Je suis triste. La bande dessinée les Bokbok ne paraîtra pas ce dimanche. Elle vient d'être censurée. Quand je l'ai livrée hier, quelqu'un de la rédaction m'a demandé « si j'ai une bande dessinée de rechange, parce que celle que j'ai envoyée n'a pas plu » (sic !). J'ai lu et relu la bande censurée : est-elle contraire à la morale ? Contient-elle de la diffamation ? Une fausse nouvelle ? Une atteinte à l'ordre public ? Non. Rien. Rien de tout cela. Tout simplement je me suis exprimé librement et ça n'a pas plu à quelqu'un. Je suis triste de découvrir que dans ce pays où on peut attaquer le Président de la République, on ne peut pas faire allusion, ni de près ou de loin, à l'influence des Etats-Unis.
La liberté d'expression, le rare acquis de la Révolution serait donc du bidon. Longtemps, j'ai vécu le stress et l'humiliation sous l'ère Ben Ali, du temps où la censure était institutionnalisée. Mais cette censure qui venait d'en haut prend sa source aujourd'hui de l'intérieur même des rédactions. Certains sont en train de renouer avec cette macabre tradition. Non. Vous ne nous aurez pas encore une fois. Non je me battrai. Terminus, tout le monde descend, j'aime mon métier et je me fous de votre argent.
Lotfi BEN SASSI
Précision de Business News : Par solidarité avec le confrère et ami Lotfi Ben Sassi et par souci de défendre la liberté d'expression et de parole, la direction de Business News a choisi de publier les dessins censurés par le quotidien La Presse, sans pour autant prendre part ou position dans le différend, tout à fait ordinaire dans toutes les rédactions, entre le journaliste-caricaturiste et son journal, et tout en respectant les choix et les contraintes des décideurs de ce média public.