Révoqué, Béchir Akremi est accusé de complicité, d'être proche du mouvement Ennahdha et d'avoir enterré des dossiers et des affaires terroristes. Vous avez certainement entendu parler de cette affaire hautement médiatisée. Un juge entouré de mystères et accusé de corruption et d'implication dans des affaires terroristes. Aujourd'hui, le verdict est tombé, le juge Bechir Akermi est définitivement révoqué et son dossier transféré au parquet. En effet, le Conseil de l'ordre judiciaire, relevant du Conseil supérieur de la magistrature, a décidé, mardi, de suspendre le juge Bechir Akremi, ancien procureur de la République près le Tribunal de première instance de Tunis, de ses fonctions. Il a été décidé aussi de renvoyer immédiatement son dossier au Parquet pour prendre les mesures qu'il jugera appropriées conformément aux dispositions de l'article 63 dudit Conseil. « Si les griefs imputés au magistrat constituent un délit portant atteinte à l'honneur ou un crime, le Conseil de la magistrature doit prendre une décision motivée de suspension du travail en attente qu'il soit statué sur ce qui lui est imputé. Le dossier est transmis sans délai au ministère public pour prendre les mesures qu'il juge utiles. Les procédures disciplinaires sont suspendues jusqu'à ce qu'un jugement définitif soit rendu », stipule cet article. Au fait, cette affaire remonte au mois de mars dernier lorsque cet ancien procureur de la République près le Tribunal de première instance de Tunis et le magistrat de Taieb Rached se sont échangés les accusations de corruption et d'enrichissement illicite. Taïeb Rached avait accusé Bechir Akermi «d'avoir dissimulé des preuves importantes dans les dossiers de l'assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi». Fait qui a contribué, selon Taïeb Rached, à faire obstruction à la justice et à ne pas révéler la vérité autour de l'assassinat des deux martyrs. De son côté, Béchir Akremi avait accusé Taieb Rached de corruption financière et de possession de biens non déclarés. Ces accusations avaient été confirmées par le comité de défense des martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi évoquant même un lien entre Béchir Akermi et le mouvement Ennahdha. En effet, ce comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi impute la lenteur du traitement des dossiers des deux martyrs et les entraves auxquelles ils font face à Bechir Akremi, allant même jusqu'à l'accuser de complicité et d'être proche du mouvement Ennahdha. 6.268 dossiers enterrés ? Selon le rapport de l'Inspection générale du ministère de la Justice, l'ancien procureur général de la République près le tribunal de première instance de Tunis, Bechir Akremi, aurait commis d'importants dépassements. C'est ce qu'a confirmé Imen Gzaza, membre du comité de défense des martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi. «Dans ce rapport, on apprend que Béchir Akremi aurait enterré 6.268 affaires terroristes et procès-verbaux au pénal concernant des crimes terroristes, et que 1.361 affaires de droit commun relatives à des dossiers terroristes ont indéfiniment été ajournées», a-t-elle révélé. Elle ajoute également que Bechir Akremi avait ignoré des dizaines de dossiers concernant notamment l'embrigadement des jeunes et leur transfert vers les zones de tension. Si Bechir Akermi n'a pas encore réagi publiquement à ces accusations, nous apprenons que le concerné s'est fortement défendu contre toutes les preuves présentées par le Conseil de l'ordre judiciaire, relevant du Conseil supérieur de la magistrature. Il a en effet réfuté toutes ces accusations, ajoutant qu'il subit des pressions et que son affaire serait de nature politique. Réforme entravée de la justice Cette situation qui met à mal tout l'appareil judiciaire fragilise certes la notion de l'indépendance de la justice en Tunisie. En effet, encore une fois, l'indépendance des magistrats est mise en jeu dans un pays en construction démocratique. Cela fait plusieurs années qu'on évoque une justice tunisienne sous l'emprise de la main politique sans que des décisions et des mesures ne soient prises pour mettre fin à ces accusations. Cette affaire doit impérativement constituer un moyen d'en finir avec cet objectif de la révolution: celui de mettre en place une justice indépendante et loin de tout tiraillement politique. Effectivement, cette situation devra servir de moyen pour se pencher sur les réalités de ce pouvoir qui semble en pleine crise à multiples dimensions. Mais une chose est sûre, tout doit être fait de manière à garantir l'indépendance de la justice, une des revendications de la révolution. Car à la moindre crise, la question de l'indépendance des juges et leur impartialité à l'égard des différentes couleurs politiques sont remises en cause.