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Pour une approche «all inclusive»
Opinions - 2016 : La Tunisie Face au Fléau Terroriste
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 01 - 2016


Par Salah HAMDI *
Au cours de son histoire longue et riche d'une civilisation de plus de trois mille ans, la Tunisie est réputée pour son ouverture sur les civilisations extérieures, la faculté d'assimilation et d'adaptation de sa population avec les courants culturels qu'elles portaient. Depuis plus de 1.400 ans, le pays vit en cohésion parfaite, uni par l'islam sunnite selon le rite malékite, l'islam de la miséricorde, de la fraternité, de la paix et de la solidarité sociale. Y cohabitent également en paix et en quiétude totale des minorités musulmanes se réclamant d'autres rites et des minorités juives et chrétiennes, sous l'égide de l'Etat civil dont la religion est l'Islam. Ouverture d'esprit, tolérance, modération, amour de la patrie, dialogue et respect de l'autre, sont les traits caractéristiques du Tunisien dans sa culture sociale et dans ses rapports avec les autres. Les mêmes traits sont perceptibles à l'échelle du pays dans son environnement géopolitique régional et international. Les révoltes contre le conquérant étranger sont dures et sanguinaires certes, mais au moindre coût ; le compromis politique ou diplomatique comptant dans le combat avec l'ennemi si l'intérêt supérieur de la patrie n'est pas sacrifié et si la souveraineté nationale est sauvegardée. Les mouvements sociaux, les révoltes internes rarissimes à travers l'histoire, sont de caractère paisible et avec le moindre dégât possible. La dernière révolte de déc. 2010 - jan. 2011, marquée — Dieu merci — par un nombre limité de martyrs et de blessés que nous avons tous pleurés et déplorés, en relativisant et en comparant avec les autres « révolutions du printemps arabe», n'a pas été une exception. Elle s'est distinguée par son caractère civil et paisible et a réussi en moins d'un mois à faire chuter l'ancien régime. Nationaliste et républicaine, l'armée a observé une attitude de neutralité positive à l'égard du soulèvement populaire. Après l'évasion «volontaire ou provoquée» de l'ancien président, à en croire des déclarations récentes, l'armée aurait même décliné une «offre de prise du pouvoir» de la part de hauts responsables de l'ancien régime. Ces derniers, qui ont rapidement démenti ces déclarations, s'étaient résignés à assurer la continuité du pouvoir jusqu'à l'organisation de nouvelles élections.
Des choix politiques difficiles
En optant pour la solution constitutionnelle le soir même du 14 janvier 2011, les «nouveaux» responsables ont favorisé la légalité et consacré le statut civil de l'Etat pour garantir sa continuité. Ils ont fait preuve de courage, car ce n'était pas aussi évident si ce n'était la protection de l'Armée. Dans une situation trouble des plus précaires, l'état d'urgence et le couvre-feu aidant, ils ont eu le mérite d'entretenir tant bien que mal un minimum d'ordre dans le pays. Sous la pression des circonstances, ils ont décrété l'amnistie générale avec ses conséquences heureuses certes, mais non sans impact négatif sur le plan sécuritaire. Sous la houlette du « Haut comité national de protection de la révolution «, entre l'organisation d'élections anticipées conformément à la Constitution de 1959, dans un délai de 60 jours, la dissolution des deux assemblées existantes et l'élection d'une «Assemblée nationale constituante» pour l'élaboration d'une nouvelle Constitution, ils ont opté pour la dernière solution qui ne s'est pas avérée la meilleure. Dans la foulée, le RCD a été dissous et les Rcédistes étaient sacrifiés et exclus des élections en vue par le fameux article 15. C'étaient des choix difficiles et non des meilleurs.
Après les élections de 2011 qui ont consacré le mouvement Ennahdha (parti islamiste) premier gagnant du scrutin, celui-ci avait constitué un gouvernement de coalition avec deux autres partis (le CPR et Ettakatol). La passation du pouvoir s'est déroulée dans de bonnes conditions. Tout portait à croire que la transition politique était sur la bonne voie. Ce n'était pas évident. L'adoption de la nouvelle Constitution, qualifiée de «meilleure constitution dans le monde, «n'était pas sans difficultés et a même failli échouer. Les deux attentats meurtriers perpétrés contre les deux hommes politiques (feux Belaïd et Brahmi), non encore élucidés jusqu'à maintenant, ont compliqué la situation et continuent à envenimer le climat politique. C'est grâce au dialogue national entrepris sous l'égide du Quartette de la société civile (Ugtt, Utica, ODH, Ordre des avocats ) que plusieurs difficultés ont été aplanies. L'option pour le régime parlementaire n'était pas indiquée, notamment pour la phase de démocratie naissante, la reconstruction politique et économique du pays et, encore moins, pour la lutte contre le terrorisme. Dans la phase de transition politique fragile, il ne facilite pas le rétablissement de l'autorité de l'Etat de droit garant des droits fondamentaux et des libertés publiques. Inutile de revenir sur toutes les péripéties de la situation au cours des années 2012-2013, sauf pour ce qui est en relation avec le fléau du terrorisme.
Réapparition des groupes terroristes
Le phénomène du terrorisme est de dimension internationale. Son développement au cours des dernières années, dans la zone arabe en particulier, serait une réaction contre les interventions politiques et militaires des puissances occidentales en Irak ( et en Afghanistan), puis en Syrie et en Libye, dans le cadre d'un agenda de politique internationale et pour des motivations économiques connues (...). D'une ampleur limitée, le terrorisme n'a pas épargné la Tunisie sous l'ancien régime ; mais il était maîtrisé grâce à l'autorité de l'Etat entretenue, entre autres politiques, par une main de fer. Le mouvement terroriste s'est progressivement répandu dans le pays depuis 2012 à la faveur de l'amnistie générale de 2011, du climat de désordre généralisé qui a marqué la période post-révolution, d'une certaine tolérance du discours politique, voire d'un essoufflement sécuritaire au niveau de l'observation des mouvements suspects. Inutile de rappeler pour la circonstance les souhaits de l'établissement du «VIe Califat», ou certaines déclarations du genre « ils me rappellent ma jeunesse», ou « ils font de l'exercice physique». Ce sont de mauvais souvenirs qu'il vaudrait mieux oublier pour ne pas compromettre l'expérience démocratique encore fragile que nous vivons depuis les élections de fin 2014. Les groupes terroristes, anciens prisonniers amnistiés, cellules dormantes, revenus des zones de conflits ou infiltrés à travers les frontières, sont devenus de plus en plus actifs et les infiltrations d'armes et de munitions par le biais des circuits de contrebande se sont multipliées à travers les frontières avec la Libye. Les accrochages avec les groupes terroristes sont devenus fréquents dans les montagnes du Nord-Ouest, les opérations de ratissage, les descentes et les actions préventives sur terrain engagées par les forces de sécurité intérieure et par l'armée se sont multipliées. Avec des bilans mitigés, certes, selon les opérations et en fonction de l'efficacité des interventions et des moyens logistiques engagés avec, cependant, la certitude que les bilans auraient été plus lourds si ce n'était l'engagement, corps et âme, des forces armées. En témoignent les opérations lâches et meurtrières de djebel Chaambi contre les forces armées et les attentats sanglants perpétrés contre les forces de sécurité intérieure depuis 2012.
La situation s'est aggravée en 2015 avec les opérations sanglantes perpétrées dans des centres urbains ciblés contre des civils cette fois, des touristes en particulier, au Bardo et à Sousse avec un nombre élevé de morts et de blessés. Sans oublier les récents meurtres barbares de bergers innocents en plein jour à djebel Mghila. Le dernier attentat sanglant exécuté par un kamikaze contre un bus de la Garde présidentielle stationné à l'avenue Med-V, non loin du ministère de l'Intérieur, a constitué une nouvelle étape «qualitative» de la guerre déclarée par les organisations terroristes contre la Tunisie.
Au moment où nous réitérons nos condoléances attristées et nos sentiments de solidarité et de sympathie aux familles des martyres et des blessés, nous renouvelons notre gratitude, notre soutien et nos encouragements aux forces de sécurité intérieure et aux forces armées pour leurs exploits face aux groupes terroristes et pour leur dévouement indéfectible pour la défense de la patrie. Une sécurité intérieure républicaine bien encadrée et bien entretenue demeure le garant de la sécurité, de la quiétude et de la liberté des citoyens ; une armée nationale également républicaine et bien entretenue reste toujours le pilier et le rempart de l'indépendance et de la souveraineté du pays. Force est de constater, cependant, qu'en dépit de la vigilance affichée par la filière sécuritaire, tous corps confondus, des campagnes préventives et des actions opérationnelles sur terrain au niveau des frontières et des zones suspectes, le terrorisme se propage davantage sur fond d'idéologies destructives répandues par les organisations terroristes actives dans l'espace géopolitique et le voisinage immédiat de la Tunisie. En Libye et dans le carré sahélo-saharien avoisinant la Tunisie, l'Algérie, le Mali, le Niger et la Libye dont la frontière n'est pas sous contrôle. D'où la fluidité des mouvements des organisations terroristes, Daech et compagnie, en direction des pays voisins, dont la Tunisie.
Ce qui enfonce davantage le clou dans le corps social national, c'est qu'à la faveur d'un sentiment de frustration et de désespoir né des inégalités sociales — faut-il le reconnaître —, mais aussi d'autres facteurs «attractifs « ( idéologie, endoctrinement, argent sale ), des jeunes tunisiens pour la formation desquels la communauté nationale a fourni autant d'efforts et de sacrifices, trahissent leur patrie et se résignent à s'affilier, par l'intermédiaire d'associations aux sources de financement douteuses, à des groupes terroristes étrangers pour nuire à leur pays en commettant des attentats meurtriers à l'encontre de leurs compatriotes ou de visiteurs étrangers, tuant des agents de sécurité hors combat, visant des institutions publiques ou privées, sabotant l'économie et aggravant la précarité du tissu social. Pire encore, parmi eux des étudiants, des diplômés du supérieur, des instituteurs et des professeurs, des ingénieurs, des médecins... Alors que faire, d'autant que le gros du mal vient des fils de la Nation, y compris des élites ?
Une thérapie «all inclusive»
La dernière opération sanglante de Tunis, les plans terroristes dangereux découverts récemment dans la zone de Sousse, encore à Tunis et dans d'autres villes, moins de deux mois après la levée de l'état d'urgence décrété à la suite des opérations du Bardo et de Sousse, confirment l'évolution «qualitative» des actes terroristes dirigés désormais contre les centres urbains, civils, corps de sécurité et institutions de souveraineté au plus haut niveau, visant à déstabiliser l'Etat. Et le gouvernement de décréter de nouveau l'état d'urgence sur tout le territoire et le couvre-feu dans le Grand Tunis, d'annoncer des mesures ponctuelles proposées par le Conseil national de sécurité, et de réaffirmer que le pays est en état de guerre contre le terrorisme. Ce sont certainement des mesures d'urgence à court terme, nécessaires mais non suffisantes, eu égard à la gravité de la situation, en attendant la stratégie globale à composantes multiples d'ordre politique, sécuritaire, diplomatique, socio-économique, culturel et en communication, visant l'éradication du fléau terroriste et de ses ramifications.
Au niveau politique
La déclaration de guerre contre le terrorisme implique une coalition nationale autour de la stratégie préconisée. Le temps n'est plus aujourd'hui aux querelles «byzantines», ni aux échanges de soupçon, ou aux doutes sur le nationalisme et la citoyenneté des Tunisiens. Surtout en ce moment de crise à plusieurs facettes (crise de confiance entre les acteurs politiques, crise de compétition au sein du paysage de l'information, crise de confiance des jeunes en l'avenir, crise de confiance entre les partenaires sociaux...). Le consensus national réuni autour de la guerre contre le terrorisme devrait être confirmé par un «pacte de réconciliation nationale» confirmant la cohabitation et la coalition de toutes les composantes de la société autour de l'unité nationale dans la différence et la diversité, en vue de conforter le processus de transition démocratique, de relancer la reconstruction économique et sociale et de renforcer le consensus contre le fléau du terrorisme. Le processus de réconciliation devrait couvrir les aspects politiques, économiques, sociaux et juridiques, y compris un allègement des circuits et des procédures de la justice transitionnelle et éventuellement une coordination avec le projet de loi sur la réconciliation économique et financière en vue d'accélérer le rétablissement de la confiance au sein de la communauté des affaires et la reprise du processus de développement. La même démarche implique l'instauration d'un climat de confiance entre les acteurs politiques dont certains refusent toute discussion avec d'autres, y compris sur le terrorisme, en raison des dossiers chauds en instance entre les mains de la justice, qui devraient être élucidés en temps opportun dans l'équité et la transparence.
Par ailleurs, l'institutionnalisation du dialogue national à la faveur du prix Nobel de la paix décerné au Quartette de la société civile, témoignage éloquent et reconnaissance de la communauté internationale de ce qui est désormais consacré comme une «success-story» politique «made in Tunisia», serait indiquée en cette phase de transition démocratique fragilisée par le danger terroriste qui guette le pays. Après cette consécration internationale très honorable qui retentit certainement sur l'image de la Tunisie, pays de paix, de tolérance, de concorde, de dialogue et de consensus démocratique, dans un monde en effervescence politique et sociale devenu hors contrôle dans certaines zones, le Quartette mérite incontestablement une consécration nationale à la mesure de l'évènement dont le dividende immédiat serait la réalisation de la réconciliation nationale qu'il pourrait parrainer en vue d'unir tous les Tunisiens contre le fléau du terrorisme et pour gagner le pari démocratique.
Au niveau du dialogue religieux
Dans le même contexte politique et bien que la question de l'identité arabo-musulmane ait été tranchée par la Constitution, en confirmant que la religion de l'Etat est l'Islam et en définissant le rôle de l'Etat garant et protecteur de la religion dans le cadre de la loi, des querelles d'ordre religieux reviennent de temps à autre, sur fond de litiges de pure forme juridique, rappelant des différends politiques mis entre crochets. Il faudrait se garder de voir ses litiges nous faire revenir sur des questions de principe autour de la religion élucidées par le Saint Coran et la Sunna, réglées par consensus national et consacrées dans la Constitution. Des dirigeants d'Ennahdha déclarent que leur mouvement islamiste est un «parti civil». D'autres déclarations sont plus nuancées du genre Ennahdha est un parti «islamique et politique», ou «islamique moderniste», ou encore «on n'est pas satisfait du concept islam politique, nous sommes des musulmans démocrates», «le courant islamique en général rejette la violence et reconnaît la démocratie et la laïcité (!) dans le cadre de la loi». Il faut en prendre note ; les positions ne sont pas toujours uniformes et stables. Si le mouvement Ennahdha voulait réellement s'insérer dans le système politique civil et démocratique en cours de reconstitution, il devrait adopter solennellement le statut de parti politique civil, en vertu de la sainte réalité selon laquelle «la religion de Dieu est l'Islam», qui est la religion de tous les Tunisiens. Islam et renouveau (ou modernité) sont deux facettes d'une même devise. Inutile de revenir sur la relation douteuse entre l'islam politique, création des élites politico-religieuses, et l'émergence des groupes intégristes radicaux et extrémistes au cours des dernières décennies. La question est bien connue. Sauf à confirmer que l'Islam rejette l'extrémisme et la violence, condamne «attakfir», et qu'il faut se garder de tomber dans le piège de l'amalgame entre l'islam et le terrorisme ou la violence, qui se retournera contre nous et contre nos compatriotes vivant à l'étranger, à cause de la montée de l'islamophobie en Occident, comme c'est le cas aujourd'hui. Puisse Dieu nous inspirer une union «sacrée» autour des vérités absolues et des valeurs humaines universelles consacrées par l'Islam pour nous remettre en rang solidaire dans notre combat commun contre tous les fléaux qui guettent notre chère patrie.
Au niveau sécuritaire
La guerre contre le terrorisme s'impose désormais comme une priorité absolue dans la feuille de route du gouvernement. La situation semble se compliquer davantage avec le redéploiement d'une partie des forces des organisations terroristes, dont notamment Daech, de la Syrie et de l'Irak vers la Libye. Nombreux seraient les Tunisiens redéployés pour s'infiltrer et servir dans des attentats qui seraient perpétrés contre la Tunisie. La menace vient d'être annoncée par des éléments (tunisiens) de Daech. Il ne faut pas lésiner sur les moyens humains,matériels et logistiques à mobiliser pour la guerre. Nos ressources étant limitées, ce serait malheureusement au détriment des programmes de développement, mais on n'a pas le choix. La guerre a un coût qu'il faut assumer. C'est la responsabilité de la communauté tout entière et non seulement du gouvernement et des corps sécuritaires, armée comprise. Dans le même ordre d'idées, la sécurité nationale étant une mission permanente complexe, il faudrait consacrer l'approche de «Défense populaire généralisée» dans la stratégie sécuritaire à l'occasion de la guerre contre le terrorisme, selon des modalités à définir dans le cadre de la restructuration du système sécuritaire. L'objectif étant d'adopter une stratégie sécuritaire intégrée associant tous les corps de sécurité intérieure, les départements concernés de l'armée et impliquant la population civile, y compris dans des comités de vigilance observant les mouvements des éléments terroristes dans les zones montagneuses. Cela étant, la solution du «tout sécuritaire» ne serait pas sans danger en raison du risque de réactions en «boule de neige» du phénomène du terrorisme qu'elle est susceptible de provoquer chez les éléments visés. Il faudrait aussi rester vigilant face aux tentations de retour aux mauvais réflexes sécuritaires. Les temps ont changé chez nous et dans le monde ; la reconstruction d'un système sécuritaire républicain respectueux des valeurs humaines universelles devrait rester un choix stratégique dans notre organisation sécuritaire.
Au niveau global
La guerre contre le terrorisme étant un processus multidimensionnel, un «état-major de guerre» pourrait être mis en place auprès du chef du gouvernement pour le conseiller et l'assister dans la programmation, la supervision et l'évaluation de la guerre dans toutes ses composantes politique, diplomatique, sécuritaire, armée, économique, sociale et culturelle. C'est une approche de guerre intégrée visant l'éradication du terrorisme et de ses racines socioéconomiques, idéologiques et culturelles, y compris les sources de financement. A court et moyen termes, il faudrait œuvrer à rétablir la confiance des Tunisiens, en particulier les jeunes, dans leur pays. Réformer l'enseignement pour favoriser les aspects éducatifs, culturels et l'acquisition des connaissances, améliorer l'enseignement technique et professionnel pour garantir l'employabilité des diplômés et réduire les échecs scolaires. Remettre l'ascenseur social en marche pour améliorer l'état des groupes vulnérables, lutter contre la pauvreté, le chômage et l'oisiveté ; promouvoir l'emploi, mettre fin aux privations, aux frustrations et à la marginalisation. Combattre les facteurs d'injustice, lutter contre les manipulations de toutes sortes, couper les racines de la haine, des sentiments d'offense et de la dérive, organiser la réinsertion sociale des anciens prisonniers et récalcitrants non impliqués dans des attentats meurtriers et/ou innocentés par la justice. Le tout pour réunir les conditions d'une réelle réconciliation nationale pour mettre fin à l'embrasement du pays dans le terrorisme et la violence, se remettre au travail et à la production en vue de créer la richesse durable et en assurer la redistribution juste et équitable entre les régions et les générations.
Au niveau diplomatique
Dans le contexte d'une approche sécuritaire globale, la diplomatie joue un rôle important dans la mobilisation des élans de solidarité et des opportunités de coopération auprès des pays frères et amis touchés ou non par le fléau du terrorisme, revêtant désormais des dimensions internationales et ayant des ramifications avec la contrebande et toutes les formes du crime organisé et du crime transfrontalier. Dans les circonstances actuelles, outre les actions traditionnelles, la diplomatie tunisienne gagnerait à être plus active et plus attentive face aux évolutions qui se produisent dans notre environnement géopolitique régional et international. A cet effet, la priorité devrait être accordée au voisinage libyen d'où vient le plus grand danger terroriste, en coordination avec l'Algérie et l'Egypte, mais aussi avec la Maroc. La persévérance est de rigueur dans l'effort d'encouragement des frères libyens à aller de l'avant pour parfaire leur consensus national, en toute indépendance, avec le soutien des Nations unies, en vue de la constitution d'un gouvernement d'union nationale. Il y va de leur intérêt évident, mais aussi de l'intérêt de la Tunisie et de toute la région maghrébine. Une fois cette étape gagnée et devenue irréversible, il faudrait œuvrer pour la composition d'une coalition régionale, soutenue par les Nations unies, en vue d'aider à la reconstruction des institutions de l'Etat libyen et à l'éradication des groupes terroristes. La vigilance serait également de rigueur du côté syrien et irakien pour observer les mouvements des Tunisiens actifs dans les groupes terroristes, dont le retour au pays à travers la Libye est prévisible surtout après l'intervention militaire russe en Syrie. La diplomatie tunisienne aurait, en même temps, les yeux ouverts sur le carré sahélo-saharien à proximité de nos frontières-sud, devenu un espace de repli et de rassemblement des groupes terroristes actifs en Libye, au nord du Tchad, du Niger, du Mali et dans la zone maghrébine, constituant un danger potentiel redoutable pour la région. A cet effet, il serait indiqué que la Tunisie prenne l'initiative de proposer la mise en place d'un mécanisme de coopération régionale élargie aux pays voisins de la zone sahélo-saharienne (y compris le Maroc et la Mauritanie ) et aux pays du nord de la Méditerranée, en rapport éventuellement avec le Groupe 5+5. Bénéficiant du soutien des grandes puissances sous le parapluie des Nations unies, ce mécanisme serait chargé de la coordination entre les pays membres en matière de renseignement, de programmation, de logistique, d'actions opérationnelles et d'évaluation dans la lutte à l'échelle régionale contre le terrorisme et ses ramifications, y compris l'établissement et la mise en œuvre de programmes de réinsertion sociale des éléments récupérés de la guerre contre le terrorisme.
Au niveau de la communication
La guerre contre le terrorisme peut être gagnée par l'approche sécuritaire élargie aux autres composantes de la stratégie, y compris un système d'information et de communication efficace, manié avec habileté et professionnalisme pour réussir les aspects psychologiques de la guerre. Car une communication non maîtrisée de l'intérieur par des mécanismes d'autocontrôle peut servir l'ennemi et causer une démoralisation des forces engagées sur le front, des familles des victimes, voire de toute la population. D'où la nécessité d'une vigilance au niveau de tous les vecteurs de l'information et de la communication en vue de faire observer un niveau de discrétion et de retenue souhaitables dans le maniement des informations sur les groupes terroristes et sur les actions engagées contre eux. A cet effet, l'observation des principes de déontologie connus en la matière suppose un effort de maîtrise des plateaux télévisés et des espaces Internet, en particulier, pour ne pas diffuser des informations non sûres, éviter les excès de déclarations et les dérapages choquant les autres, arrêter les disputes, insultes et invectives, qui ne servent à rien, sauf à faire le jeu de ceux qui continuent de semer la haine contre notre modèle sociétal et faire éclater notre élan de solidarité contre ce fléau.
Pour conclure, je réitère ma conviction que la Tunisie a, aujourd'hui plus que jamais, besoin d'une véritable réconciliation populaire pour conforter son unité nationale, seule arme à même de garantir la victoire contre le terrorisme. Le temps est pour l'élargissement des coalitions de toutes sortes en vue de mobiliser les forces vives de la nation, les élites politiques, les compétences administratives, économiques et techniques, les hommes de culture, les organisations professionnelles, la société civile, sans exclusion, autour de l'union sacrée pour la Tunisie. Faire preuve de plus de réalisme politique pour la recherche permanente de consensus difficiles autour des décisions douloureuses, notamment au sujet du modèle sociétal et des grandes réformes structurelles, et en convaincre les citoyens en ces circonstances économiques et sociales instables. C'est le grand défi du pouvoir en cette conjoncture difficile de la transition démocratique en cours. Les bilans en politique sont en général nuancés. L'année 2015, année de transition démocratique et du prix Nobel de la paix, mais aussi année de récession économique et particulièrement sanguinaire, est révolue avec ses heurs et ses malheurs. Paraphrasant le combattant suprême Bourguiba, prions que Dieu préserve la Tunisie de ses ennemis et de ses fils en ce nouvel an 2016 que nous souhaitons plus heureux, paisible, sans haine ni guerre et plus prospère pour tous les Tunisiens, appelés à reprendre le travail dans l'espoir et la confiance, comptant sur leurs propres potentialités dans le cadre d'un sursaut national autour du combat «sacré» pour le développement et le progrès, en vue de préserver leur liberté et leur dignité et sauvegarder leur souveraineté.
* (Ancien secrétaire d'Etat et ambassadeur)


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