Sophie El Golli vient de nous quitter. Elle était l'une des femmes tunisiennes qui, après l'Indépendance, ont investi le champ de la culture. Poète et romancière, elle était aussi la pionnière de la cinémathèque tunisienne. Le 19 décembre 2014 nous avions rendez-vous chez elle dans son appartement au centre-ville, non loin de la statue de Ibn Khaldoun. «Vous m'excusez de vous avoir fait monter six étages, car l'ascenseur est en panne depuis des semaines... Et tant qu'il est en panne je ne peux ni descendre ni remonter», nous a-t-elle déclaré. Nous gardons de cet entretien avec Sophie El Golli l'extrême fraîcheur narrative qui enveloppait les souvenirs qu'elle nous a égrenés à propos de son enfance et ses premiers pas dans le cinéma et le monde de la culture. Nous étions également très marqués par «l'âme de son appartement» dont les murs sont tapissés de livres et de photos en noir et blanc. Il y avait dans ce lieu quelque chose de hors-temps et de hors-champs qui nous a tout de suite arrachés à la cruauté de la vitesse à laquelle nous carburons. Nous avions passé, sans nous en rendre compte, plus de deux heures avec cette femme d'une immense générosité de cœur et d'esprit. C'est dans cet appartement qu'elle a accordé sa dernière interview, il y a presque 10 mois, à notre quotidien La Presse et que nous reproduisons aujourd'hui pour lui rendre hommage. Cette interview ne sera jamais suffisante pour traduire ces sensations que nous a procuré ce lieu que la voix et la frêle silhouette de Sophie El Golli animaient. Un entretien publié dans notre livraison du 21 décembre 2014 sous le titre «A la recherche des archives perdues». Un entretien où elle pose le doigt sur un problème jusque-là non résolu quant aux archives cinématographiques de la Tunisie. Des archives achetées par Sophie El Golli à l'épouse de Samama Chikly et dont elle garde des reçus. Nous publions aussi la dernière photo que nous lui avons prise après de longues et sympathiques «négociations» car elle ne voulait pas se faire prendre en photo. «Mais je ne suis pas prête!», disait-elle. «Non laissez pour une autre fois... Ou bien ne me prenez pas de face s'il vous plaît... je ne veux pas poser...».