Il ne fait pas de doute que le bras de fer engagé entre le gouvernement et la Fédération de l'enseignement secondaire de l'UGTT a mené dans une impasse les négociations entre les signataires de l'Accord de Carthage pour l'élaboration d'une nouvelle feuille de route de gouvernement. Il fallait bien s'attendre à la réaction de Noureddine Taboubi, secrétaire général de l'organisation des salariés qui a refusé de signer la nouvelle feuille de route car elle stipulait, entre autre, que l'application des accords conclus depuis 2011 entre le gouvernement et les diverses structures sectorielles de l'UGTT serait dorénavant tributaire des moyens dont dispose l'Etat. L'assentiment de Noureddine Taboubi signifiait implicitement un désaveu au mouvement de grève des enseignants du secondaire dès lors que leur revendication se fonde essentiellement sur une augmentation de leur rémunération et, par là-même aussi, l'arrêt de mort aux négociations programmées sur des augmentations de salaires dans le secteur public au titre de l'année 2018.
La classe politique, dans sa très large majorité, semble vouloir s'affranchir de la centrale syndicale et de sa manière de vouloir régenter le pays. Une large partie d'entre elle semble prendre de plus en plus conscience de l'utilisation abusive par l'UGTT du droit de grève, que son exercice s'apparente plus à un refus du système ou du modèle économique du pays qu'à une manifestation d'un différend entre les salariés et leur employeur, que le droit de grève est devenu un outil de contestation politique exploité par des responsables syndicaux dont les orientations idéologiques sont connues. C'est d'ailleurs ce que l'on comprend lorsqu'on entend un Lassâad Yaâcoubi, secrétaire général du syndicat des enseignants du secondaire parler de combat « historique », nostalgique d'un environnement datant du 19e siècle. C'est d'ailleurs ce que l'on comprend lorsqu'on entend le secrétaire général de l'UGTT fustiger le FMI sur ce qu'il représente et non sur les conditions qu'il affiche en tant que prêteur en dernier recours ou encore vouloir changer tout gouvernement qui ne se soumet pas à la propre et seule volonté de l'organisation syndicale. L'UGTT ne semble pas avoir saisi que la feuille de route que les signataires de l'Accord de Carthage doivent formuler au gouvernement d'union nationale est censée exposer des enjeux et tracer des orientations cohérentes. Qu'elle ne peut se réduire à l'énumération d'objectifs qui parfois s'entrechoquent. De ce point de vue, on ne peut exiger des augmentations de salaires dans le secteur public et s'accorder par ailleurs sur l'impératif de maîtriser la masse salariale dans le budget de l'Etat. En l'état actuel de la situation économique et des finances publiques, on ne peut pas fixer comme objectif de réduire le taux d'endettement et, en même temps, refuser ce qui peut conjoncturellement le permettre, à savoir les privatisations. L'UGTT ne semble pas être en mesure d'assimiler le fait que si la feuille de route doit comporter des objectifs, certains sont fatalement liés au programme conclu avec le FMI en contrepartie de son soutien financier. A ce stade, certains faits méritent d'être clarifiés sinon rappelés. Le FMI nous impose de réduire notre endettement. Soit. Mais il ne nous a pas imposé la manière, privatisations ou autres. Le FMI nous impose une réduction de la masse salariale pour la rendre compatible avec notre capacité de création de richesses. Soit. Mais, il ne nous a pas imposé des mesures de réduction d'effectifs dans la fonction publique comme le reflète la récente loi relative au départ volontaire à la retraite qui, soit dit en passant, va faire la part belle, une fois de plus, aux bénéficiaires de la funeste loi d'amnistie générale, plus qu'aux fonctionnaires ayant des dizaines d'années d'activité. Le FMI nous impose de réduire les subventions à l'énergie. Soit. Mais il ne nous a pas imposé d'ajuster systématiquement à la hausse les prix de l'essence, du gaz et de l'électricité. C'est nous qui avons fait ce choix en lieu et place par exemple d'une véritable et réelle politique de chasse au gaspillage. Le FMI nous impose de redresser la situation financière des banques publiques. Soit. Mais, il ne nous a pas imposé leur privatisation. Peu lui importent les formules, sa seule exigence est que ces établissements ne soient pas la cause d'une crise systémique. Le FMI nous impose des économies budgétaires. Soit. Mais il ne nous a pas imposé la manière de les réaliser, ni de réduire sans discernement le volume des transferts sociaux. Quoi qu'il en soit, l'UGTT ne semble pas prête à aborder les incontournables enjeux et les vrais débats, à développer sa vision d'une économie renouvelée, à nouveau conquérante, ouverte à la concurrence et en prise avec les innovations.