Maigre bilan pour une métropole naguère encore animée d'un optimisme débordant et qui explique le mécontentement général à Sfax. Les intellectuels et les gens de culture à Sfax sont désappointés de voir leur rêve de voir Sfax se doter d'une infrastructure culturelle digne de son statut de Capitale du Sud. La ville n'aura droit en fin de compte qu'au projet de la médiathèque numérique. Comble de la désillusion, la réalisation de ce projet phare butte sur des obstacles difficiles à surmonter. On doit à la vérité, d'abord, de dire que les engagements de Sfax Capitale de la Culture Arabe 2016, en matière de programmation culturelle, sont correctement tenus par le comité exécutif de la manifestation. C'est au niveau du chapitre des projets d'infrastructure que se situent les blocages. En effet, Sfax Capitale de la Culture Arabe 2016 est acculée dans ses derniers retranchements, se devant de faire le sacrifice des projets d'infrastructure initialement programmés, en l'occurrence, ceux de Chatt El Krekna, de l'éclairage artistique des remparts, de l'école husseinite, du musée maritime flottant, et peut-être même de celui de la place publique attenant à la médiathèque. Il ne lui serait possible de sauver que le projet de la bibliothèque numérique, objet d'ailleurs de controverse dès lors qu'il va engloutir à lui seul la totalité des vingt et un millions de dinars alloués initialement à l'ensemble des projets structurants. Maigre bilan pour une métropole naguère encore animée d'un optimisme débordant et qui explique le mécontentement général à Sfax. Aux abois, le comité exécutif de la manifestation ne semble plus savoir où donner de la tête, face à des tiraillements déroutants et un dilemme trop lourd de conséquence pour être certain d'avoir fait un choix sinon unanimement agréé, du moins consensuel. Une situation quasiment ingérable, pour ne pas en dire davantage. Il lui faut d'abord gérer la foudre du corps des architectes de la région, ulcérés de ne pas avoir été consultés au sujet du projet de la médiathèque numérique et surtout farouchement critiques envers un projet trop ruineux et peu utile à leurs yeux, une prise de position qu'ils partagent, d'ailleurs, à tort, semble-t-il, avec une partie de l'opinion publique et des intellectuels de la région. Force est, en effet, de reconnaître que la controverse née autour du projet trouve son explication dans l'idée réductrice et forcément fausse que ses désapprobateurs ont de l'importance et de la valeur de ce projet. Une partie des intellectuels ignorent, carrément, que plus qu'une simple bibliothèque, la médiathèque nouvelle génération, est selon ses concepteurs une plateforme multifonctionnelle, un lieu de vie , de rencontre, d'échange, de créativité et d'épanouissement des arts et de la convivialité. Elle est composée d'espaces dédiés au théâtre, à la musique, aux expositions, aux projections cinématographiques, aux ateliers artistiques, etc. Concernant ce projet, on est en face à une situation quasiment inextricable : la proposition, consistant à le remettre en question et à le remplacer par un autre, ou même deux autres, moins coûteux et mieux adaptés aux besoins «réels de la région», se heurte à l'inconvénient majeur d'exiger plusieurs mois et de faire planer le risque de tout perdre, une fois la manifestation Sfax Capitale de la culture arabe 2016 arrivée à son terme, le 17 mars 2017. Donc, à écarter. De même, la seule alternative possible, celle qui consiste à se contenter de l'unique projet de la médiathèque numérique, n'est pas non plus exempte de complications. En effet, aussi bien Houda Kchaou, coordinatrice générale de Sfax Capitale de la Culture Arabe, que Rabiâa Belfguira, commissaire régionale aux Affaires culturelles et responsable des affaires administratives et financières de la manifestation, évoquent un obstacle juridico-financier de taille : «Le démarrage des travaux d'aménagement de la médiathèque exige au préalable le paiement, par le ministère des Affaires culturelles, d'un million de dinars, montant dû à un bureau d'études avec lequel un contrat conclu de gré à gré, c'est-à-dire en dehors des procédures légales, par l'ancien président du comité exécutif de la manifestation. Ce à quoi le ministère, invoquant cet argument, oppose un niet catégorique». Il est par conséquent indispensable de penser à une formule légale pour trouver le montant manquant, le sponsoring entre autres, quoique cela ne semble pas évident, vu le manque de visibilité qui entache la manifestation. Or, d'un autre côté, la société civile, et particulièrement l'Ugtt, exige la réalisation de tous les projets prévus initialement. Ce qui implique l'octroi d'une rallonge budgétaire à la manifestation au titre de 2017. A ce propos, la société civile semble déterminée à ne pas jeter du lest : déjà un lobby serait en train de se constituer pour obtenir le supplément budgétaire nécessaire, car on estime qu'il serait trop frustrant, pour le million de citoyens que compte la région, de voir Sfax, pourtant couronnée du prestigieux titre de Capitale de la culture arabe, rater cette occasion historique pour se doter d'une infrastructure culturelle de base appelée de tous leurs vœux par ses habitants et se contenter d'un projet orphelin si grandiose soit-il. Il est à signaler un autre problème non moins préoccupant, lié à la routine administrative et à la lenteur des procédures d'ordonnancement. La solution tarde à venir, bien que les intellectuels et les gens de culture de Sfax aient insisté à maintes reprises sur la nécessité d'adopter «des procédures exceptionnelles pour cette manifestation exceptionnelle», car il y va aussi bien de la qualité de la gestion comptable que de la fiabilité de la manifestation auprès des fournisseurs et autres prestataires de services. Taieb LAJILI