« Notre rôle, et l'âme même de la Loi de finances 2018, c'est d'instaurer la justice sociale » a déclaré le chef du gouvernement Youssef Chahed ce soir du jeudi 1 octobre 2017 lors d'une interview donnée à Myriam Belkadhi sur Elhiwar Ettounsi. Lors de cette interview, il a surtout été question de la Loi de finances 2018, approuvée aujourd'hui en conseil des ministres et dont les dispositions suscitent, depuis plusieurs semaines déjà, une vive polémique. « Oui, tout le monde parle de la Loi de finances, mais je suis certain que personne n'en a consulté le contenu puisqu'il a été adopté aujourd'hui même, vers midi. D'ailleurs, j'assure qu'aucune des rumeurs qu'on dit aujourd'hui n'est exacte : aucune augmentation des prix des vignettes, aucune suppression de la subvention… », s'est-il indigné. Le chef du gouvernement a ajouté, toujours au sujet de la LF2018, que « dans la Loi de finances 2018, nous avons plutôt opté pour une réorientation fiscale. Nous allons appliquer une taxation sur les établissements financiers, ainsi que l'économie de rente, afin de financer les projets publics et d'instaurer une justice sociale ». Il ajoute : « Il y a des gens qui gagnent beaucoup d'argent. On ne les envie pas, cependant ils doivent payer l'Etat, c'est leur devoir ! »
Quant au programme du gouvernement pour la période à venir, Youssef Chahed a déclaré : « Notre programme économique et social se base sur deux axes principaux, à savoir l'activation des moteurs de développement et l'application des réformes ». Et d'ajouter : « La politique c'est une vision claire, des objectifs et des chiffres concrets. Et si on parle de 2020, c'est parce que nous sommes réalistes et nous ne pouvons prétendre à des résultats satisfaisants qu'au bout de 2 ou 3 ans. Nous avons été mandatés jusqu'à 2019, nous aurons donc la charge d'établir la loi de Finances 2020 ». Chahed s'est aussi exprimé sur la chute de la valeur du dinar considérant que « la politique monétaire de la Tunisie peut être revue », et ajoutant que « le gouverneur de la Banque Centrale n'est pas au-dessus des critiques. Nul n'est immuable ».
Au sujet des réformes engagées par le gouvernement, Chahed insiste sur le fait que « les grandes réformes doivent être appliquées » soutenant que « le système de subvention doit être revu. Il n'est pas juste que des gens profitent de la caisse de compensation alors qu'ils ne sont pas dans le besoin ». Revenant sur la situation des investisseurs, le chef du gouvernement a affirmé que « la Tunisie possède deux moteurs de développement : l'investissement et l'exportation. Pour cela, nous allons encourager les investisseurs, ceux qui créeront des postes d'emploi seront exemptés d'impôts. Ceux qui créeront des postes dans les régions de l'intérieur seront exemptés de payer des cotisations sociales ».
Youssef Chahed a, par ailleurs, été interrogé par Myriam Belkadhi sur la guerre contre la corruption « accusée d'être en stand-by ». « La guerre contre la corruption est encore d'actualité et elle se poursuit. Peut-être que les premières arrestations ont été plus spectaculaires ayant touché des personnalités connues, mais hier encore, 14 personnes ont comparu devant le pôle financier pour malversations, parmi eux des directeurs de banques et des dirigeants ». Toujours au sujet de la guerre anti-corruption, il a précisé : « Nous avons mis en place tous les moyens nécessaires comme le projet de loi de l'enrichissement illicite et l'augmentation du nombre des tribunaux administratifs. Ce sont des indices forts pour affirmer notre détermination pour aller jusqu'au bout de cette guerre ».
Interrogé sur ses relations avec la présidence de la République et le parti Ennahdha, Chahed a souligné : « Quant à ma relation avec le président de la République, elle est excellente. Il y a une grande coopération entre les deux institutions pour l'intérêt du pays ». Il a aussi été appelé à réagir au communiqué publié aujourd'hui par l'UGTT dans lequel la centrale syndicale écrit que « la privatisation des sociétés publiques est une ligne rouge à ne pas franchir », il a rétorqué qu'il n'existe aucune ligne rouge et que tous les dossiers peuvent être sujets à discussion.
Youssef Chahed a aussi été questionné sur l'affaire de la Tunisienne et du Franco-Algérien, condamnés à de la prison ferme pour « atteinte aux mœurs » et « outrage à un fonctionnaire ». Tout en réaffirmant son « attachement à l'indépendance de la justice » dont il s'est abstenu de commenter les verdicts, le chef du gouvernement a assuré que « si la Tunisie a réalisé certaines avancées en matières de libertés individuelles, du chemin reste à faire et certaines lois doivent être discutées ».
Revenant sur les développements au sein de Nidaa Tounes, Youssef Chahed a fait part de sa « satisfaction » quant à la tenue du prochain congrès électif soulignant qu'il ne se présentera pas puisqu'il préfère « se concentrer beaucoup plus sur l'action gouvernementale ».
Aux membres de son gouvernement, le chef du gouvernement a indiqué que « personne ne peut revenir en arrière, il n'y a de place que pour les audacieux, mieux vaut prendre une décision erronée que de ne rien faire du tout. » Quant à l'opposition, il l'a appelée à faire preuve de plus de responsabilité mais aussi à « élever le niveau ». S'adressant aux citoyens tunisiens, il a enfin déclaré : « Ceci est notre pays et tout ce que nous pouvons faire pour ce pays, nous le ferons. Il faut un retour au travail ! […] Soit nous passons notre temps à pleurer, soit nous pouvons retrousser nos manches et travailler. Le futur sera à nous et nous pouvons redonner espoir ! ».