«J'ai un projet bien ficelé pour l'entreprise qui pourrait nous faire gagner du temps et de l'argent, je l'ai envoyé au directeur et à d'autres responsables mais personne n'en a voulu, ou a pris le temps de le lire». Vous avez très certainement, au cours de votre carrière, entendu un collègue dire avec amertume ce genre de phrases. Et il n'y a pas que des collègues sans pouvoir de décision qui disent cela. Certains dirigeants investis de tous les pouvoirs possibles et imaginables, et parfois même appuyés politiquement, se disent frustrés du fait qu'ils n'arrivent pas, même au bout de plusieurs années, à conduire un projet. Si beaucoup de dirigeants échouent à mettre en œuvre leurs projets au quotidien, c'est qu'il leur manque souvent un «talent», ou plutôt une compétence, celle de «la maîtrise de la science de la persuasion». Professeur émérite de psychologie et marketing à l'université de l'Arizona, mais aussi et surtout président du cabinet de conseil «Influence at work», Robert Cialdini estime qu'aucun dirigeant ne peut réussir sans être un expert dans «l'art de convaincre autrui». Pour certaines personnes, convaincre est un talent inné. Ils ont cette capacité à faire fédérer autour d'une idée, et parfois même à vous faire construire des châteaux en Espagne dans l'esprit des autres. Mais ce que nous dit Cialdini, c'est que l'art de la persuasion peut être une science. Ainsi, il énonce six principes du comportement humains, qui peuvent aider un dirigeant, ou d'ailleurs toute autre personne, à convaincre ses collaborateurs. Le premier principe est celui, dit de «l'appréciation». En fait, les gens, tout naturellement, apprécient ceux qui les apprécient. Si vous souhaitez que quelqu'un soit plus attentif à vos propositions et plus enclin à vous suivre dans le chemin que vous empruntez, essayez de découvrir vos similitudes et complimentez-le de la manière la plus sincère. Ne sous-estimez surtout pas le pouvoir de l'éloge (sans trop en faire évidemment). Les recherches menées par des scientifiques montrent que les mots d'appréciation que l'on formule de manière sincère en direction d'une personne « suscitent immanquablement de la sympathie en retour, ainsi qu'une inclinaison à répondre favorablement aux souhaits de la personne qui les formule». Un autre principe est également particulièrement appréciable, celui de «la réciprocité». Pour faire simple, le principe de réciprocité veut l'on se surprend à sourire à quelqu'un qui nous sourit, c'est presque mécanique. Donnez aux gens ce que vous aimeriez recevoir d'eux. Les petites attentions, les petits cadeaux son une arme redoutable pour désarmer la personne que l'on souhaite convaincre de quelque chose. Cela pourrait paraître incroyable, mais les départements d'achat dans les entreprises sont sensibles aux cadeaux des fournisseurs à l'occasion de fêtes. Ils seraient plus disposés à passer des commandes à ces fournisseurs «généreux». Attention, il ne s'agit pas là de pots-de-vin ou de cadeaux hors de prix, qui impliqueraient de la corruption caractérisée. Nous parlons ici des petits cadeaux sympathiques, comme des stylos personnalisés, des agendas, ou des clés USB. Parfois, pour convaincre, le dirigeant, au lieu de continuer à faire de grands discours et à se répéter dans des réunions soporifiques, ou encore contraindre par l'autorité son équipe, doit passer par «un leader d'opinion». Autrement dit, pour opérer un changement dans l'entreprise, auquel il y a beaucoup de réticence et de résistance, il suffit parfois de convaincre une personne de l'équipe, et qui jouit d'une crédibilité auprès de ses pairs. Une fois convaincu et que cette personne adopte le changement espéré, il sera plus facile pour les gens de suivre l'exemple. C'est le principe dit « de la preuve sociale». Robert Cialdini explique que « les gens suivent ceux qui leur ressemblent». (À suivre)