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COP 28 | Mounir Majdoub, économiste et consultant en politiques du développement durable à La Presse : «La délégation tunisienne ira appuyer la position du groupe Afrique et des pays les moins avancés»
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 11 - 2023

Les engagements climatiques pris par la Tunisie, dans le cadre de sa CDN (revus à la hausse en 2021), l'adoption par le gouvernement en début de cette année d'une stratégie de transition écologique et d'une stratégie de développement neutre en carbone et résilient au changement climatique à l'horizon 2050 représentent un besoin de financement colossal : près de 20 milliards de dollars US jusqu'en 2030, soit une moyenne de 2 milliards USD annuellement. De tels financements, s'ils sont acquis, constituent une formidable opportunité.
Quels sont, d'après vous, les enjeux de la prochaine Conférence des Parties sur les changements climatiques, COP 28 qui se tiendra du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï ?
Afin de saisir les enjeux de la COP28, il est important de situer la COP dans son contexte historique. La Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique a été signée à Rio de Janeiro en juin 1992, à l'occasion de la Conférence-Sommet des Nations unies sur l'environnement et le développement. Trente et un ans, déjà !
En 1995, se tient la première COP à Berlin. Celle-ci fixe pour chaque pays ou région du monde des objectifs chiffrés en matière d'émissions de gaz à effet de serre et de réductions correspondantes à atteindre. En 1997, se tient à Kyoto la COP3. Le Protocole de Kyoto marqua un tournant décisif dans l'histoire des COP climat. En effet, pour la première fois dans l'histoire de la communauté internationale, des objectifs chiffrés pour les pays historiquement grands émetteurs ont été fixés : réduire de 5,2% les émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020, avec l'année 1990 comme référence. Un mécanisme de développement propre (MDP) et un autre de mise en œuvre conjointe furent créés. Il a fallu attendre l'année 2005 pour que le Protocole de Kyoto entre en vigueur. Entre 1997 et 2005, des négociations tendues ont porté sur les modalités de mise en œuvre du protocole : la mise en place de la méthodologie de comptabilité des émissions, des marchés d'émissions, des mécanismes de fonds propres, du système d'observation et de gouvernance, etc. En 2011, soit six ans après, le Protocole de Kyoto est pratiquement tenu en échec, devant sa non-ratification par les deux principaux émetteurs de gaz à effet de serre du monde : les Etats-Unis et la Chine et la décision du Canada de s'en retirer.
Les années passent, sans qu'aucune avancée palpable ne soit observée. L'hésitation, voire les tergiversations, des négociateurs tient au fait que ces derniers craignent un nouvel accord qui puisse contraindre tous les pays du monde, notamment les plus pollueurs.
En 2009, la COP15 de Copenhague, alors qu'elle avait pour ambition d'aboutir au premier accord global contraignant de lutte contre le changement climatique, s'est soldée par une grande déception. Les Etats-Unis et la Chine avaient refusé que les objectifs de réduction soient contraignants. Toutefois, la COP15 aura permis d'affirmer que la communauté internationale souhaitait limiter le réchauffement global sous la barre des +2°C, à la fin du 21e siècle, par rapport au début de l'ère industrielle.
Il a fallu attendre la COP21 de 2015 et l'Accord de Paris, soit vingt ans depuis la première COP. L'Accord de Paris a engagé la communauté internationale à maintenir le réchauffement climatique en-dessous de +2°C, voire le limiter à +1,5°C. Les Etats se sont engagés à publier leurs propres objectifs de réduction des émissions de GES, dans le cadre de ce qui sera appelé désormais «les contributions déterminées au niveau national-CDN». Or, en additionnant l'ensemble des CDN publiées depuis, il apparaît que le réchauffement planétaire se situerait à +3,5°C en 2100. Ce qui reste très loin de l'objectif fixé ! Parallèlement à la COP21, de nouveaux mécanismes ont vu le jour, comme la mise en place d'un prix du carbone et d'un marché carbone et du Fonds vert pour le climat.
En 2021, la COP26 se tient à Glasgow. Elle s'est soldée par le Pacte de Glasgow. Une résolution moins stricte que certains ne l'avaient prévu, notamment en raison du refus de certains pays, dont l'Inde et la Chine, de mettre fin aux subventions au charbon et aux combustibles fossiles. Néanmoins, le pacte de Glasgow a été le premier accord sur le climat à s'engager explicitement dans la réduction de l'utilisation du charbon. Il promettait, en outre, davantage de financements aux pays en développement pour leur permettre de s'adapter aux impacts climatiques. L'engagement pris par les pays les plus riches de mobiliser, jusqu'en 2020, 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à s'adapter n'a toujours pas été honoré. Sachant que ce sont ces derniers qui sont les plus impactés par les effets dévastateurs du changement climatique, alors qu'ils ne sont responsables que d'une très minime portion des émissions. A titre indicatif, en 2021, l'ensemble du continent africain a émis 0,7 tonne de CO2 par habitant, alors que la moyenne mondiale plane à 4,4 tonnes par habitant !
On arrive enfin à la COP27 de Charm el-Cheikh. Celle-ci a eu un mérite, celui de remettre sur la table des négociations la question épineuse des pertes et préjudices. Un sujet longtemps repoussé par les négociateurs, depuis les toutes premières COP. La COP27 a été soldée par un accord historique sur la création d'un fonds pour financer les pertes et préjudices causés par le changement climatique et subis par les pays en développement. Rappelons que sur ce sujet, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) attire l'attention sur le fait que «même si des mesures efficaces étaient mises en place pour limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5°C, les pertes et les préjudices résultant des changements climatiques ne pourraient être évités, car il existe un niveau de réchauffement "enclenché" qui entraîne déjà des conséquences inévitables».
Venons-en maintenant au bilan des efforts de réduction des émissions de carbone. Le sixième rapport du Giec (rapport de synthèse, mars 2023) est sans appel ! Ses principales conclusions. Les actions nationales et internationales sont en retard sur tous les enjeux. Il y a urgence à agir et à inverser la tendance. Des changements structurels majeurs devront être menés dans tous les secteurs, grâce notamment aux énergies renouvelables, aux mobilités électriques, etc. Il est à noter qu'entre 1995, date de la COP1 et 2022, date de la COP27, les émissions mondiales de CO2, d'origine fossile, ont été multipliées par 1,6. Elles ont baissé légèrement une fois en 2009 de 2%, suite à la récession de 2008 et une deuxième fois en 2020 de 5%, en raison du confinement général. En 2022, elles atteignent un nouveau record historique de 36,8 milliards de tonnes. En même temps, l'année 2023 sera incontestablement l'année la plus chaude de l'histoire !
La COP28 aura ainsi trois enjeux majeurs : s'arrêter sur le bilan des engagements de l'Accord de Paris : le premier bilan mondial de l'action climatique « global stocktake ». Sur ce point, le Giec alerte sur le retard constaté dans la réduction des émissions nettes. Le rythme de réchauffement est plus rapide que celui des réductions.
La sortie de l'énergie fossile. La question est quand ? Alors que les gros producteurs de pétrole et les gros producteurs et consommateurs de charbon ne semblent pas encore vouloir s'engager sur une trajectoire claire. La dernière réunion du G20, 9 septembre 2023, en a été un révélateur, en omettant de donner une position au sujet des énergies fossiles.
Arrêter les modalités de mise en œuvre du fonds des pertes et préjudices décidé à la COP27. A moins d'un mois de la COP28, les négociations à ce sujet n'ont abouti à rien. Un désaccord total entre pays riches et pays en développement, pratiquement sur tous les points : le montant du fonds, les critères de répartition des financements et l'organisme qui va gérer le fonds. «L'ensemble des négociations de la COP28 pourrait dérailler si les priorités des pays en développement en matière de financement des pertes et dommages n'étaient pas prises en compte de manière adéquate», a averti Preety Bhandari, conseillère principale au sein du World Resources Institute.
Enfin, il est attendu que les crises géopolitiques que connaît le monde actuellement, guerres en Ukraine et en Palestine, jettent de l'ombre sur la COP28. « Il sera très difficile, avec toutes les tensions géopolitiques que nous observons à travers le monde, de faire en sorte que les quelque 200 pays parviennent à s'unir sur davantage d'actions en faveur du climat, davantage d'ambition en matière d'atténuation, davantage d'ambition en matière d'adaptation, tout en veillant à fournir aux pays qui en ont besoin les moyens de le faire », a déclaré la semaine dernière le commissaire européen à l'Action pour le climat, le Néerlandais Wopke Hoekstra.
Quels en sont les enjeux pour la Tunisie ?
La Tunisie a toujours participé activement aux COP de la Convention climatique. Dans les négociations, la Tunisie s'est souvent positionnée dans le bloc Afrique. Dont les principales revendications sont : l'application stricte du principe de responsabilités communes mais différenciées, le droit des pays en développement et des pays les moins avancés à des transferts de fonds et de technologies pour s'adapter et pour se développer à moindres émissions de carbone.
Aujourd'hui, la Tunisie est confrontée à une crise multiple : baisse de la croissance économique, déficit énergétique, déficit budgétaire, chômage des jeunes, etc. Les engagements climatiques pris par la Tunisie, dans le cadre de sa CDN (revus à la hausse en 2021), l'adoption par le gouvernement en début de cette année d'une stratégie de transition écologique et d'une stratégie de développement neutre en carbone et résilient au changement climatique à l'horizon 2050 représentent un besoin de financement colossal : près de 20 milliards de dollars US jusqu'en 2030, soit une moyenne de 2 milliards USD annuellement. De tels financements, s'ils sont acquis, constituent une formidable opportunité. Ils contribuent à créer une dynamique nouvelle de croissance «verte» et de création d'emplois, tout en atténuant les impacts environnementaux et climatiques. Toutefois, plus de 80% de ce besoin de financement ne pourra être mobilisé qu'à travers la coopération bilatérale et multilatérale, et en partie sur les marchés de carbone.
La COP n'est pas une foire à distribuer des fonds. Elle est avant tout une arène de négociations, où la décision se prend à l'arrachée. Néanmoins, la participation tunisienne sera une opportunité pour faire connaître à la communauté des bailleurs de fonds, aux pays partenaires et aux représentants du secteur privé international, les engagements du pays et les opportunités d'investissements verts. En outre, il est attendu que la délégation tunisienne ira appuyer la position du groupe Afrique et des pays les moins avancés, surtout que la COP28 aura à son ordre du jour la question de la mise en œuvre du fonds de dommages et préjudices.
Les phénomènes climatiques extrêmes observés ces dernières années à travers le monde (feux de forêts, inondations notamment en Europe et dans le bassin méditerranéen, vagues de chaleur record...) sont-ils imputables aux changements climatiques ? Et pensez-vous que la prochaine COP puisse permettre des avancées notables pour éviter le pire ?
Absolument ! Les phénomènes climatiques extrêmes sont l'une des principales manifestations du dérèglement climatique. Ceci est scientifiquement établi. Les modèles de projection établis par la communauté des scientifiques, notamment le Giec, sont basés sur des données historiques observées et vérifiées. D'ailleurs, ces modèles prévoient des scénarios de dérèglements climatiques et de leurs impacts jusqu'à la fin du siècle. C'est sur la base de ces scénarios, et d'autres études et recherches scientifiques, que le Giec ne cesse de nous alerter sur l'urgence d'agir, pour éviter le pire. D'ailleurs, les dernières analyses du Giec révèlent que nous sommes aujourd'hui à +1,2 °C d'élévation moyenne et que les +1,5 °C seront vraisemblablement atteints entre 2030 et 2035. Ce qui veut dire que le monde n'est pas sur la bonne trajectoire. Selon les experts du Giec, les 1,5 °C sont «une limite de survie». Nous voyons déjà des catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes et violentes. Mais à 1,5 °C le monde serait confronté à une accélération, dont les conséquences sont peu prévisibles.
Comme il a été rappelé, la COP28 se penchera sur le premier bilan mondial de l'action climatique. Où en est le monde aujourd'hui, particulièrement les grands pays émetteurs, dans la concrétisation des objectifs de l'Accord de Paris ? La fourchette d'atténuation de +2°C à +1,5°C au mieux ne sera probablement pas modifiée. Par contre, les engagements des pays, qui sont en retard au regard de cet objectif, seront discutés. Mais aucune avancée sur ce sujet n'est constatée à ce jour !
Le changement climatique est généralisé et affecte la vie de milliards de personnes dans le monde. Sommes-nous tous vulnérables au changement climatique ?
La notion de vulnérabilité est extrêmement importante quand on parle de changement climatique. On parle de vulnérabilité au changement climatique, des écosystèmes naturels, des activités socioéconomiques ou des établissements humains. Pour comprendre ce qu'est la vulnérabilité, prenons un exemple. Parmi les effets induits par les changements climatiques, l'élévation du niveau de la mer. Les modèles du Giec établissent que, d'ici 2050, le niveau des océans s'élèverait en moyenne de 30 cm. Ce qui est énorme ! Pour un pays comme la Tunisie, où les infrastructures hôtelières sont « pieds dans l'eau », l'élévation du niveau de la mer constitue une menace. Dont il est d'ailleurs difficile de prévoir l'ampleur et l'accélération. Alors, ces bâtiments sont qualifiés de vulnérables. Et comme notre tourisme actuel est à 90% balnéaire, on peut ainsi dire que le secteur touristique tunisien est vulnérable aux changements climatiques.
Donnons un autre exemple de la vulnérabilité. Parmi les manifestations des changements climatiques, les événements météorologiques extrêmes. Par exemple les crues et inondations. Celles-ci se font de plus en plus fréquentes et de plus en plus intenses. Les agglomérations et infrastructures urbaines qui ont été érigées dans des zones inondables, comme les abords de sebkhas et des oueds et sur le littoral, sont menacées. Nous en avons vu le cas de Nabeul en 2018. Elles sont donc vulnérables aux changements climatiques, ici plus particulièrement aux inondations et crues. Les inondations qu'a connues la ville de Derna en Libye récemment ont été dévastatrices. Plus de 11000 morts, selon un bilan des Nations unies. Une étude scientifique publiée le 19 septembre par le World Weather Attribution Group vient affirmer que le réchauffement climatique a rendu les inondations dix fois plus probables en Grèce, Bulgarie et Turquie et 50 fois plus probables en Libye. Les bilans humains dramatiques sont aussi à mettre en lien avec la vulnérabilité des infrastructures, comme le souligne cette publication scientifique. En Grèce, la plupart des villes touchées étaient situées en zone inondable. En Libye, le manque d'entretien des barrages qui se sont effondrés a contribué à aggraver le bilan.
Un troisième exemple sera à mon avis plus significatif. L'allongement des périodes de sécheresse est un autre phénomène météorologique extrême. Dans un pays comme la Tunisie, où le climat est aride à semi-aride, c'est ce que nous avons appris de nos manuels de géographie, l'accentuation des cycles de sécheresse ne fait qu'aggraver notre déficit hydrique. En Tunisie, la productivité économique de l'eau, mesurée en $US par m3 d'eau douce prélevé pour l'ensemble des usages, est estimée à 9,5 $US. Dans un pays comme la Jordanie, moins nantis que la Tunisie en ressources hydriques, ce ratio est de l'ordre de 50 $US par m3. Plus de 80% des ressources en eau sont prélevées par l'agriculture irriguée. Laquelle représente moins du tiers de la valeur ajoutée agricole. Notre agriculture est ainsi vulnérable à la sécheresse. Elle est d'autant plus vulnérable que son efficience hydrique est faible.
Pour résumer, les changements climatiques constituent une menace certaine. Toutefois, le degré et le danger de cette menace dépendent de la vulnérabilité de nos territoires, de l'aménagement de nos villes, de nos modes de production et de consommation. Lutter contre les changements climatiques, c'est baisser les émissions de gaz à effet de serre et aussi réduire notre vulnérabilité. Ceci demande beaucoup de moyens, mais surtout une véritable transformation en profondeur de nos modèles de vie.
Les progrès en matière d'adaptation sont inégaux. Il existe des écarts croissants entre les risques actuels et le financement de l'adaptation. Quelle est l'ampleur de cet écart, notamment dans les pays en voie de développement ?
Tout simplement, l'écart est énorme ! D'ailleurs, les Nations unies appellent à doubler les financements pour l'adaptation. Or, on constate amèrement que plus de 60 % du financement de l'adaptation se fait sous forme de prêts, plutôt que de subventions.
Plus les changements climatiques prennent de l'ampleur, plus devient coûteuse l'adaptation. Le Pnue (Programme des Nations unies pour l'environnement) estime que 300 milliards de dollars par an seraient nécessaires d'ici à 2030 et 500 milliards de dollars d'ici à 2050, pour financer l'adaptation. Ces montants sont 5 à 10 fois supérieurs aux flux de financement actuels des pays riches vers les pays les moins riches. L'organisation Climate Policy Initiative a révélé que moins de 50 milliards de dollars par an sont dépensés dans l'adaptation à l'échelle mondiale. Ce chiffre représente moins de 10% de l'ensemble des investissements climatiques.


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