Affirme Abdelaziz Meherzi qui affine les dernières retouches à la pièce hommage à Oulaya, signée Abdelaziz Meherzi. Nous avons assisté aux répétitions sur les planches du théâtre romain de Carthage. Un soir de Ramandan au théâtre romain de Carthage. Les dernières retouches. Dans quelques jours, le prestigieux festival démarrera avec pour ouverture la pièce de Abdelaziz Meherzi, Dhalamouni habaybi qui rend hommage à la chanteuse tunisienne Oulaya. Il est 21h30, les lumières du théâtre s'allument. Sur l'allée qui mène aux gradins, les photos des noms les plus prestigieux qui ont fait Carthage : Ahmed Hamza, Sabah Fakhri, Georges Moustaki, Alpha Blondy, Joe Cocker, entre autres. Une belle photo d'Oulaya avec Naâma, figure juste en face de l'entrée et dans quelques jours la diva tunisienne sera sur cette scène à travers la prestation de Kaouther El Bardi. Et ce soir-là, on assiste justement à une répétition avant le grand jour qui aura lieu le 11 juillet. Quarante ans après avoir mis en scène une pièce de Federico Garcia Lorca pour Carthage (c'était Yerma), Abdelaziz Meherzi revient sur ces prestigieuses planches. A 22 heures, tous les comédiens étaient là. Il manquait encore quelques installations pour les lumières, mais le ton est déjà donné sur l'estrade. La scénographie de Mourad Harbaoui avec des tableaux impressionnants donne déjà du mouvement. A 22h30, Abdelaziz Meherzi réunit tous les comédiens (plus d'une trentaine) pour un briefing avant la répétition. Le maître d'œuvre semble être intransigeant sur certains points, «tout le monde est responsable dans ce spectacle ! Que vous ayez une réplique à dire ou dix passages à jouer, chaque mot a son poids et il ne faut rien prendre à la légère. Il s'agit d'une performance en direct des comédiens. Ne soyez pas statiques, notre art évolue. D'autre part, je ne veux aucun mot hors du texte. Ce que j'ai écrit n'est pas du Coran mais le langage de l'époque n'est pas celui de 2015. Gare aux ajouts donc !». Le metteur en scène prend le temps d'écouter les remarques des comédiens avant de poursuivre : «Le personnage d'Oulaya doit se distinguer et faire dans la hauteur ! Ce n'est ni Kaouther Bardi, ni Oulaya dans la vraie vie, mais c'est l'âme de Oulaya, elle est beaucoup plus aérienne». Tout de suite après, le petit bataillon de comédiens se disperse pour se préparer aux éprouvantes épreuves des répétitions. En attendant, nous abordons l'artiste-peintre Mourad Harbaoui. «J'ai été tout suite conquis par le texte de la pièce, dit-il, et je suis d'autant plus content pour Abdelaziz Meherzi qui remonte sur les planches de Carthage. C'est ma première expérience de scénographie à une grande échelle comme le festival de Carthage et je suis content que ce soit avec un professionnel comme lui. J'avais soif de déployer mes ailes ailleurs que dans les galeries et la scénographie d'Oulaya en est l'occasion. J'espère que cette expérience se reproduira parce que l'art de la peinture est appelé à investir le théâtre et ce genre d'expérience n'est pas très répandu en Tunisie». Et, en effet, l'expérience ne laisse pas indifférent lorsqu'on voit ces créations de Harbaoui (faites exclusivement pour la pièce) traversées par la lumière. Et c'est peut être là l'un des tours réussis de Abdelaziz Meherzi dans Dhalamouni Habaibi, c'est d'avoir introduit l'art moderne à travers des peintres les plus représentatifs sur les scènes de théâtre et de l'avoir mêlé à une époque somme toute lointaine sans que cela soit criard. Car c'est bien d'un univers qu'il s'agit et le metteur en scène nous le dira le temps d'une pause : «Je suis dans la transcription d'un monde, d'un univers particulier parfois entre le réel et l'imaginaire, je ne suis pas dans le compte rendu ou l'investigation qui dévoile la vie intime de Oulaya que je respecte beaucoup d'ailleurs». Et, en effet, l'une de ces scènes où le réel rejoint l'imaginaire est celle où Oulaya rencontre dans une sorte de rêve ou d'un au-delà intrigant sa petite-fille. Les répétitions s'enchaîneront jusqu'au petit matin. Tableau après tableau, Abdelaziz El Meherzi, micro à la main, revoit sa copie, insiste sur les détails, dirige les comédiens. C'est comme s'il avait voulu faire un travail d'orfèvre. C'est peut-être la peur du spectacle ? «Bien sûr que j'ai le trac, dit Abdelaziz El Meherzi, pour trois raisons : c'est la pièce qui célèbre le soixantième anniversaire de la troupe de la Ville de Tunis, ensuite, il s'agit de la grande diva tunisienne, Oulaya, et, enfin, il s'agit d'une première à l'ouverture du prestigieux festival de Carthage... Mais je dis déjà au public qu'il ne va pas rater sa soirée...».