Mohamed Masmoudi, le ministre des Affaires étrangères des années 70, l'ambassadeur de Tunisie auprès du grand Charles de Gaulle et l'architecte de l'union tuniso-libyenne du 12 janvier 1974, a tiré, hier, sa révérence à l'âge de 91 ans. La Tunisie perd l'une de ses voix les plus écoutées sur les plans arabe et international et l'un des hommes qui ont marqué de leur label son histoire contemporaine La diplomatie tunisienne est en deuil. Elle vient de perdre l'une de ses figures les plus illustres, Mohamed Masmoudi, le jeune militant du Néo-destour que le leader Habib Bourguiba appelait «Mon fils», le jeune ministre du premier gouvernement de l'indépendance chargé de l'information et de l'orientation qui n'a pas hésité à signer en 1961 aux côtés de Béchir Ben Yahmed le fameux article : «Du pouvoir personnel» dans l'hebdomadaire L'Action dénonçant les premiers signes de «la dictature bourguibienne», ce qui a provoqué une colère noire de Bourguiba, d'où sa décision de retirer son aval à Ben Yahmed pour faire reparaître son propre journal L'Action tunisienne et l'obligation pour Ben Yahmed d'émigrer à Rome pour éditer la revue Jeune Afrique. Hier, Mohamed Masmoudi a tiré sa révérence à 91 ans, une vie de près d'un siècle chargée de réussites, de déceptions, de traversées du désert, mais qui a permis au défunt d'être considéré comme l'un des acteurs agissants de l'histoire de la Tunisie avant et après l'indépendance et aussi dans le monde arabo-musulman où il était l'une des voix les plus écoutées, plus particulièrement en Arabie Saoudite et en Libye du temps de Kadhafi, qui a en fait son principal conseiller, voire son éminence grise. Que n'a-t-on pas dit sur Masmoudi, le membre de la délégation tunisienne qui a ratifié la convention de l'autonomie interne de la Tunisie en 1955, de Masmoudi l'un des ambassadeurs de Tunisie à Paris les plus influents au début des années 60 du siècle précédent, de Masmoudi, le ministre des Affaires étrangères de 1970 à 1974, de Masmoudi l'architecte de l'union tuniso-libyenne annoncée le 12 janvier 1974 à Djerba et avortée quelques jours plus tard quand Wassila Bourguiba et Hédi Nouira ont réussi à convaincre Bourguiba que Masmoudi l'a trompé, de Masmoudi l'influent leader néo-destourien qui a été limogés à plusieurs reprises du Parti socialiste destourien (l'ancêtre du défunt RCD) et la suspension dont il a fait l'objet à l'issue du «Congrès de la clarté» tenu à Monastir en septembre 1974 pour rectifier les résultats du congrès de Monastir 1971 qui fut la dernière dans sa carrière partisane. Masmoudi a été obligé de s'exiler et d'occuper le poste de conseiller auprès de plusieurs chefs d'Etat arabes, notamment dans les pays du Golfe, où il avait bonne presse et où il exerçait — comme le colportent les rumeurs qui n'ont jamais été prouvées — la fonction d'intermédiaire d'achat d'armes auprès de ses amis américains et européens. Le Mahdois qui a le mérite historique d'avoir ouvert la porte à d'autres Mahdois pour devenir ministres (Habib Ben Cheikh, Tahar Belkhodja, Brahim Khouaja), est revenu dans sa ville natale vers la fin des années 70 du siècle dernier et a été mis en résidence surveillée dans sa maison située à l'avenue Habib-Bourguiba à quelques mètres de la demeure de Tahar Belkhodja, le ministre de l'Intérieur à l'époque. Sa dernière épreuve avec le régime a eu lieu fin 1984 quand Bourguiba, en colère noire contre l'une des dernières incartades de Masmoudi, aurait décidé de le déchoir de la nationalité tunisienne. Seulement, feu Wassila Bourguiba, qui considérait, elle aussi, Masmoudi comme son fils, est parvenue à calmer le président et le projet de loi afférent n'a jamais été rédigé. Avec la disparition de Mohamed Masmoudi, la diplomatie tunisienne perd l'un de ses pionniers, les hommes formés par Bourguiba, pour que la Tunisie puisse faire écouter sa voix sur la scène internationale et faire valoir ses approches spécifiques militant pour la résolution des crises sur la base du dialogue et de la concertation.