A peine 10 % des crimes commis contre des journalistes dans le monde ont fait l'objet d'une condamnation de leurs auteurs, selon l'ONU La caravane qui sillonne depuis quelques jours la Tunisie profonde sous la houlette du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), au nom de la protection de la profession, semble passer inaperçue ou presque. Alors que la mission pourrait être de grande portée, dans la mesure où cette initiative, symbolique, intervient à une période de crise dont l'issue est encore méconnue et marquée par la velléité non déclarée du pouvoir à prendre les difficultés du secteur en main. Et encore moins de recentrer le débat sur son avenir. Car, faut-il le noter, cet état de fait n'échappe plus à l'attention autant des professionnels que des patrons des médias. Aussi l'heure de la réforme sonne-t-elle fort. Pour cette raison, le lancement d'une telle caravane, actuellement en train de parcourir le pays du sud au nord, présente bel et bien l'allure d'une campagne d'information et de sensibilisation quant aux menaces pesant sur le devenir du métier. Ainsi s'exprime aussi le sens de l'engagement syndical professionnel pour une presse libre et de qualité. Il y va de l'honneur du journaliste et l'image de son entreprise. Et comme la défense de la profession est reconnue en tant que droit à l'information, tel un droit humain à part entière, la caravane a vu la participation d'autres partenaires associatifs et des mécanismes onusiens, à savoir le Hcdh et l'Unesco. Leur implication de par la présence sur le terrain s'inscrit dans le cadre des festivités marquant la prochaine célébration de la journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre des journalistes. Une journée décrétée le 2 novembre de chaque année de par la conviction à l'échelle mondiale que la couverture des faits demeure, depuis le début de ce siècle, un métier à haut risque. Sa proclamation en 2013, par l'Assemblée générale de l'ONU, a sa raison d'être : «Plus de 700 journalistes ont été tués parce qu'ils tentaient d'informer le public sur les faits dont ils avaient été témoins», ainsi justifie-t-on. Plus grave encore, a-t-on appris de l'ONU, à peine 10 % de ces crimes ont fait l'objet d'une condamnation de leurs auteurs. Mais, une quasi-impunité l'emporte. Et là, le message paraît aussi précis que concis : favoriser aux journalistes un climat de travail propice en toute sécurité et indépendance, loin de toute forme d'ingérence de qui que ce soit. Crise financière et licenciement Quoi qu'il soit, l'appel du Snjt au renforcement de la protection des journalistes est révélateur de moult questionnements qui donnent matière à réfléchir. Dans ce sens, l'on évoque, entre autres, la crise financière de certaines entreprises médiatiques et le licenciement des journalistes, devenu, malheureusement, monnaie courante. Il y a aussi une autre problématique qui n'a cessé d'envenimer la situation : les agressions policières récurrentes ayant, fréquemment, ciblé la profession. Ce qui alimente une double pression morale et matérielle dont les barons anti-professionnels du secteur privé ont, parfois, profité. Dans ce nouveau contexte, soi-disant révolutionnaire, plombé sous l'effet de l'anarchie générale, les atteintes à la dignité des journalistes deviennent un cas d'école. Les rencontres avec des journalistes, des représentants de la société civile, des sécuritaires et des avocats dans les régions visitées par la caravane ne manqueront certainement pas de relever tous ces défis. De surcroît, il serait question de dénoncer vivement le phénomène d'impunité et de faire en sorte que tout dépassement des limites ou crimes commis à l'encontre des journalistes fasse l'objet de condamnation. Cela enracine de plus en plus la culture de la redevabilité et de la responsabilité citoyenne. Faisant escale, au départ, à Tataouine et Gafsa du 27 au 28 de ce mois, la caravane du Snjt poursuivra son périple, du 3 au 5 novembre, vers les régions du Kef, de Monastir et de Sfax. Entre-temps, la journée internationale contre l'impunité est attendue ce lundi.