La théâtrothérapie change le quotidien des prisonniers, et le fonctionnement du système carcéral. En 2007, la comédienne, réalisatrice et psychothérapeute libanaise Zeina Daccache a entamé une expérience d'ateliers d'art et de théâtrothérapie dans la prison de Roumieh. En 2009 sortait son documentaire «12 Libanais en colère» qui a fait le tour du monde, avant d'enchaîner en 2013 avec « Le journal de Shéhérazade», filmé dans la prison de femmes de Baabda. Les deux films ont été projetés lors du Human Screen festival à Tunis (6-10 septembre). Une rencontre avec l'artiste a également été programmée, histoire de connaître son projet de plus près. Zeina Daccache a étudié la psychologie clinique, la théâtrothérapie et les arts dramatiques. Elle prépare un nouveau film, intitulé «Jaouhar dans les airs», qui accompagne cette fois son projet pour que les prisonniers qui souffrent de maladies mentales puissent avoir le droit au traitement à l'intérieur de la prison. Humain et artistique, son combat est avant tout dirigé vers la régulation des lois. Grâce aux ateliers et aux films, elle a réussi à intégrer l'allègement des peines pour bonne conduite dans les lois carcérales et à faire adopter une loi contre la violence au sein de la famille. La première victime en est la femme et le documentaire de Zeina Daccache est éloquent sur ce sujet. Les prisonnières de Baabda ont des récits de vie différents mais toutes ont vécu un drame social, maltraitées en famille, battues ou violées, elles évoluent en dealers de drogue ou en meurtrières. Certaines sont là pour adultère, la loi relative à ce «crime» n'est appliquée que pour les femmes. «La prison est un microcosme à l'image de la société», décrit la réalisatrice, qui a fondé en 2007 «Catharsis», le centre libanais de théâtrothérapie, offrant formations et thérapies à toutes les catégories sociales. Les films de Zeina Daccache documentent les ateliers en prison — qui se poursuivent après la fin du tournage —, mais sont également des œuvres dont la valeur artistique et universelle est indéniable. Le rythme, l'évolution des personnages et les cadres installent progressivement, parfois de manière continue et parfois discontinue, une ambiance d'émotion et de réflexion, à la fois. Une force qui rend ces films attachants, mais aussi dérangeants et au-delà des limites de l'espace et du temps à l'intérieur de la prison. «Avant de filmer, je ne sais pas à quoi m'attendre et je ne peux écrire de scénario. Toute ma mise en scène et mes choix pour les films viennent dans le montage», déclare la réalisatrice, qui parle surtout pour «12 Libanais en colère», puisque pour «Le journal de Shéhérazade», elle explique avoir pensé à une idée centrale et des choix esthétiques à l'avance. Le résultat se sent avec un documentaire dont la toile narrative et picturale est plus élaborée que dans «12 Libanais en colère». «J'ai la chance d'avoir une directrice de la photographie qui a un regard sur ce qu'elle filme et qui a pris la caméra avec des choix de documentaire et non de reportage, et une monteuse dévouée pour ressortir un film de plus de 250 heures de rushs et un an de montage», ajoute l'artiste libanaise, à propos des deux films. Son approche de théâtrothérapie est à elle seule une force pour ses documentaires. Elle œuvre en effet pour que les prisonniers ou prisonnières créent et jouent du théâtre, de la musique et de la danse. Plus que ça, ils présentent un spectacle dans la prison, devant leurs familles, des responsables politiques et de simples citoyens. Sollicités, ils continuent pendant des mois, devant une salle comble. Un rêve pour Zeina Daccache et une seconde chance pour ces prisonniers qui reprennent goût à la vie et dont l'espoir rejaillit. Pour eux et pour tous, la réalisatrice et psychothérapeute espère arriver à remettre en question le système carcéral actuel dans son pays, et pourquoi pas ailleurs, pour y intégrer la rééducation, la réinsertion et la libération progressive.