Depuis quelques mois, le pays vit dans l'effervescence. Non point celle qui accompagne les actions exaltantes d'une transition démocratique que tout Tunisien avait appelé de ses vœux des décennies durant et qu'il veut pacifique. Non, elle est malsaine, celle-là, inquiétante car incubant des périls latents. A peine avons-nous « classé une affaire » qu'une nouvelle fuse, tout aussi angoissante pour un pays qui clame son désir de recouvrer sérénité et sécurité et sa volonté de retrouver la voie dégagée vers le travail. Les événements se succèdent et les surprises également. Nullement bonnes puisque ajoutant aux perturbations qui agitent le pays du nord au sud. Les événements concernent exclusivement la « chose religieuse » qui accapare les énergies, les attentions et qui semble déjà, qu'à Dieu ne plaise, diviser les Tunisiens. Des sujets qui perturbent les esprits et des événements qui s'y rattachent cherchent à bouleverser des pratiques séculaires. Les explications qui y sont apportées ajoutent au trouble plus qu'elles ne contribuent à rassurer, les « exégètes » se faisant légion ainsi que les différentes interprétations. « Malheureusement, il est des gens qui s'improvisent connaisseurs de la chose religieuse alors qu'ils ne le sont aucunement ». Ces propos sont de M. Noureddine Khademi, ministre des Affaires religieuses, dans une interview qu'il a accordée au journal « Le Temps ». Ils impliquent que M. le ministre, de par sa fonction du moins, est le mieux habilité à fournir les explications les plus convaincantes. Relativement au mariage coutumier, à la polygamie, au courant salafiste, au niqab, à l'islamisation rampante de la société tunisienne,…Des questions plein dans le mille mais qui ne trouvent hélas, que des bribes de réponses déjà éculées. En fait, M. Khademi ne s'écarte nullement des positions de ses pairs du parti au pouvoir. Très prudent sur tous les points, il semble davantage jouer à cache-cache qu'à fournir de réelles justifications. Ainsi pour le mariage coutumier, sa réponse est en tout point identique à celle de la ministre de la famille ; ils y voient tous les deux une anomalie mais ne le condamnent nullement. Beaucoup de glose, mais très peu de preuves convaincantes, et nullement de prises de positions gouvernementales explicites. Il en est de même pour la polygamie qui « n'est pas une question fondamentale » selon M. Khademi. Sous-entendu, passons à autre chose. Et quid des Salafistes qui « sont de plus en plus visibles dans notre société » ? La littérature ministérielle est hautement didactique et les mesures pour traiter un tel phénomène ne présagent point une solution rapide et radicale. L'on nous prépare à des lendemains bien incertains eu égard aux aspects multiples que ce courant englobe. Quant à la transformation de notre pays en terrain de joute pour prédication salafiste, le Ministre joue à Ponce Pilate et charge certaines associations, tout en nous donnant au passage une belle revue de « nos propres références religieuses émérites» lesquelles malgré tout ne nous empêchent pas de demeurer « ouverts à tous les points de vue ». Ceux appelant au mépris de la personne humaine et des droits de l'homme compris ? Et l'application de la Chariaa ? Qu'en pense M. Khademi ? Elle est présente chez nous sous plusieurs formes : dans les actes de tous les jours et plus ou moins dans l'application des rites religieux. Autrement dit, tel M. Jourdain, nous faisons de la Chariaa sans nous en apercevoir. Et à propos du niqab, M. le ministre parle d'un « détail » mais qui n'en représente pas moins « une partie de la religion » ( ?). Tout en soulignant qu'il n'est pas une obligation religieuse, il nous promet que cela peut devenir une prescription coutumière. Cependant, précise-t-il, la femme qui le porte (par conviction!) doit se soumettre à la loi. Du déjà entendu! Le ministre est prié ensuite de préciser les priorités de son département. Il a parlé de la nécessité de se pencher sur la formation de prédicateurs au discours nouveau, indépendants de tout courant sectaire ou partisan, bien proches des « exigences actuelles de notre société ». M.Khademi n'a pas jugé bon de nous citer ces exigences, mais il nous promet de nous inonder de périodiques spécialisés dans les questions de prédication religieuse. Vaste programme !