La musique électronique habille les images d'une ville en plein boom industriel. Le ciné-concert est le moyen par lequel parle le cinéma muet. Un bel exemple en a été donné, dimanche dernier au Goethe-Institut avec la projection du classique allemand «Berlin, symphonie d'une grande ville», de Walter Ruttmann, un documentaire de 1927 qui capte en images le pouls de la ville en plein boom industriel, ses charmes et ses contradictions. Pour ce ciné-concert ouvert au public, la musique a été composée par le duo berlinois Tronthaim, formé de Daniel Dorsch, compositeur pour le théâtre et le designer graphique et sonore Sascha Moser. Le duo de musique électronique a donné une autre dimension, sonore, aux images de Walter Rutthman, célébrées au moment de leurs sorties en 1927 pour leur densité et variation de rythmes, qui ont su porter à l'écran le quotidien des berlinois et le sublimer, le temps d'une journée condensée en une heure, durée du documentaire. Entre piano et musique électronique, les deux musiciens ont accompagné les mouvements des images du film en s'inspirant parfois de ce qu'elles proposent, avec, par exemple, un bruitage industriel pendant les séquences tournées dans des usines où le réalisateur crée un dialogue entre machines, objets et humains. Ils surprennent à d'autres moments en imaginant une bande sonore purement électronique pour accompagner des gens qui se baladent dans la rue où des passants qui accourent pour vaquer à leurs occupations. Etonnantes sont les images et la musique, qui sont tantôt là où on les attend et semblent être l'unique combinaison possible, et tantôt une proposition qui s'offre parmi d'autres et suggère un hors-champ pictural et musical que le spectateur est invité à nourrir par son imagination. Mettre de la musique sur «Berlin, symphonie d'une grande ville» s'avère donc un défi contemporain pour cette œuvre qui immortalise un moment glorieux de la vie de la capitale allemande. «On les appelle "les golden twenties" (les années 20, un âge d'or à Berlin)», nous explique Sascha Moser après la fin de la performance du duo Tronthaim avec son partenaire, ils ont été impressionnés par l'énergie et le mouvement dans la ville à ce moment-là. «Nous devions ramener cela à notre époque, à un nouveau siècle», décrit-il. A cette époque-là comme à notre époque, Berlin reste au centre de tout en Allemagne : culture et industrie. Un point de vue que le duo a exprimé à travers sa musique en insistant sur son aspect électronique, pour ressortir la manière très moderne dont Ruttmann a filmé Berlin en 1927, avec des choix d'angles et de montage qui nous parlent encore aujourd'hui. Un ciné-concert qui plonge le spectateur dans un ailleurs, le convie à l'évasion dans l'espace et dans le temps, et le renvoie à l'envie de voir un tel travail réalisé sur des images de Tunis ou de la Tunisie aux débuts du siècle dernier. Le retour au présent a été ensuite du ressort du dj tunisien Hamdi Ryder, qui a joué un set de musique électronique après la projection.