Concert autour des œuvres de Frédéric Chopin de la pianiste française, Elizabeth Sombart, invitée par La Ligue pour la défense de la laïcité et des libertés en Tunisie, jeudi dernier au Théâtre de la Ville de Tunis. Jeudi dernier, le piano, épousant magistralement la scène, n'a jamais si bien résonné à la Bonbonnière. La soirée est dédiée «à l'amour et aux libertés et surtout la liberté de la femme», déclare Rachid Ben Othman, président de la Ligue pour la défense de la laïcité et des libertés en Tunisie et organisateur du concert d'Elizabeth Sombart, tout en présentant cette pianiste de renommée internationale. Pour sa part, Elisabeth Sombart a présenté le programme de la soirée dont les œuvres sont essentiellement tirées du répertoire de Frédéric Chopin. Un choix qui est, d'après elle, justifiable en ces moments de crise au Moyen-Orient, les guerres, etc. Une situation nous renvoyant à celle de l'Europe dans les années 1800 durant laquelle Frédéric Chopin était lui-même un réfugié. C'était en 1830, lorsque l'insurrection de la Pologne contre l'Empire russe prenait une tournure catastrophique. Et c'était à cette époque-là que Chopin composait sa célèbre étude en ut mineur N° 12 dite «la révolutionnaire», s'inspirant de la répression que subissait son peuple. Puis, il quitta la Pologne, pour s'installer à Paris en septembre 1831. «Je reviens d'Orient et j'ai vu beaucoup de choses... J'ai l'honneur de faire ce concert, en ayant une pensée aux peuples qui endurent les calamités de la guerre», ajoute-t-elle. Puis, la pianiste au teint diaphane et aux allures d'héroïne romantique, a pris place devant son piano et envisagé les premières pages d'un des chefs-d'œuvre de Chopin dans une douceur et une sensibilité presque déconcertantes. Rien d'étonnant ,puisque cette spécialiste de Chopin s'est consacrée au piano dès l'âge de 7 ans. Elle étudie au Conservatoire de Strasbourg et se produit pour la première fois en public à 11 ans. Elle obtient le Premier prix national de piano et de musique de chambre à 16 ans, elle décide, alors, de quitter la France pour perfectionner son art à Buenos-Aires avec Bruno-Leonardo Gelber, avant de compléter sa formation auprès de grands maîtres tels que Peter Feuchtwanger à Londres, puis Hilde Langer-Rühl à Vienne où elle approfondit un travail sur l'utilisation de la respiration dans le jeu pianistique. Au cours des dix années qui suivent, elle entreprend avec le chef Sergiu Celibidache des études de phénoménologie musicale à l'université de Mayence qui lui permettront de développer la Pédagogie Résonance ou la phénoménologie du son et du geste. Elle se produit dans le monde entier où les salles de concert les plus prestigieuses l'accueillent à l'instar du Théâtre des Champs-Elysées à Paris, Carnegie Hall à New York, Wigmore Hall à Londres, Concertgebouw à Amsterdam, Suntory Hall à Tokyo, Victoria Hall à Genève, salle Palau à Barcelone. En 2006, Elizabeth Sombart a été élevée au rang de Chevalier de l'Ordre National du Mérite pour l'ensemble de son œuvre et en 2008, Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres pour sa carrière artistique. En parallèle à son activité de soliste, Elizabeth Sombart crée en Suisse en 1998 la Fondation Résonance qui est, aujourd'hui, présente dans 6 autres pays (France, Italie, Belgique, Roumanie, Espagne et Liban). Les missions de la fondation sont «d'offrir la musique classique dans les lieux où elle n'est pas» (hôpitaux, maisons de retraite, instituts pour les personnes handicapées, établissements pénitentiaires, entreprises, etc.) dans l'exigence de la Pédagogie Résonance, enseignée au Ciepr (Centre International d'Etude de la Pédagogie Résonance) et dans toutes les filiales de Résonance. Et parce que «la musique ne devrait pas être élitiste», l'enseignement proposé est gratuit. La générosité d'Elisabeth Sombart est tout aussi remarquable dans sa lecture et sa volonté de partager toute émotion avec le public, offrant tout au long du concert un son chaleureux et toujours suave, livrant des lignes chantantes et finement ciselées. A chaque phrase son élan, sa couleur, son intention. Dans un esprit proche de la musique de chambre, la pianiste nous fait partager son insatiable travail d'orfèvre. L'économie du geste et de l'articulation souligne un profond souci de précision et de justesse. En intense dialogue avec son instrument, la virtuose met également à jour l'exquise beauté et les différents aspects de Chopin, au travers ses Nocturnes, La Barcarolle op. 60 en fa dièse majeur, La sonate n°2, La polonaise, etc. L'extase se poursuit avec d'autres lectures douces et vaporeuses où à chaque moment correspondaient une sonorité et une inspiration particulières, le tout produisant un effet d'une intensité et d'une beauté remarquables. Tant d'humanité et de tendresse au milieu d'un paysage aussi noir et une réalité effroyable qui nous guette, c'est une révélation tout simplement. Salvateur, le piano de Sombart nous enveloppe. Le temps cesse de couler. On vivait un état de grâce !