Par Abdelhamid Gmati L'Assemblée des représentants du peuple va fêter le prix Nobel de la paix. Ce sera le 27 janvier 2016 en présence des quatre représentants du Quartette récipiendaires du prix, des chefs des partis ayant participé au Dialogue national et de nombreuses autres personnalités. Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, le chef du gouvernement, Habib Essid, et le président de l'ARP, Mohamed Ennaceur, présideront la cérémonie. On relèvera que cette fête aura lieu plus de quatre mois après l'annonce par le Comité Nobel d'Oslo octroyant ce prestigieux prix au Quartette tunisien. Les députés comprennent, enfin, l'importance de cette distinction. Avant eux, d'autres ont tenu à honorer les récipiendaires. Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, l'a fait le 9 novembre dernier et le président de la République française, François Hollande, a décoré les quatre représentants du Quartette des insignes de commandeur de la Légion d'honneur, le 8 décembre. D'aucuns auraient aimé que les députés, qui doivent leur fauteuil, en grande partie grâce au travail du Quartette initiateur du Dialogue national, soient les premiers à fêter ce prix. Il faut croire qu'ils avaient d'autres chats à fouetter. Des députés de l'opposition ont déposé, mardi 15 décembre, auprès de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, un recours contre le projet de loi de finances pour l'exercice 2016, adopté le 10 décembre à une majorité de 142 voix et 7 abstentions. Ce recours de 31 députés concerne 10 articles de cette loi de finances, pour non constitutionnalité. Quelques questionnements s'imposent. Les députés de l'opposition ont boycotté les débats et la séance du vote. N'aurait-il pas été plus judicieux de participer aux débats, d'apporter ses suggestions et d'influer sur les textes contestés ? S'il s'avère que ces articles sont effectivement anticonstitutionnels, on s'inquiète alors du sérieux des députés qui adoptent des lois contraires à la Constitution, qu'ils ont le devoir de respecter et d'appliquer. Et si les 31 députés sont déboutés, on s'interroge alors sur leur conception de la démocratie qui veut que l'on respecte la majorité sans essayer de la contourner. A préciser que les partis de l'opposition qui se sont retirés des débats et du vote sont le Front populaire, le Courant démocratique, le CPR, le Mouvement du peuple et la Voix des agriculteurs. Les députés ne semblent pas très assidus au travail et nombre d'entre eux préfèrent l'école buissonnière. Leur taux de présence aux travaux des commissions et aux séances plénières est de 69% ; il y en a même un dont le taux de participation est de 0. Cet absentéisme récurrent a amené le président de l'ARP, Mohamed Ennaceur, à décider que la liste des absents sera publiée sur le site de l'ARP et que les primes pour les absentéistes vont être déduites. Il faut croire que cela ne semble pas intimider les députés absentéistes et que les lois qui leur sont soumises ne les intéressent pas. Lors de la discussion du budget 2016 du ministère de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, sur les 217 députés, seulement 40 étaient présents et ils n'étaient que 49 à s'intéresser au budget 2016 du ministère de l'Education nationale... Et ils n'étaient pas très nombreux lors du vote du budget de leur propre Assemblée qui a été augmenté de 44%. On nous dit que certaines absences ont été motivées. On ne voit, objectivement, que deux situations expliquant les absences : la maladie ou une mission. Or lors des séances plénières, on relève régulièrement au moins 60 sièges vides. Sont-ils tous malades ou en mission en même temps et régulièrement ? Cela explique, peut-être, que deux députés, du parti majoritaire, Nida Tounès, aient cru bon de frauder et de voter à la place de deux députés absents. L'un d'entre eux a tenu à expliquer pourquoi il a voté à la place d'une collègue, sortie pour boire de l'eau : « C'était pour l'intérêt de la nation ». Si on comprend bien, pour lui, l'intérêt de la nation passe par la fraude. Autre incongruité relevée par de nombreux observateurs : le 9 décembre, les députés ont voté pour la baisse des prix des boissons alcoolisées, puis ils ont demandé une suspension de séance pour qu'ils puissent faire la prière. Parmi eux, certains appartiennent au mouvement islamiste. On ne peut que se réjouir. Notre Congrès s'amuse et nos députés vaquent à leurs occupations partisanes et personnelles. Pas tous, heureusement ; il y en a qui prennent leur mandat au sérieux et honorent la confiance placée en eux par leurs électeurs. Ainsi va la démocratie tunisienne.