Devenir propriétaire de son logement était déjà un rêve difficilement accessible. Ce projet de vie risque de se durcir encore plus si rien n'est fait au niveau du gouvernement. C'est le cri d'alarme que lancent les promoteurs en vue de la Loi de finances 2019. Fini de faire le diagnostic et d'expliquer les raisons de la détérioration du secteur, aujourd'hui ce sont des mesures qu'adressera la chambre nationale des promoteurs immobiliers aux autorités compétentes pour que des décisions soient prises et en urgence. Hier, mercredi 5 septembre 2018, la chambre nationale des promoteurs immobiliers s'est réunie avec de nombreux représentants du secteur de la promotion immobilière. La réunion a été l'occasion pour le président de la Chambre, Fahmi Chaâbane, de présenter de nombreuses propositions pour des mesures permettant de sauver ce secteur qui s'enlise dans la crise.
De média en média, Fahmi Chaâbane écume les plateaux depuis des mois pour faire parvenir la voix des promoteurs et exprimer leur désarroi. Les années 2017 et 2018 ont été particulièrement rudes pour le secteur, en cause, les nouvelles dispositions édictées dans les lois de finances dont notamment la hausse des droits d'enregistrement des biens immobiliers dépassant les 500.000 dinars et l'imposition d'une nouvelle TVA de 13% et qui passera à 19% à partir du 1er janvier 2020.
En 2018, les promoteurs ont été frappés de plein fouet par les deux hausses du taux directeur de la BCT de 175 points de base, qui passe de 5% à 6,75%. Des textes applicatifs publiés 3 mois après la LF 2018 et privant de surcroit les promoteurs de la récupération de TVA, augmentant donc considérablement les prix des biens immobiliers. L'immobilier, indicateur important de la santé économique d'un pays, vit en Tunisie des heures sombres et ce cauchemar n'est pas prêt de se dissiper si rien n'est fait pour rectifier le tir, affirme sans cesse, la chambre nationale des promoteurs immobiliers. Entre inflation et baisse du pouvoir d'achat, les promoteurs sont pris dans le piège et ne pouvant pas baisser leurs prix, ils se retrouvent dans l'impasse. Fahmi Chaâbane avait révélé en mai que l'ensemble des promoteurs immobiliers du pays ne sont parvenus à vendre que 24 biens depuis le début de l'année 2018. « Dans certaines régions du pays, les prix des terrains ont flambé et sont même parfois multipliés par 10 ! » avait-t-il ajouté.
La hausse des prix des terrains, des matériaux, du carburant et de toutes les matières premières en général sont à l'origine de la flambée des prix qui impacte directement le citoyen. Selon Fahmi Chaâbane, la situation est essentiellement due aux nouvelles dispositions financières régulant le secteur, adoptées dans la Loi de finances 2018. Des dispositions qui font que de nombreux entrepreneurs ont même dû arrêter leurs activités. Fahmi Chaâbane a, à de nombreuses reprises, évoqué le surendettement des promoteurs et la surtaxation dont ils estiment être victimes. Il a expliqué que les promoteurs ont des engagements, notamment envers les banques, et que de leur activité dépendent de nombreux autres secteurs et de nombreuses autres entreprises. « Nous avons porté plainte contre le gouvernement et nous nous préparons pour la loi de Finances de 2019, afin d'exiger une révision de la taxation qui concerne la promotion immobilière et le secteur de la construction », a-t-il annoncé il y a encore quelques semaines. Le président de la Chambre syndicale nationale des promoteurs immobiliers récemment a appelé à lever toutes les entraves et à ouvrir les acquisitions de biens immobiliers en Tunisie aux étrangers, toutes nationalités confondues. « Comme cela se fait en Espagne, au Portugal, aux Emirats, en Turquie et d'autres, où on vous donne une carte de séjour lorsque vous achetez un bien, laissez-nous travailler et annulez ces procédures absurdes qui datent de 60 ans ! Nous avons une obligation de résultat, nous sommes capables de ramener de la devise et nous ne cessons de le dire en vain ! », avait-il expliqué.
La crise de l'immobilier est accentuée par l'entrée sur le marché des spéculateurs qui ont investi dans l'achat de terrains, faisant flamber de ce fait leurs prix et par les particuliers reconvertis. Un phénomène auquel nous avions dédié un article sur Business News en 2015. Le surcoût des matières premières et des services combinés au surcoût bancaire à la hausse de la TVA et des droits de consommation de plusieurs intrants font que les promoteurs croulent désormais sous des dettes qu'ils ne peuvent payer vu qu'ils n'ont plus les rentrées nécessaires pour faire rouler la machine. Partant de ce constat « catastrophique », qui a fait que certains professionnels du secteur ont émis des craintes de voir le pays se diriger vers une crise de l'immobilier, la chambre nationale des promoteurs immobiliers a réuni des experts comptables, des représentant de l'ordre des architectes, des représentants de la Banque centrale, des promoteurs et des économistes et même des politiques pour présenter les mesures qu'elle juge indispensables pour sauver le secteur. En plus d'éliminer les autorisations nécessaires aux étrangers pour acquérir des biens immobiliers en Tunisie, Fahmi Chaâbane a appelé à diminuer la TVA, aujourd'hui de 13%, sur les stocks immobiliers, et qui grimpera à 19% en en 2020, dans la loi de Finances de 2019. Le président de la Chambre a, en outre, demandé que les crédits puissent être désormais remboursés sur une période allant à 30 ans et que l'autofinancement passe de 20% à 10%. La Chambre nationale des promoteurs a aussi appelé le gouvernement à tenir un conseil ministériel dédié aux secteurs de la construction et de l'immobilier pour examiner ces mesures et prendre les décisions qui s'imposent pour épargner aux promoteurs des difficultés qui ne cessent de s'accumuler. Des mesures qui figureront sur un PV qui sera adressé à la présidence du gouvernement, au ministère des Finances, au gouverneur de la BCT et au président de l'ARP. « Certaines de ces mesures sont extrêmes urgentes et les autorités compétentes vont devoir les examiner au plus vite pour sauver le secteur » a conclu Fahmi Chaâbane.
Le secteur de l'immobilier connaît une crise, cela est évident. Rien qu'en constatant les prix des biens immobiliers, on peut très vite déduire la chute des ventes. Très longtemps accusés de s'enrichir sur le dos des citoyens en quête de stabilité et de sécurité, les promoteurs n'ont pas toujours bénéficié d'une grande popularité. Il n'empêche que les difficultés qu'ils traversent sont aujourd'hui indéniables. Des difficultés qui se répercutent directement sur le portefeuille des acheteurs et sur la santé économique du pays. Au vu du secteur informel qui gangrène le pays, nous sommes en mesure de nous demander si les dispositions édictées par la loi de Finances, qui peuvent être légitimes et en théorie salutaires, ne sont pas au final une lame à double tranchant et ne finiront pas par approfondir la crise et détruire des secteurs vitaux pour le pays.