L'expert économique Ezzeddine Saidane a soutenu que « la Tunisie vit le scénario grec en pire » ajoutant que « si la Grèce avait été épaulée par l'UE, la Tunisie, elle, n'a personne ». Pour lui, « le pays n'a pas le choix, il doit suivre les recommandations du Fonds Monétaire International (FMI) ». M. Saidane a expliqué, lors d'une interview accordée ce lundi 24 juillet 2017, à Amina Ben Doua dans l'émission Midi Show, qu'après la révolution, on parlait de recommandations du FMI alors que réellement, il n'y en avait pas : Il y avait plutôt des engagements des autorités tunisiennes pour réaliser certaines réformes économiques. «Aujourd'hui, je le dis avec une certaine amertume : Avec certaines de ses mesures, le FMI met l'économie tunisienne sous sa tutelle. Il y a des décisions et des mesures que l'Etat tunisien ne peut pas prendre librement sans l'approbation du FMI. En outre, il y a des rapports mensuels qui devront être envoyés à l'institution monétaire internationale», a-t-il affirmé.
Revenant sur certaines dates clés, l'expert économique a rappelé que la Tunisie a recouru au FMI en 2013, dans le cadre d'engagements et de réformes bien déterminés. Les réformes convenues n'ont pas été accomplies intégralement, puisque la dernière tranche a été bloquée et a été annulée, la Tunisie n'ayant pas respecté ses engagements. En mai 2016, la Tunisie a de nouveau recouru au FMI pour obtenir un crédit de 7 millions de dinars (soit 2,8 millions de dollars) et la Tunisie s'est engagée à réaliser un programme de réformes contre le déblocage du prêt, explique l'expert. « La première tranche est automatiquement débloquée dès la signature de l'accord. La deuxième tranche, en revanche, n'a pas été débloquée alors que cela aurait dû se faire en décembre 2016. Il y a eu, entre temps, la visite de plusieurs délégations du FMI jusqu'à celle d'avril qui a été déterminante. Le FMI s'orientait vers le blocage de la 2ème tranche, mais la Tunisie insistait pour remettre en cause les principes de l'accord établi entre les deux parties », a-t-il dit. L'expert ajoute que « cette affaire a été suivie par une dépréciation violente du dinar, une augmentation du taux d'intérêt directeur, deux fois en à peine un mois, l'augmentation des prix du carburant et diverses autres mesures ». «Si cette tranche n'a pas été versée, elle aurait créé un étranglement complet de l'économie tunisienne, sachant que l'ensemble des institutions financières suivent l'avis du FMI», estime-t-il. Il ajoute : « Juste après le déblocage de cette tranche, la Banque Mondiale a accordé un prêt de 500 millions de dollars, la BEI 300 millions d'euros et la BAD 300 millions de dollars. Ces prêts ont donné une bouffée d'air aux finances tunisiennes ».
« Cette fois-ci, le FMI a exigé la signature du gouverneur de la BCT et du chef du gouvernement sur l'accord les liant, pour sceller les engagements de l'Etat tunisien. Ces accords concernent, notamment, le départ de 25.000 fonctionnaires ce qui fera perdre à l'administration ses meilleurs éléments, le gel de l'augmentation de la masse salariale, la mise en place d'une politique d'austérité, le suivi avec le FMI de 5 sociétés publiques (Tunisair, la STEG, l'Office des céréales, la Régie nationale des tabacs et des allumettes (RNTA) et la SONEDE) avec des rapports périodiques ainsi que des rapports mensuels sur une trentaine d'indicateurs », a précisé Ezzeddine Saidane. «Ce sont des engagements importants et je doute que la Tunisie soit capable de les tenir, sachant qu'une délégation du FMI est actuellement en mission en Tunisie, pour le déblocage de la 3ème tranche prévue pour octobre 2017», note-t-il, en expliquant qu'il y a une opacité politique qui empêche la prise de décisions de l'exécutif et le dialogue avec les parties sociales.
« Le départ de 25.000 fonctionnaire a un coût et on ne sait pas comment cela va-t-il être financé », indique-t-il, en rappelant également que, « le gouvernement s'est engagé à opérer des augmentations salariales en 2017 et en 2018 ».