Le débat était assez intense à la matinale de l'Alumni Ihec Carthage, organisée le 29 septembre en collaboration avec la Fondation allemande Friedrich Nauman. Le changement des billets de banque est un sujet critique qui provoque l'enthousiasme de certains et l'amertume de certains autres. Est-ce une petite mesure ou une décision stratégique?, se sont interrogés les organisateurs de la matinale. Soulignons que plusieurs experts ont déjà proposé cette mesure pour combattre l'économie parallèle et restaurer les pertes en liquidité bancaire. Le signe indicateur de cette dégringolade est la valeur des billets et monnaies disponibles en circulation. Selon Walid Ben Salah, expert comptable, elle est actuellement de 10.200 milliards de dinars — d'après les données de la Banque centrale de Tunisie — contre 5.200 milliards de dinars en 2010. «En cinq ans, 5.000 milliards de dinars en espèces ont été retirés de la circulation! Ils sont sortis du système bancaire et n'y sont pas retournés!», lance-t-il. Contrebande La principale source de ces billets reste l'économie parallèle et la contrebande. Pour cette raison, le changement des billets pourrait être une mesure efficace pour la lutte contre ces fléaux. Il permettrait de contrôler l'argent cash, lutter contre la fuite des capitaux et aussi contre le blanchiment d'argent. Pour l'expert international Achraf Ayadi, cette mesure pourrait dévoiler les sources de financement des contrebandiers. «Mais pour être efficace, elle doit être verrouillée du point de vue fiscal et juridique. Il faudrait proposer de régulariser la situation des détenteurs de billets, leur permettant en même temps de déclarer l'argent et de régulariser leur situation», indique-t-il. De son côté, Ahmed Karam, P.-d.g. d'Amen Bank, affirme qu'il existe un autre signe de la prouesse de la contrebande qui est la rareté du billet de 50 dinars en circulation, utilisé fréquemment par les contrebandiers. «Pourquoi ne pas supprimer ce billet surtout qu'il n'est pas très utilisé par les Tunisiens», souligne-t-il. D'ailleurs, il y a un débat à l'Union européenne sur le retrait du billet de 500 euros, le plus utilisé dans le marché noir, comme une mesure de lutte contre le crime organisé. Il est à noter que la BCT a procédé en 2013 à une opération de changement des billets, mais qui n'était pas assez efficace, selon M. Ben Salah. Il explique que l'une des raisons est qu'elle a été accomplie sur une période longue. Ajoutons à cela qu'elle a été effectuée exclusivement à la BCT, alors qu'elle devrait concerner toutes les agences bancaires et La Poste, et puis le change devrait se faire par l'ouverture d'un compte. Cette opération qui permettra d'identifier les contrebandiers doit être accompagnée également de l'application des procédures de sanctions prévues par la loi. Affronter le problème Mais pour l'expert Hechmi Alaya, il n'est pas possible de résoudre la problématique de la contrebande avec des mesures techniques. «Je suis surpris qu'en 2016, on songe à aborder des problématiques économiques avec des démarches bureaucratiques que je croyais révolues. Il faut être ferme et faire face à la contrebande. La réalité est que nous avons un gouvernement faible incapable d'appliquer la loi et les décisions de justice. C'est pourquoi on se réfugie dans les mesures techniques. Les contrebandiers sont dans l'illégalité et il est très difficile qu'ils soient intégrés dans le système formel», s'indigne-t-il. Pour M.Ayadi, l'une des solutions pour éviter les pertes en cash est de s'orienter vers la monnaie électronique. Il affirme qu'en Asie, les transactions électroniques ont augmenté de 30% entre 2014 et 2015. Mais pour cela, il faudrait améliorer la fiabilité du système et du réseau des DAB et GAB. La police fiscale a été également abordée au cours du débat, surtout qu'elle constitue une des mesures gouvernementales annoncées par le chef du gouvernement tout récemment. Une mesure d'une importance capitale qui pourrait être l'une des solutions pour permettre à l'Etat d'exercer son autorité.