En dix ans, le peuple tunisien a beau participer à la vie politique et civique du pays, exercer son droit de vote pour choisir ses représentants à travers des élections démocratiques, libres et crédibles, il ne s'est jamais réconcilié avec les hommes politiques. Au fil du temps, nous découvrons que les promesses ne correspondent pas à la réalité. Même si on a coutume d'admettre que la politique intègre socialement, le malaise est toujours le même. Il s'est avéré que la plupart des intervenants actuels sur la scène politique n'ont pas le potentiel souhaité, voire nécessaire. Les partis restent toujours « sous-valorisés » parce qu'ils n'ont plus suffisamment de crédit, encore moins de crédibilité. Ils se perdent dans une spirale qui ne cesse de tourner dans tous les sens. Piteusement, pathétiquement, les années se succèdent et se ressemblent. La crise politique perdure. Elle affecte l'économie et la situation sociale dans le pays. Les régions défavorisées, bastion de la révolution, payent encore un lourd tribut : marginalisation, exclusion sociale, pauvreté, chômage et désocialisation, mais aussi délinquance, violence et problèmes judiciaires, Depuis dix ans, l'on ne cesse de promettre la reconstruction, la réédification, le rétablissement des valeurs et de la dignité. Mais l'on n'arrive pas encore, et toujours, à faire face aux exigences de la nouvelle étape. Les constatations que nous pouvons faire ont trait à l'insensibilité et à l'insouciance des politiques. Surtout celles émanant de personnes qui se donnent le droit de parler au nom des Tunisiens. Dans un dépassement généralisé, la tendance s'oriente vers l'insensé. Dans ce contexte assez particulier, l'acte de remise en cause est avant tout une obligation plus qu'un choix. Il faudrait se rendre à l'évidence et consentir que la Tunisie est malade et que le malaise est profond. La patience devient insoutenable. Surtout lorsque, d'un dérapage à l'autre, les choses prennent de plus en plus une tournure inquiétante. Mêmes causes au départ et mêmes effets à l'arrivée... Le temps est venu de trouver des solutions adaptées et, par conséquent, renforcer la crédibilité de la Tunisie post-révolution. Cela nous amène à nous interroger sur le rôle de la classe politique. Sur les prérogatives des uns, les exigences des autres. Evidemment, personne n'est exempt, et les responsabilités sont multiples à tous les niveaux de la structure. Il serait aisé de se focaliser sur l'absence de stratégie et de projet. Entre-temps, la Tunisie cherche toujours un climat de sérénité et de confiance réciproque entre les différentes parties prenantes. Une bonne composante de la qualité de ce qui doit s'accomplir, surtout loin des aléas, des imprévus et des incertitudes… Les événements ont d'ailleurs montré l'ampleur de cet impératif: le pays a besoin de responsables qui n'appréhendent pas seulement les problèmes, mais qui les règlent, et de boussole pour connaître la direction à suivre. La force d'un pays n'est-elle pas justement de se construire dans les moments difficiles ? Au bout du compte, les défaillances, les échecs et les gâchis de ces dernières années devraient inspirer moins le sens de l'irresponsabilité que cela n'impose de devoirs et de remise en cause. De toutes les façons, la réhabilitation n'a qu'une seule devise : le travail, encore le travail, toujours le travail.