Un chiffre qui pourrait augmenter sensiblement durant les quatre à cinq semaines qui viennent... Malgré les controverses houleuses qui ont touché l'Instance vérité et dignité depuis sa création, et qui ont visé en particulier la personne qui en assure la présidence, à savoir Sihem Ben Sédrine, puis celles bien sûr qui ont été suscitées par le projet de loi sur la «réconciliation économique», en tant que projet de loi concurrent par rapport à la loi organique sur la justice transitionnelle, en date du 24 décembre 2013, il serait faux de croire qu'il ne se passe rien sur le front de la justice transitionnelle. Les choses avancent. Il est vrai que les victimes concernées par le processus de justice transitionnelle ont jusqu'au 14 décembre prochain pour déposer leur plainte. Soit un peu plus d'un mois. Les données publiées, hier, par la cellule de communication de l'IVD indiquent que le nombre de plaintes enregistrées s'élève aujourd'hui à 18.200. Ce qui, en soi, est un chiffre assez considérable. Il est d'ailleurs fort probable qu'il augmente sensiblement durant la période qui nous sépare du 14 décembre. Sur ces 18.200 plaintes, poursuit l'IVD, 10 % concernent des cas de violence dont des femmes ont été victimes. On sait que ces cas peuvent faire l'objet d'une réticence de la part, ou des victimes ou de leurs familles, soit parce qu'elles ne tiennent pas à remuer des souvenirs associés à des épreuves insupportables, soit pour des considérations de réputation. D'où la nécessité d'organiser parfois des auditions confidentielles... L'IVD révèle à ce propos en avoir organisé un millier. D'une façon générale, les cas de violence et de torture, que ce soit pour les femmes ou pour les hommes, sont des cas susceptibles de provoquer chez les victimes un «refoulement», comme disent les psychologues. Il y a donc lieu de penser que le nombre de plaintes déposées ne reflète pas fidèlement la réalité des sévices infligés par des agents de l'Etat contre nos concitoyens durant la période concernée, qui remonte à la période bourguibienne. Il n'en demeure pas moins qu'au vu des chiffres actuels, une justice transitionnelle va constituer une actualité marquante de la période à venir. Autre élément à noter : l'Instance vérité et dignité, à travers sa Commission d'arbitrage et de conciliation, a reçu quelque 783 dossiers relatifs à des affaires de corruption et de détournements de fonds publics. Ce qui, en quelque sorte, crée un fait accompli dans la mesure où si, par hypothèse, le projet de loi sur la réconciliation économique recevait l'aval du Parlement, nous nous trouverions en présence de deux procédures parallèles, fonctionnant selon des dispositions différentes... Un cas qui risque de poser un problème de principe : celui de l'égalité des citoyens devant la loi !