Ce fut un spectacle de grande classe, une communion totale, un éblouissant concert donné par une Dorsaf Hamdani tout simplement magnifique. À Hammamet, vendredi dernier, après presque deux heures de show mené de main de maître par l'artiste et la formation musicale qui l'a accompagnée, on peut affirmer que ceux qui ont raté le spectacle avaient forcément tort ! Le concert de Dorsaf Hamdani, donné hier soir au théâtre de plein-air de Hammamet, a été un moment teinté de magie. Sublime, la cantatrice tunisienne a envoûté un public qui savourait ses envolées lyriques sur des arrangements spécifiques. Accompagnée par un quartet formé de Daniel Mille, (direction musicale, accordéon), de Lucien Zerrad, (guitare et arrangements), de Zied Zouari (violon ) et de Youssef Zayed ( percussion et oud), Dorsaf Hamdani a entamé le concert, — qui a été précédé par une minute de silence en signe de recueillement pour les victimes de l'acte terroriste odieux perpétré à Nice —, par Zahrat Al Mayadeen (Al Qods) de Assy et Mansour Rahabani, qui fut également une sorte de prière commune pour les victimes qui ont été vilement et horriblement abattus à Nice. D'emblée, une impression de densité et de richesse d'un long voyage inoubliable au pays de la soul s'empare des spectateurs. Après cette ouverture très solonnelle, la chanteuse tunisienne donne le ton et libère une énergie contenue mais prête à exploser à la moindre sollicitation qui nous rappelle les prouesses d'une Barbara ou de Faïrouz. Le répertoire de la soirée puise largement dans ceux des deux grandes tragédiennes de la chanson moderne. En effet, entre Fairouz et Barbara, entre la Parisienne d'origine juive, devenue grande dame de la chanson française et la Beyrouthine maronite promue diva de la musique arabe, entre La Solitude, L'Aigle noir, Göttingen, Nantes ou Le Soleil Noir de Barbara et Atini al naya, Zourouni ou Jerusalem, de Faïrouz, c'est de fait, moins le silence qui cimente que l'absence dont ces femmes douloureuses ont fait un lit d'épreuves. Et dont Dorsaf est venue changer les draps. Des mots qui transpercent les cœurs les plus durs avec «Baadak Ala Bali», avec «Yalla Tnam», de Assy et Mansour Rahabani ou «Atini Naya wa ghanni» de Jabran Khalil Jabran, et avec le fantastique «Ce matin-là» de Barbara. Les morceaux choisis par Dorsaf Hamdani se voulaient un plaidoyer bien senti pour qu'on n'oublie pas que les mélodies nées au Liban ou au bord de la Seine sont du même matériau, de la même palette, des mêmes humeurs. Dorsaf Hamdani a su, au cours de cette soirée, créer un climat propice entre musiciens tunisiens et français pour cette interpénétration des imaginaires autour de la Méditerranée où on a l'impression de ne pas distinguer entre les deux univers. Le pétillant de Fairouz semble éclairer les spleen de Barbara qui donne son intelligence si pointue aux romantismes de la chanteuse orientale. En chantant Barbara et Fairouz, Dorsaf Hamdani a tracé un trait d'union entre ces deux grandes aînées si lointaines et si proches l'une de l'autre. Le public assez nombreux, qui a assisté à ce concert, a hautement apprécié.