Les défis de l'entreprise de demain ont été au cœur des débats qui ont ponctué la journée de réflexion, organisée récemment par la Chambre de commerce et d'industrie tuniso-française. Placé sous le thème «La société à mission», l'événement s'inscrit dans le cadre des activités prospectives initiées par la chambre afin de réfléchir aux enjeux futurs qui affectent l'entreprise tunisienne. La Chambre de commerce et d'industrie tuniso-française (Ccitf) vient d'organiser une journée de réflexion sur l'entreprise de demain. Placé sous le thème «La société à mission», l'événement était l'occasion de présenter l'entreprise à mission, un concept largement adopté en France, mais aussi d'explorer ses perspectives en Tunisie. Les panélistes ont souligné en somme que les sociétés à mission constituent la solution idoine pour instaurer un nouveau modèle de gouvernance qui garantit la transparence et qui identifie la responsabilité sociétale et environnementale de l'entreprise. Ce concept qui a été introduit en France en 2019, grâce à la loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), peut, selon les participants, servir de modèle dont les entreprises tunisiennes peuvent s'inspirer. En effet, «La société à mission» est une qualité juridique accessible à toute entreprise en France, quel que soit son statut juridique, qui souhaite s'engager à contribuer à une finalité d'intérêt collectif, notamment d'ordre social et environnemental. La gouvernance d'une société à mission inclut nécessairement trois caractéristiques fondamentales : d'abord, une mission qui constitue une finalité non réductible au profit mais qui s'y ajoute, ensuite un engagement des actionnaires qui se caractérise par l'inscription de la mission dans les statuts et enfin un dispositif de vérification du respect des engagements et de restitution qui est l'indispensable contrepartie à la liberté laissée à l'entreprise de définir ses engagements. Ce modèle est exigeant. Il permet de distinguer clairement la finalité collective de l'entreprise de l'intérêt particulier de ses parties prenantes, au premier rang desquels ses actionnaires. En tant que finalité de l'entreprise, la mission doit ainsi s'entendre comme le cœur de la contribution de l'entreprise à la société, indissociable de son activité, mais aussi des responsabilités que cette activité lui confère. Où mettre le curseur ? Revenant sur le contexte économique tunisien, Khelil Lajimi, ancien ministre de l'Industrie et du Tourisme, a expliqué que, pour remettre l'entreprise tunisienne sur les rails, deux grands dossiers doivent aujourd'hui être abordés, en l'occurrence la question de sa gouvernance et celle du partage de la valeur ajoutée. «Le dossier de la gouvernance peut faire l'objet d'une initiative lancée par la chambre. Il s'agit d'inciter les adhérents à entamer une réflexion avec des administrateurs indépendants, autour de comités d'audit, comités de risque... pour voir la possibilité d'ajouter un comité d'entreprise à mission», a-t-il précisé. Il a ajouté que la question du partage de la valeur ajoutée doit faire l'objet d'un débat national avec les partenaires sociaux afin d'inciter les entreprises, par le biais de mécanismes de crédit d'impôt, à investir dans l'innovation. Une entreprise qui ouvrirait, selon ses dires, les ponts entre l'université et le monde des affaires. Soulignant les difficultés rencontrées par les entrepreneurs, Lajimi a mis l'accent sur l'importance de l'accompagnement et de l'aide qui doivent leur être fournis afin qu'ils puissent surmonter ces obstacles. «Il faut mettre à jour et faire évoluer la loi Startup Act», a-t-il ajouté, précisant, dans le même sillage, que l'absence de mécanismes de financement adaptés lèse énormément cette catégorie d'entrepreneurs. «Les jeunes entrepreneurs souffrent parce qu'il faut aller par tour de table concentré, et petit à petit ils peuvent lever des fonds. Est-ce qu'on a ce mécanisme ? Certes, il existe des fonds d'investissement mais c'est très compliqué. Pour financer une entreprise technologique, il faut avoir l'expertise nécessaire […] il faut mettre en place des instruments dédiés, et ce, avec le concours de la Bourse de Tunis», a-t-il poursuivi. Il a, par ailleurs, appelé à remédier au problème d'accès au Paypal qui pénalise énormément ces jeunes en quête de nouvelles opportunités. Il a fini son intervention en faisant un clin d'œil à deux importantes réformes juridiques visant à sécuriser les entrepreneurs, à savoir la création de tribunaux de commerce dynamiques et la mise en place de tribunaux «prud'homaux» où il y a une parité entre les syndicats des entrepreneurs et les syndicats des travailleurs.