n'a pas lieu d'être. Chaque média a le droit d'avoir une ligne éditoriale et de défendre une idéologie. Partout dans le monde, il y a des journaux de droite et des journaux de gauche. On ne peut pas demander à La Croix de défendre la laïcité, ni au Nouvel Obs de défendre la religion. On ne peut pas demander à Iqraa de défendre l'athéisme ni à XXL de défendre la probité. Pour les médias publics, il n'y a pas de neutralité qui vaille, quand l'intérêt de l'Etat est en jeu, et je dis bien Etat et non gouvernement. L'équité exige que tous les courants d'expression républicains soient représentés à la télévision et à la radio. Soit ! Mais ceux qui prônent le califat et ceux qui disent que la liberté est ennemie de la religion n'ont pas à y être représentés. Les esprits liberticides et rétrogrades n'ont pas à venir sur Ettounsia, Nessma et les chaînes publiques. On dira que la censure n'a rien apporté de bon et n'a servi à rien et on l'a bien vu avec les courants islamistes durant des décennies. Soit ! Mais si vous voulez inviter des rétrogrades et ennemis de la démocratie, qu'on cesse alors de jouer à la soi-disant neutralité et que le journaliste-animateur prenne carrément position devant son public. Et cette position doit être conforme à celle de la ligne éditoriale de sa chaîne. Et, par définition, une ligne éditoriale ne saurait être neutre, cela n'existe nulle part ! Il n'y a pas de neutralité qui vaille quand la République est menacée. Il n'y a pas de neutralité (ni même de droits de l'Homme) quand la sécurité publique et la vie de nos concitoyens est menacée. Il n'y a pas de neutralité qui vaille quand les acquis de la femme sont menacés. Le paysage médiatique tunisien s'est bien diversifié après la révolution. On a eu des dizaines de nouveaux titres, dans les médias imprimés, électroniques et audiovisuels. Force est de constater que les médias qui caracolent en tête des audiences sont tous catalogués comme « médias de la honte ». Les nouveaux titres (qui se sont présentés comme alternatifs apportant une touche de crédibilité) sont tous à la peine et à la traîne. Pour les chaînes de télévision, les TNN, Al Moutawassat et Zitouna dépassent rarement le 1% d'audience et n'attirent quasiment jamais les annonceurs. Pour les radios, Kalima n'a pas tenu un an. Pour les médias imprimés, Adhamir ou El Fejr arrivent rarement à dépasser les 10.000 exemplaires vendus et à convaincre les annonceurs de placer des pages de publicité. Autre paradoxe, les médias de la honte ont tous un business model connu et transparent : la publicité qui leur génère l'ensemble des recettes. Les médias dits alternatifs (ceux qui se présentent comme des pros) ont tous des business model opaques : on ne sait pas qui les finance et qui se cache derrière. Dernier paradoxe : ces nouveaux médias alternatifs donneurs de leçons n'invitent quasiment jamais les défenseurs de la laïcité, du progressisme et de l'opposition. Ils prennent ouvertement position en toute transparence et c'est leur droit absolu, puisque ce sont des médias privés. Les invités obscurantistes de Meriem Belkadhi, Naoufel Ouertani et Moez Ben Gharbia, la semaine dernière, ont tous leurs habitudes dans ces TNN, Al Moutawassat et Zitouna. Qu'ils y restent ! Les promoteurs et animateurs de Nessma, Ettounsiya ou Hannibal ont peiné des années pour atteindre ce degré de professionnalisme (relatif) et pour pouvoir générer ces taux d'audience élevés. Ils n'ont pas à faire profiter de leur expérience ces ennemis de la République, de la liberté et de la démocratie. L'expérience et le savoir-faire de Meriem Belkadhi, Naoufel Ouertani et Moez Ben Gharbia valent de l'or et n'ont pas à profiter aux imbéciles. Que ces obscurantistes se débrouillent entre eux dans leurs chaînes. Avec eux, on se doit de bien confirmer notre titre de « médias de la honte ». Oui, on est des médias de la honte et, la preuve, on ne vous invite pas ! Soyez cohérents et cessez de mendier une apparition dans ces médias que vous dénigrez ! Allez-vous faire voir dans vos chaînes professionnelles aux 0,00001 % d'audience ! Que nos animateurs-vedettes cessent de nous polluer le paysage audiovisuel avec ces invités-parasites, le temps d'antenne vaut trop cher pour qu'il soit sacrifié à n'importe qui. Nos animateurs-vedettes se doivent d'être objectifs en cessant d'être neutres !