Mardi 19 juillet 2022, au terme d'une audition qui a duré plus de 9 heures, le juge d'instruction près le pôle judiciaire antiterroriste a décidé de maintenir Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha et président du parlement dissous, en état de liberté, dans le cadre de l'affaire de l'Association «Namaa Tounès» où le président nahdhaoui ainsi que plusieurs dirigeants du parti de Montplaisir sont soupçonnés de blanchiment d'argent et de financement d'activités terroristes, via les sommes faramineuses que ladite association est censée gérer depuis sa création en mars 2011 bien avant qu'Ennahdha n'accède au pouvoir à l'issue des élections de l'Assemblée nationale constituante (ANC) tenues le 23 octobre 2011. Mais qu'est-ce qu'on doit comprendre à travers l'expression «laissé en liberté»? S'agit-il, comme l'annonce Ghannouchi lui-même en sortant du bureau du juge d'instruction, d'une décision décrétant son innocence ou son acquittement pur et simple dans l'affaire en question ? Autrement dit et à condition que Ghannouchi parle vrai, peut-on comprendre que l'affaire est close pour lui et que les autres prévenus (comme Hamadi Jebali, Mouadh Ghannouchi, Rafik Abdessalem, entre autres) comparaîtront par-devant le tribunal de première instance de Tunis en tant que prévenus soupçonnés des mêmes accusations, le président d'Ennahdha ne sera pas parmi eux dans le box des accusés présents en état de liberté et attendant que justice soit rendue en première instance, soit en déclarant leur acquittement, soit en leur infligeant les sanctions que prévoit la loi dans de tels cas ? Le juge d'instruction ne prononce pas de peines Et à écouter la déclaration livrée par Rached Ghannouchi à ses sympathisants qui ont attendu des heures et des heures avant que le juge d'instruction n'achève son audition et ne lui permette de rentrez chez lui et aussi de lui notifier qu'il restera en liberté dans l'attente de sa comparution devant la justice, l'on est étonné de découvrir qu'une simple audition auprès du juge d'instruction est devenue, par la volonté de Rached Ghannouchi, une audience de jugement au cours de laquelle le même juge d'instruction décide de l'acquittement du prévenu ayant répondu à ses questions avant qu'il ne soit accusé officiellement et que le tribunal spécialisé (en l'occurrence exclusivement le tribunal de première instance de Tunis) ne décide de son sort. Encore un discours trompeur qui s'appuie sur des subtilités que seuls les spécialistes ou les initiés et les habitués des tribunaux peuvent déceler et comprendre à leur juste valeur juridique. Certes, Rached Ghannouchi, ses défenseurs, ses lieutenants et ses alliés ont le devoir de considérer que «la justice a prouvé son indépendance» en ce jour du mardi 19 juillet. Ils peuvent aussi se prévaloir des faits que «les institutions ont montré qu'elles sont neutres et qu'elles ne sont pas à la solde d'un gouvernement». Seulement, Ghannouchi et ses amis, en premier lieu les avocats qui l'ont défendu auprès du juge d'instruction, n'ont nullement le droit d'induire en erreur les Tunisiens, les sympathisants d'Ennahdha et ses adhérents en premier pour leur servir de fausses nouvelles et leur faire comprendre que le président du parti a été acquitté dans l'affaire «Namaa Tounès» alors qu'en réalité, il est toujours considéré comme suspect à l'instar des autres prévenus et qu'il comparaîtra devant le tribunal en état de liberté comme les autres prévenus. Il est à préciser que Rached Ghannouchi est toujours interdit de voyage et que ses comptes bancaires et postaux sont encore bloqués sur décision du juge d'instruction chargé de l'affaire «Namaa Tounès».