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La promotion immobilière mise à nu
Publié dans Business News le 13 - 02 - 2020

L'analyse sectorielle de l'agence de notation financière PBR Rating est assez éloquente. Elle confirme les cris d'alerte lancés par les professionnels et les analyses de Business News. Le secteur de la promotion immobilière vit une crise. La production de la Snit, l'un des opérateurs publics d'envergure, a nettement baissé. Pour sa part, la rentabilité des promoteurs immobiliers privés n'a cessé de se détériorer ces dernières années.

Ainsi et selon le rapport publié par PBR Rating, «depuis 2011, les professionnels assistent à une érosion constante et régulière du volume d'affaires et du nombre de logements construits par le secteur formel de la promotion immobilière, en Tunisie. Entre 2010 et 2015, la mise sur le marché de logements par les promoteurs immobiliers privés a diminué de moitié, franchissant à la baisse, la barre des 10.000 logements par an. Un effritement qui s'est poursuivi sur les derniers exercices : les chiffres annoncés par la profession pour 2019 sont inférieurs à 8.000 logements».
En outre, la place des professionnels structurés et agréés sur le marché du logement ne cesse de reculer au profit de l'auto-construction et des opérateurs «informels». A ceci s'ajoutent de fortes perturbations conjoncturelles liées notamment au contexte macroéconomique difficile, notamment le renchérissement du crédit aussi bien du côté des promoteurs que du côté des acheteurs, la pression fiscale, le contexte fortement inflationniste qui a touché de plein fouet le coût de la construction (terrains, matières premières, charges salariales, …).
Ainsi, le prix de l'immobilier, reflété par l'indice général du secteur a été multiplié par 4 en 20 ans. Sur cette même période, le prix des terrains à usage d'habitation a été multiplié par 3, l'indice des prix du ciment et des «produits rouges» a été multiplié par 3,3. Du côté des engagements bancaires, le secteur est sur le podium des secteurs les plus engagés de l'économie et les crédits aux particuliers destinés au logement ont été multipliés quasiment par 10 depuis 2002.

Autre fait inquiétant, une présence accrue d'intrus. Preuve à l'appui, sur les 3.400 promoteurs immobiliers privés agréés, environ 700 sont réellement actifs : la majorité des promoteurs agréés étant des acteurs occasionnels, n'ayant pour la plupart développé qu'un seul projet sur un bien leur appartenant.
Dans les faits, seulement une quarantaine pourrait être qualifiée de promoteurs «permanents» qui opèrent plusieurs projets à la fois et de manière continue. Moins de 10.000 logements par an sont produits par eux sur les 5 dernières années, soit moins de 3 logements par PIP par an en moyenne sur un cycle de 5 ans.
La part du marché formel de la construction de logement en Tunisie, détenue par les promoteurs privés, est estimée autour de 20%, l'essentiel de la construction de logement étant réalisé par de l'auto-construction. Alors que la part des opérateurs publics dans la construction est devenue désormais marginale, étant inférieure à 5%. A titre d'exemple, la Société nationale immobilière de Tunisie (Snit), qui produisait durant la période 1974-1986, plus de 12.000 logements par an en moyenne, n'a produit en 2012-2013 que 830 logements.
Autre fait marquant, le faible niveau de production de logements sociaux, qui est de l'ordre de 700 logements en moyenne par an (offre publique & privée cumulée), ce qui est en inadéquation avec le volume de la demande sur ce segment. D'autre part, les mécanismes incitatifs mis en place, notamment le Foprolos, ont perdu de leur efficacité, avec le temps, et devraient être structurellement ajustés.

La rareté, pour ne pas dire la pénurie, de terrains constructibles (aménagés) par rapport à la demande a accentué le caractère spéculatif du bien foncier. En cause, la carence de l'offre publique (AFH) et de la lenteur des mécanismes de révision des plans d'urbanisme. Dans ce contexte, l'indice des prix des terrains d'habitations a plus que doublé en 11 ans, passant de 64,8 points au 2ème trimestre 2008 à 131,3 points au 2ème trimestre 2019. Ainsi, la charge foncière des projets promus par les promoteurs privés a enregistré une inflation spectaculaire. «Tandis que les normes sectorielles se situaient autour de 10% à 15% du coût du projet, un ratio de 30% est désormais courant sinon dépassé dans le haut standing», souligne le rapport.
Plusieurs autres facteurs ont contribué à la forte augmentation du coût de la construction. Du côté des matériaux de construction, ce sont particulièrement le ciment et les produits «rouges» qui ont enregistré les plus fortes hausses de prix : +80% depuis 2010.
En outre, la forte dévaluation du dinar sur les trois dernières années a contribué au renchérissement des matériaux de construction importés.

Autre facteur contribuant à la crise du secteur, le renchérissement du crédit bancaire, du côté de l'offre et de la demande.
Du côté de la promotion, tous les projets immobiliers sont réalisés avec un important levier financier. Le crédit bancaire couvre jusqu'à 80% du montant de l'investissement, charge foncière incluse. Compte tenu du coût important d'un projet immobilier, le secteur est une composante significative des engagements du secteur bancaire : 5,6 milliards de dinars fin 2019.
Du côté des acheteurs également, quasiment toutes les acquisitions sont réalisées en ayant recours au crédit bancaire.
Les hausses successives du taux directeur ont refroidi les uns et les autres. En effet, depuis avril 2017, le taux directeur de la BCT a enregistré cinq hausses successives le propulsant de 4,25% à 7,75% en 2019, soit une hausse cumulée de 350 points de base. Ce qui modifie significativement les perspectives de rentabilité des projets immobiliers et impacte significativement le poids de l'investissement envisagé ou réalisé pour les acheteurs.
Dans ce cadre, la Chambre syndicale nationale des promoteurs immobiliers affiliée à l'Utica a ainsi réclamé l'octroi d'un taux d'intérêt préférentiel pour les professionnels de l'immobilier, avec la révision de la fiscalité appliquée au secteur.
En effet, l'instauration en 2018 de la TVA de 13% (devant passer à 19%, entre 2021 et 2024) sur la vente des logements bâtis par les promoteurs immobiliers a fortement perturbé le secteur. La profession estime de 5% à 6% le surcoût occasionné par la TVA, outre le droit d'enregistrement. Un surcoût qui sera répercuté sur l'acheteur mais qui dans les faits ne profite pas aux recettes fiscales de l'Etat, ayant débouché sur une baisse du nombre de transactions et donc une diminution globale des recettes fiscales issues du secteur.
Selon la profession, le taux optimal de TVA se situe à 7%, niveau qui permettrait d'allier une amélioration des recettes fiscales tout en impactant faiblement les prix de vente pour le consommateur.

L'évolution à la hausse des prix de l'immobilier traduit davantage la répercussion de ces surcoûts, qu'une forte demande sur le marché. Depuis 2010, l'indice des prix a évolué de +147% pour les appartements et de +116% pour les maisons.
L'analyse des volumes de transactions immobilières reflète davantage la physionomie réelle du marché : le marché de l'immobilier est actuellement dans une phase de baisse des flux de transactions : 7 trimestres consécutifs de baisse des transactions immobilières en glissement annuel.
Sur les 105.000 transactions annuelles en moyenne depuis 2011, les opérations sur les terrains à usage d'habitation représentent plus de 75% des échanges. La baisse du nombre de transactions sur le marché a été de -10% en 2018 et se poursuit en 2019 avec -9% sur les 9 premiers mois 2019 comparativement à la même période de 2018. Le marché formel de l'immobilier affiche ainsi des signaux clairs d'attentisme et de crise.

S'agissant des risques bancaires, l'encours total des crédits recensés par la centrale des risques sur le secteur «Immobilier, location et autres services aux entreprises» a atteint 7,4 milliards de dinars en septembre 2019. Il se situe parmi les trois secteurs les plus engagés auprès du système bancaire avec 11% du total des engagements.
Le secteur de la promotion immobilière s'accapare les trois quarts de cette enveloppe, le chiffre avancé par la profession est de 5,6 milliards de dinars d'engagements fin 2019.
En termes de qualité d'actifs, le secteur affiche un ratio de créances impayées et contentieux de 16% en 2018 qui se situe au-dessus de la moyenne générale. Une qualité d'actifs qui s'est dégradé de 20 points de base en 2018.
L'intégration du risque réel, le provisionnement des engagements et la valeur concrète des garanties octroyées dans le cadre des modalités de financement du secteur de l'immobilier sont autant de problématiques à prendre en considération par les autorités financières tunisiennes, dans une analyse du risque systémique que pourrait provoquer l'activité immobilière.
En cas de maintien ou de dégradation des hypothèses cadres du secteur (difficulté d'accès au financement, surenchérissement du coût des terrains, stagnation de la demande, …) les acteurs du financement seront, sans doute, appelés à contribuer à la rémission, la consolidation financière et la relance d'un secteur à bout de souffle, dans le cadre d'un plan global de restructuration financière.

Les experts de PBR Rating proposent pour finir plusieurs pistes de réflexion. Ils recommandent le renforcement de l'offre de terrains par les pouvoirs publics pour limiter l'une des principales problématiques du secteur le renchérissement du foncier. Ils pensent que le devenir de l'AFH doit faire l'objet d'une réflexion stratégique et d'ajustements structurels : renforcer ses moyens pour augmenter une offre insuffisante, mutation vers une fonction de « grossiste » en aménagement, le lotissement de détail pouvant être assuré par des entreprises privées, guichet unique pour les procédures de lotissement, … .
Ils estiment que les pouvoirs publics doivent améliorer la réactivité et la périodicité de révision des plans d'aménagement urbain (PAU) pour répondre aux besoins du marché. L'offre de nouveaux terrains doit être renforcée pour permettre au secteur formel de tenir un rôle plus important sur le marché du logement.
La révision des mécanismes d'aide à l'accès au logement, promus par les pouvoirs publics doit être opérée, soutiennent-ils.
Le secteur formel de la promotion immobilière a également subi une pression fiscale additionnelle dans un contexte déjà difficile. Pour eux, que le secteur soit mis à contribution, à l'image de la plupart des opérateurs économiques ces dernières années, est justifiable ; toutefois une étude d'impact sur les deux premières années d'application de la TVA permettrait d'évaluer l'efficacité de cette nouvelle fiscalité et de l'optimiser.
En outre, le taux d'impayés et de crédits en contentieux du secteur est supérieur à la moyenne et les perspectives du marché, quasiment à l'arrêt, peuvent inquiéter quant à l'évolution du risque de contrepartie qu'ils représentent pour le secteur bancaire.
Le cadre réglementaire qui régit ce métier doit être adapté pour s'orienter vers davantage de professionnalisme et de technicité. Dans cette optique, la révision à la hausse des conditions d'obtention de l'agrément, à commencer par le ticket d'entrée (capital minimum de 150.000 dinars) semble nécessaire, mais loin d'être suffisante …

Les prix de l'immobilier ont plus que doublé depuis 2010 alors que le nombre de transactions réalisées auprès des promoteurs immobiliers privés n'a cessé de se réduire au bénéfice de l'informel. La rentabilité de ces derniers n'a cessé de se détériorer sur les 5 dernières années. Les opérateurs les plus solides ont une surface financière suffisante pour continuer à produire de faibles volumes de production, pour un temps limité.

Des solutions urgentes doivent ainsi être mises en place pour sauver ce secteur vital, baromètre de la santé économique d'un pays. C'est l'un des chantiers auxquels devra s'atteler le prochain gouvernement qui devra prendre des décisions courageuses en faveur de ce secteur sensible, car quand le bâtiment va, tout va et inversement.


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