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Bientôt, vous ne lirez plus vos journaux !
Publié dans Business News le 02 - 05 - 2018

Les journaux imprimés ont été quasiment mis à plat par les journaux électroniques. Ces derniers ne devraient plus survivre longtemps, avec leur configuration et leur business model actuels, aux réseaux sociaux, notamment Facebook et YouTube.
La Tunisie ne fait pas exception, le phénomène est observé dans le monde entier et, même s'il n'est pas encore généralisé, les journaux indépendants sont appelés à se réinventer une nouvelle fois pour ne pas mourir et laisser le secteur entre les seules mains des grands lobbys. Il y va carrément de la survie de la démocratie où la presse joue pleinement son rôle de 4ème pouvoir.

Le 3 mai, journée mondiale de la presse, a un goût amer cette année en Tunisie. Sept ans après le déclenchement de la révolution et la promesse de lendemains meilleurs pour la démocratie et la liberté d'expression, les professionnels de la presse se heurtent à une nouvelle forme de « répression », nettement plus dure que sous la dictature, celle de l'économie !
Jadis, les citoyens achetaient leurs journaux. Les recettes des ventes, cumulées à celles de la publicité permettaient aux éditeurs de presse d'équilibrer leurs états financiers et même de dégager des bénéfices.
La donne a commencé à changer au début des années 2000 avec l'arrivée de la presse numérique où le tout gratuit primait sur tout. Le lecteur n'a plus besoin d'acheter un journal pour être informé et ceci touche aussi bien les médias généralistes qu'indépendants. Au milieu des années 2000, les recettes des ventes et des abonnements des journaux imprimés se sont réduites comme peau de chagrin et la publicité a commencé à se diriger de plus en plus vers les médias électroniques dont le nombre de lecteurs a commencé à dépasser celui des médias imprimés.
Un nouveau business model a vu alors le jour en Europe et en Amérique du Nord, celui des abonnements aux journaux électroniques et le paiement « à la pièce ». L'exemple le plus édifiant est celui du journal électronique français Mediapart qui a ouvert le bal et a réussi, par moments, à engranger des bénéfices grâce à un contenu différent et de qualité. Le business model a cependant montré ses limites pour ceux qui l'ont essayé et Mediapart reste presque unique en Europe à avoir réussi ce modèle. Autre détail important, ce business model a été appliqué avec succès dans un pays de 60 millions d'habitants où l'achat de contenu journalistique fait partie des traditions, contrairement au cas tunisien où le gratuit prime sur tout, où la notion de « droit d'auteur » est superbement ignorée et où les médias peinent à produire du contenu de qualité et vendable justifiant pour le lecteur qu'il paie un abonnement.

Résultat des courses, un grand nombre de journaux nés au lendemain de la révolution ont dû mettre la clé sous la porte, qu'ils soient imprimés ou électroniques. Dernier décès en date, le quotidien arabophone Assarih qui a occupé pendant une longue période la tête des ventes en Tunisie. La marque créée en 2002 avait beau lancer un pendant électronique depuis des années, elle n'a pas réussi à s'imposer face à la concurrence des nouveaux arrivants nettement plus réactifs et incisifs (comme Acharâa Al Magharibi, Akher Khabar, Assabah Al Ousboui…) et, surtout, celle des sites de radio dont les moyens dépassent largement ceux des journaux écrits (imprimés et électroniques).
La véritable concurrence ne vient cependant pas du secteur, mais plutôt des réseaux sociaux qui ont totalement fait changer les habitudes de lecture des Tunisiens. Quand les lecteurs achetaient leurs journaux ou souscrivaient des abonnements, ils avaient une idée globale sur ce qui se passe dans la « cité ». Les journaux généralistes couvraient aussi bien l'actualité politique que sportive, sociale ou les faits divers. Ceux spécialisés donnaient une idée exacte et exhaustive sur un secteur en particulier tels le tourisme ou l'automobile.
Depuis quelques années, les lecteurs sont essentiellement plongés dans Facebook et « subissent » l'actualité partagée par leurs amis en fonction d'algorithmes complexes et secrets du réseau américain. Si vous êtes intéressé par l'économie ou la politique, vous ne verrez plus « par hasard » une actualité relative à l'haltérophilie ou à la natation. Oussama Mellouli peut bien gagner un titre mondial, vous risquez carrément de ne pas l'apprendre, s'il ne parait pas sur votre « timeline » alors qu'auparavant, vous ne risquiez pas de passer à côté puisqu'il aurait été affiché à la une de tous les journaux.
Du côté des annonceurs, et c'est là le nerf de la guerre, ces derniers préfèrent investir leur publicité dans les réseaux sociaux plutôt que dans les médias ordinaires nettement plus chers et sourcilleux sur le contenu même de la publicité. Mieux encore, la publicité sur Facebook est très ciblée grâce aux données personnelles obtenues par le réseau social, ce qui est techniquement impossible et légalement interdit pour les médias nationaux.
Les télévisions n'échappent pas non plus à ce raz de marée, et à la fuite des annonceurs, avec l'arrivée de la télé à la demande, de Netflix ou de YouTube avec des programmes spécifiques et de la publicité ciblée payée en fonction de ce qui a été vu et non d'un éventuel potentiel d'audimat.

Si le glas a déjà sonné pour les journaux écrits imprimés, il va l'être bientôt pour les journaux électroniques et les télévisions dont les recettes publicitaires sont en train de se réduire d'année en année. Bon à rappeler, il n'y a aucun média tunisien qui vend aujourd'hui son contenu au lecteur ou au téléspectateur, à l'exception de quelques titres imprimés qui continuent encore à survivre plutôt grâce à la publicité qu'à la vente directe et à l'abonnement.
La menace est donc déjà là et il ne serait pas étonnant que les médias « mainstream » que l'on voit aujourd'hui sur le marché disparaissent dans les 4-5 ans à venir. Business News ne fait pas l'exception et notre journal, comme les autres, a l'obligation de se réinventer.
Dans la foulée des aides et l'assistance fournies par les organismes internationaux à la Tunisie, l'ambassade de France en Tunisie, ainsi que l'Union européenne, ont mis en place des programmes de formation destinés aux journalistes et aux managers de médias.
L'objectif est clair : sauver le processus démocratique dans le pays car il ne saurait y avoir de démocratie sans une presse libre et indépendante. Le sujet de la pérennité des médias et du business model à trouver a été longuement exposé. Il se trouve que les formateurs européens dépêchés par l'ambassade de France pour les médias tunisiens francophones, n'ont pas de solution miracle. En Tunisie, comme ailleurs dans le monde, le problème et la concurrence du gratuit et des réseaux sociaux sont identiques. Chacun essaie, dans son coin, quelque chose de nouveau (la vidéo, l'organisation de séminaires spécialisés, le multicartes…) et attend encore le résultat de sa nouvelle politique. Des cas en Amérique du Sud et en Europe ont bel et bien été exposés, mais aucun ne peut constituer encore de modèle à suivre. Au Liban, la situation est même pire qu'en Tunisie.

Ce qui est observé ailleurs s'observera bientôt en Tunisie. Pour ne pas mettre la clé sous la porte, les médias doivent donc se réinventer et, à défaut, se mettre sous le parapluie de puissants lobbys ou de grands groupes industriels qui ne cherchent pas à tirer bénéfice matériel de ces médias, mais plutôt de l'influence. Les titres les plus prestigieux en France sont ainsi passés sous le joug de puissants industriels et hommes d'affaires à l'instar du Figaro, du Monde, du Nouvel Obs, des Echos, l'Express ou encore le très « indépendant » Libération appartenant au puissant milliardaire franco-israélien Patrick Drahi. Peu importe sa situation financière interne, le journal sert désormais (même de la manière la plus indirecte qui soit) les intérêts financiers de son propriétaire et de son groupe.
Si la pluralité médiatique préserve la démocratie française, pour le moment, d'une mainmise réelle des journaux par les puissants lobbys, il n'en est pas de même pour la Tunisie où les grands groupes se disputent déjà l'achat de médias puissants.
Shems FM risque d'être vendue au groupe Bayahi ou Aziz Zouhir, IFM appartient au groupe de Houcine Doghri, Mosaïque FM appartient (en partie minoritaire et échappe pour le moment à la menace des lobbys grâce à son management) à Lotfi Abdennadher, Radio Med au groupe Essid alors que la chaîne TV Attessia appartient aux groupes Jenayeh et Charfeddine. Il n'est par ailleurs un secret pour personne que les partis politiques essaient, tant bien que mal, d'avoir une main dans les médias et c'est bien le cas des islamistes qui ont lancé les chaînes Zitouna TV et MTunisia (ex Moutawassat) dont les états financiers sont toujours déficitaires, mais qui continuent encore à exercer sans que l'on sache exactement d'où provient l'argent qui les finance.
Moins puissants, mais plus influents, les médias écrits électroniques n'intéressent pas vraiment pour le moment les grands groupes. Cette influence est obtenue grâce à leurs rivaux directs (Facebook et YouTube) puisque les utilisateurs de ces réseaux partagent le plus souvent leurs articles et leurs vidéos. Et c'est ce contenu exclusif de ces médias électroniques qui les sauve et leur garantit de l'audience. Mieux encore, les radios et télévisions ne peuvent parler de succès d'une émission ou d'un programme que si ceux-ci sont partagés ensuite sur les réseaux sociaux. En d'autres termes, c'est par l'électronique que les médias survivront qu'ils soient audiovisuels ou écrits.
S'ils ne trouvent pas de business model miracle, ces journaux électroniques n'ont pas d'autre choix que de fermer boutique ou de perdre leur indépendance au profit d'un grand groupe industriel ou d'un puissant lobby politique. Quelle que soit l'option choisie, le lecteur peinera dans les années à venir à trouver les journaux tels qu'ils étaient il y a quelques années.

La Journée mondiale de la presse peut bien célébrer la liberté d'expression et défendre son indépendance, ces dernières sont aujourd'hui menacées plus que jamais par un ennemi bien plus puissant, pernicieux et nuisible que les anciennes dictatures réunies.

Nizar Bahloul
Copyright photo : Challenges


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