Un départ douloureux et émouvant, des sentiments mitigés et des espoirs toujours au rendez-vous. Comment vous pleurer alors que vous êtes plus présent que jamais ? Ne dit-on pas que les grands ne meurent jamais ? Aujourd'hui c'est vérifié une seconde fois après feu Habib Bourguiba. Monsieur le Président, vous avez réussi encore une fois à nous réunir en dépit de toutes nos divergences. Vous avez relevé le défi d'extraire de nous les sentiments les plus nobles envers cette patrie que vous avez tant chéri. Vous avez réveillé en nous cette fougue de sortir dans les rues par la canicule, afin de vous dire combien nous vous respectons et vous portons dans nos cœurs même si vous n'êtes plus à nos côtés dans ce bas monde. Vous avez réussi à faire renaître de ses cendres le combat des femmes pour les libertés et l'égalité que vous avez hissé parmi vos priorités. Vous avez réussi à balayer d'un coup tous les reproches et les regrets que nous avions développés car vous nous avez appris que les processus requièrent de la patience et des compromis. Du haut de vos 93 ans où vous avez vécu et vu des vertes et des pas mures, vos nous avez adressé des messages clairs et avez tracé des pistes que nous devrions suivre minutieusement afin que la Tunisie se hisse définitivement dans les rangs des pays démocratiques. Monsieur le Président, vous qui avez toujours voulu donner le temps au temps, avez suscité plein de controverses parmi les rangs des femmes qui vous ont soutenu et cru dans votre projet pour la 2ème république. Nous étions certes très ambitieuses et pressées de voir nos rêves se concrétiser durant votre règne mais n'était-ce pas légitime puisque vous nous avez faites rêver d'une Tunisie égalitaire, progressiste et prospère ? Nos craintes de voir nos droits et acquis bafoués ou piétinés, nous ont dicté de nous réunir autour de vous car les droits des femmes étaient ancrés dans votre ADN. Que la consécration de plusieurs droits n'ait pas encore vu le jour, ne diminue en rien votre œuvre via le COLIBE ou tous les textes que vous avez ratifiés et rectifiés pour que la femme tunisienne héritière de Didon et de la Kahena, continue à bâtir et protéger ce pays sans relâche dans le respect et la dignité. Monsieur le Président, la terre fertile de ce pays où vous reposez sereinement en ce moment, sera grâce à des leaders comme vous, porteuse des graines patriotes et fidèles au processus que les bâtisseurs de la Tunisie moderne ont tracés. Nous étions, sommes et serons toujours les gardiennes du temple de Aroua al Kairawanya pour que l'Islam incarne ce qu'il y a de plus tolérant et de plus pacifiste pour notre société. Adieu Monsieur le président, reposez en paix et soyez confiant que personne ne pourra jamais ébranler ce pays frêle d'apparence mais qui à la base est aussi solide que les pieds d'olivier et les palmiers qui le couvrent et font sa notoriété. A toi ma Tunisie, à l'âme de notre regretté Bajbouj, soyez sereins, soyez sans craintes car: وكل جبار إذا ما طغى ... وكان في طغيانه يسرف أرسله الله إلى تونس ... فكل جبار بها يقصف
*Sana GHENIMA, Présidente de l'association "Femmes & Leadership"