Hausse des signalements de viol et de violence par rapport à l'année dernière En 2015, sur les 8.722 enfants victimes de violence qui ont été signalés aux délégations de la protection de l'enfance, 564 ont subi des agressions sexuelles de différents types : harcèlement sexuel, attouchements, viol avec pénétration..., ce qui représente, en moyenne, une centaine de signalements en plus par rapport à l'année dernière. La délégation de la protection de l'enfance les a classifiés suivant la nature de l'agression, l'environnement dans lequel a eu lieu l'abus et le profil de l'agresseur : 236 enfants et adolescents ont été harcelés sexuellement dans la rue, à l'école ou au sein de leur famille. Parmi les signalements enregistrés, huit agressions sexuelles sont des viols incestueux et ont été commis par un membre de la famille de l'enfant. Parmi les victimes : plus de 70% sont des filles. «L'abus sexuel est la pire forme des menaces. On considère que l'enfant se trouve dans une situation de danger imminent», a relevé Mehiar Hamadi, délégué général à la protection de l'enfance. Dès le signalement, la procédure de prise en charge qui est multidisciplinaire s'enclenche automatiquement et des mesures urgentes sont prises. Pour éviter qu'il ne soit stigmatisé et culpabilisé, l'enfant est éloigné du lieu ou de l'entourage dans lequel a eu lieu l'agression . Directement orienté vers le centre médico-légal pour subir les examens nécessaires afin de relever les traces de l'abus sexuel qui serviront de preuves dans le dossier judiciaire, il va bénéficier, par ailleurs, d'une prise en charge psychologique pour l'aider à surmonter l'acte odieux dont il a été victime. C'est le délégué à la protection de l'enfance qui assure la coordination entre tous les intervenants dans la prise en charge des enfants victimes d'abus sexuels. Dès les premières heures qui suivent l'agression, il saisit le procureur de la République et le juge pénal et assure l'accompagnement de l'enfant et son encadrement tout au long de la procédure judiciaire qui peut durer des mois, ce qui a généralement pour effet de fragiliser davantage la victime appelée à apporter son témoignage au cours des nombreux interrogatoires où l'enfant ou l'adolescent est souvent confronté directement à son agresseur sans la présence d'un psychologue. Bien que la Tunisie ait figuré parmi les premiers pays à l'échelle du monde arabe à avoir adhéré aux principes de la convention internationale des droits de l'enfant en la ratifiant —la Tunisie a, par la suite, promulgué le code de protection de l'enfance qui a permis la mise en place d'un arsenal juridique identifiant toutes les situations dans lesquelles l'enfant est considéré en situation de menace et de danger, sachant que le même code a, dans ce cadre, institué la fonction de délégué à la protection de l'enfance— quelques insuffisances ont pourtant été relevées au niveau de la législation relative à la protection des enfants, ce qui explique la décision prise par le ministère de la Justice d'élaborer un nouveau projet de loi qui porte sur l'amendement de la loi de l'enfant victime et témoin d'actes et d'abus sexuels. Interrogés en présence d'un psychologue Le code actuel de la protection de l'enfance ne mentionne pas, à titre d'exemple, les techniques de prise en charge et d'écoute des enfants victimes et témoins de viol dans les postes de police. Alors qu'ils ont subi un traumatisme et qu'ils se trouvent encore sous l'effet du choc, ces derniers sont souvent confrontés à leur agresseur sans être accompagnés par un psychologue. «Une nouvelle expérience a été entamée il y a deux ans, a souligné le délégué général à la protection de l'enfance. Les enfants victimes d'abus sexuels sont interrogés en présence d'un psychologue ou du délégué à la protection de l'enfance dans les locaux de la police. Par ailleurs, l'écoute doit être enregistrée pour servir de support pour le dossier pénal. Aujourd'hui, on essaie d'éviter à l'enfant que la confrontation ait lieu plus de deux fois avec son agresseur». Le projet de loi, qui passera bientôt par le conseil des ministres, sera débattu prochainement à l'ARP. Ce dernier présente de nombreux avantages: la nouvelle législation qui sera mise en place permettra notamment d'accélérer la procédure judiciaire dans les affaires liées à des agressions et des abus sexuels commis sur des enfants, d'améliorer les techniques de prise en charge et d'écoute des enfants victimes et témoins de viol dans les postes de police et de renforcer la coordination entre les différents intervenants (juge pénal, juge pour enfants, médecin légiste, délégué à la protection de l'enfance, psychologue, pédopsychiatre...) dans les affaires de viol. «Les délégués régionaux seront appelés à travailler sept jours sur sept, a souligné M. Hamadi. A Tunis, le bureau de la protection de l'enfance compte trois délégués et une psychologue joignables 24 heures sur 24. Dans les régions, nous avons 50 délégués qui saisissent les cas d'enfants victimes de violence. Ils reçoivent en moyenne deux à trois signalements par jour. La nouvelle politique intégrée de protection de l'enfance permettra un meilleur accompagnement des enfants en situation de danger».