La commémoration du 49ème anniversaire de l'évacuation aura été, cette année, assez particulière. Elle a totalement rompu avec les habitudes d'un passé récent et, abandonnant les signes extérieurs d'un faste fictif, l'on a consciemment insisté sur la sacralité de l'événement et tenu à vraiment rendre hommage à ceux qui ont sacrifié leur vie pour que vive la Tunisie libre et souveraine. À un point tel que les Bizertins ne se sont presque pas, ou si peu, rendu compte d'un événement annoncé naguère avec d'ostentatoires démonstrations d'une liesse factice. Cette année, l'austérité est perceptible à tous les niveaux et à différents aspects : d'abord une information réduite au strict minimum, ensuite, une décoration de la ville des plus sobres et une assistance relativement restreinte car motivée, nous osons l'espérer, par le devoir dû aux martyrs et nullement pour un « m'as-tu-vu » intéressé. Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que cette fête se trouve réhabilitée avec la Révolution après que l'ancien régime et décidé de l'occulter et d'en amenuiser l'importance. Les trois présidents qui ont gagné, lundi matin 15 octobre 2012, la ville de Bizerte via Menzel Bourguiba afin d'éviter le passage du pont mobile ont été accueillis par le ministre de la Défense nationale et par le chef d'état-major des armées. Ils ont salué le drapeau au son de l'hymne national, déposé une gerbe de fleurs au pied du mémorial des martyrs et récité la Fatiha à la mémoire des milliers de personnes parmi les soldats tunisiens et les citoyens volontaires confrontés, presque les mains nues, à l'une des plus puissantes armées de l'époque. Jeter un voile sur ces événements et œuvrer à effacer de la mémoire collective des sacrifices librement consentis sur l'autel de la dignité nationale, tenter d'enterrer des actes de courage de gens mus par leur seul amour de la patrie et par leur devoir envers leur peuple, voilà qui ne saurait que relever de la lâcheté, de la vilénie. La Révolution se devait de réhabiliter cet événement qui a marqué un tournant décisif dans l'Histoire glorieuse et tumultueuse mais si riche du pays. Elle est redevable à ces martyrs du plus beau, du plus vibrant des hommages. Elle en est tout aussi redevable, au travers de ceux qui aujourd'hui tiennent les rênes du pouvoir, d'adjoindre le prix de leur sang versé pour éliminer toute tutelle à celui qui a été versé pour abattre une dictature détestable. Aujourd'hui, l'âme de dizaines de jeunes et nouveaux martyrs de la Révolution, venus grossir le rang des bienheureux, réclame que justice leur soit rendue. Les tergiversations, le laxisme dont on fait preuve pour retarder cette justice ne peuvent que s'apparenter aux desseins tramés par le régime déchu pour éclipser les faits et hauts faits de tous les autres. M. BELLAKHAL