La rue tunisienne se pose plusieurs questions qui restent sans réponse. Avec deux anciens collaborateurs de la chaine Al Jazeera, nommés ministres dans le gouvernement de Hamadi Jebali (Rafik Abdessalam et Tarek Dhiab) et les mises en garde quant à la nomination de Khayem Turki, peut-on dire que Qatar s'est immiscé dans les affaires intérieures de l'Etat tunisien ? Les Tunisiens n'ont rien contre ces personnes, ni contre Qatar. Cependant, les vieux réflexes dictatoriaux ne s'oublient pas si vite quand le pouvoir vous tend la main. Lorsque le gendre du leader du parti d'Ennahdha (M. Abdessalam) devient membre du nouveau gouvernement, le nom Ghannouchi apparaît peut-être un peu trop souvent jusqu'à créer la polémique dans l'Assemblée. La nomination de Rafik Abdessalam au poste de ministre des Affaires étrangères avait déjà suscité des réactions dans la presse nationale qui a parlé de « népotisme ». L'opposition est, depuis deux semaines, très inquiète quant à cette nomination. Personne ne doute des capacités de ce monsieur mais les Tunisiens vivent encore les blessures de la dictature et ses séquelles. Les Tunisiens sont encore trop proches d'un passé douloureux pour ne pas en tenir compte. La nomination de Tarek Dhiab en tant que ministre de la Jeunesse et des Sports continue à susciter les réactions les plus diverses. La compétence de l'ex-enfant terrible du football tunisien était mise en doute par la majorité des opposants qui en ont profité pour attaquer les choix d'Ennahdha. « J'ai bien réfléchi avant de donner mon accord et d'accepter de relever ce défi. Il est vrai que mon contrat de consultant avec Al-Jazeera est fort attrayant avec ses grands avantages matériels, mais je n'ai pensé qu'à une seule chose : servir mon pays au cours de ce mandat », explique M. Dhiab. Khayam Turki, le conseiller politique le plus écouté de Mustapha Ben Jaafar (leader du parti Ettakatol), ne sera pas le ministre des Finances du nouveau gouvernement. Le désistement de dernière minute a fait couler beaucoup d'encre. Quelques heures seulement avant l'annonce de la composition du nouveau gouvernement, M. Turki a pris connaissance qu'un groupe émirati menaçait d'intenter une action en justice à son encontre. Il a discuté de cette affaire, qui pourrait embarrasser le gouvernement, avec M. Ben Jaâfer, lequel a demandé au Premier ministre un report de l'annonce du gouvernement. Finalement, il a préféré se retirer pour ne pas ralentir la formation du gouvernement en cette étape sensible dans l'histoire du pays. Plusieurs questions demeurent en suspens de ce fait. Que veut Qatar en Tunisie ? Quels vont être les bénéfices qu'ils en tireront ? Difficile d'en savoir plus pour l'instant. Cependant, les Tunisiens attendent des preuves tangibles et réelles de la part du nouveau gouvernement pour démontrer le contraire et lever tout doute dans leurs esprits.