Le verdict de la Haica est tombé contre l'émission hebdomadaire de Hamza Belloumi, J8. Suspension d'une semaine. L'autorité chargée de l'audiovisuel a estimé qu'il y avait erreur et que le montage vidéo diffusé lors de l'émission était de nature à semer la haine et à salir l'image de l'ancien président. Sur le fond de l'histoire, il y avait bel et bien erreur. L'animateur et son avocat Abdelaziz Essid l'ont admis et avoué. Cela nous éloigne déjà de l'accusation de manipulation à dessein fomentée de toutes pièces par les fans de Moncef Marzouki. Reste que maintenant, il est bon de faire remarquer que la sanction de la Haica est disproportionnée par rapport au fait. Sur la forme, il y a un hic, c'est que la Haica n'a pas la latitude de convoquer Hamza Belloumi puisque ses membres n'atteignent pas le quorum légal, suite aux différentes démissions. Sur la forme également, comment la Haica peut-elle recevoir une plainte du CPR, alors que ce dernier n'a théoriquement rien à voir avec Moncef Marzouki ? L'ancien président n'a aucune appartenance, légale, au parti qu'il a fondé et a même déclaré qu'il s'est présenté à titre indépendant à la présidentielle et non en tant que candidat CPR. Sur le fond, en ordonnant la suspension de l'émission, la HAICA sanctionne les téléspectateurs de J8, les invités de l'émission et les annonceurs publicitaires. De quel droit la Haica sanctionne-t-elle tout ce monde là ? Qu'il y ait eu manquement de professionnalisme, ou manquement à la déontologie, ceci est un fait et toute erreur mérite sanction. Pour comparer le comparable, la CSA en France fait régulièrement face à ce type de manquements à la déontologie et prononce des sanctions évolutives contre les différentes chaînes françaises. La Haica, en tant qu'organisme naissant dans une démocratie naissante, sait parfaitement que J8 manque drastiquement de moyens matériels et humains, ce qui explique (sans justifier) l'erreur. Un avertissement, dans un premier temps, aurait été suffisant. Le CSA commence par prononcer des mises en garde, puis des mises en demeure, avant d'aller aux sanctions pécuniaires (qui ne dépassent pas 3% du CA de la production). La suspension de l'émission (équivalant à une censure) est un verdict très rarement prononcé chez les gendarmes de l'audiovisuel des pays démocratiques qui respectent la liberté d'expression. Les médias sont loin d'être parfaits et peuvent, comme tout le monde, se tromper et faire des erreurs. La Haica n'a pas à être clémente, mais elle se doit d'être juste en prononçant des verdicts qui vont de pair avec l'erreur commisse, qui ne sanctionnent pas d'autres parties (le téléspectateur et l'annonceur) et qui prennent en considération les moyens matériels et humains dont dispose le média en question. Dernier point, en sanctionnant l'émission, la Haica feint de ne pas voir que Moncef Marzouki a annoncé qu'il allait déposer plainte contre la chaîne et son animateur. En clair, le premier intéressé dans l'histoire a préféré saisir la justice que la Haica. Et si la justice les sanctionne ? Cela devient carrément anticonstitutionnel, puisqu'on ne peut pas être jugé deux fois pour le même fait. Il se trouve que la Haica a préféré répondre à la saisine d'un parti plutôt que celle du premier intéressé, quitte à piétiner les platebandes de la justice !