Latifa Lakhdhar espère pouvoir inaugurer cette cité culturelle dans la seconde moitié de 2018 «Impressionnant !», s'exclament tour à tour les journalistes invités hier à faire un tour à la Cité de la culture en compagnie de la ministre Latifa Lakhdhar. L'ouvrage est loin d'être terminé, mais ce qu'on peut voir et surtout imaginer laisse rêveur : une médiathèque, une cinémathèque composée de deux salles, respectivement d'une capacité de 300 et 150 places, une grande salle de théâtre de 1.800 places, un auditorium de 700 places, un théâtre expérimental de 300 places, 7 studios de production (musique, théâtre et danse). En plus de ces salles de spectacles, un musée d'art contemporain comprenant trois salles d'exposition de 2000 m2, plus un ensemble de réserves attenant à cet espace qui servira à la conservation du patrimoine d'art plastique tunisien estimé à 12.000 œuvres. Un espace ultra-moderne de conservation d'œuvres d'art «capable d'accueillir même la Joconde», s'amuse à dire Fethi Kouched, directeur des constructions au ministère de la Culture. Lui qui a été là au premier coup de pioche en parle avec passion et déclare : «Ce projet sera de loin meilleur que celui du centre Pompidou à Paris ». «Ouvrage stalinien » ? Jamais en tout cas un projet culturel n'aura fait couler autant d'encre. Après le 14 janvier, il était devenu le symbole des rêves démesurés du président Ben Ali et de sa famille et symbole aussi de la dilapidation de l'argent public. Le ministre de la Culture de l'époque, Ezzedine Bach Chaouech, l'a même qualifié « d'ouvrage stalinien ». Des propos qui ont fait mal à ceux qui se sont battus depuis 23 années pour que ce projet voie le jour. Au lendemain du 7 novembre 1987 et pendant les premières années de l'ère benaliste, un vent de changement et d'ouverture souffle sur la Tunisie. En France, François Mitterrand entreprend de grands projets (Pyramide du Louvre, l'Institut du monde arabe ou encore la Géode). Ben Ali veut la même chose et rêve de grandeur, il demande à ses ministres de l'époque de lui soumettre des idées de projets. Au ministère de la Culture, sous Moncer Rouissi, on commence alors à penser à une œuvre. Ben Ali est séduit par l'idée que soumettent quelques jeunes architectes du ministère : celle de construire une véritable cité de la culture où tous les arts se côtoient. En 1992, l'accord final est donné pour l'exécution de cette cité au cœur de la capitale. Mais ce n'est qu'en 2006 que le coup d'envoi des travaux est donné. Le projet avait été confié à une société tchèque dans des conditions « contraires à tout ce qu'on a pu voir en termes d'appels d'offres », selon Fethi Kouched. La société en question s'était engagée à achever les travaux en 2008, mais il n'en était rien. L'Etat tunisien est obligé de résilier son contrat et de transmettre, dans les mois qui ont suivi la révolution, le dossier au pôle judiciaire. Là-dessus, le ministère ne souhaite pas communiquer davantage. « Laissons la justice faire son travail », lance Fethi Kouched. L'ère de la transparence Aujourd'hui, la ministre de la Culture promet une nouvelle ère : celle de la transparence. Le gouvernement choisit de poursuivre les travaux, qui sur la maquette embellit la ville mais qui, dans son état actuel, la rend laide. Latifa Lakhdhar espère pouvoir inaugurer cette cité culturelle dans la seconde moitié de 2018. Pour y parvenir, le ministère a rouvert un appel d'offres qui sera clôturé le 25 juin. Déjà plusieurs offres sont parvenues à la commission chargée du tri. Cette fois, les entreprises intéressées devront proposer des pistes de financement. En effet, avec des coûts estimés à 120 millions de dinars, la Tunisie ne peut s'en sortir sans l'appui de bailleurs de fonds, probablement étrangers et qui devront être soumis à l'approbation de l'ARP. La ministre de la Culture prévoit une reprise des travaux au dernier trimestre de 2015. L'imposante boule de verre de 200 m2, perchée au-dessus de cette future cité culturelle, pourra alors s'affirmer fièrement comme symbole de la culture. Elle permettra également de générer de l'argent, beaucoup d'argent, à en croire Fethi Kouched, en la louant comme « espace prestige » pour les grands évènements. Avec les 50 millions de dinars qui ont déjà été décaissés (emprunts auprès de banques) et les 120 millions de dinars prévus (grâce à la collaboration des bailleurs de fonds), la Tunisie rêve-t-elle au-dessus de ses moyens ? « Tout est relatif, répond Fethi Kouched. Cet espace permettra un retour inestimable sur l'investissement ».