Les officiels affichent leur jubilation suite à la réussite de la conférence internationale sur l'économie et l'investissement, tenue dans nos murs les 29 et 30 novembre dernier. Youssef Chahed, chef du gouvernement, a annoncé 15 milliards de dinars d'accords signés et 19 milliards de promesses d'investissements au cours de Tunisia 2020 (soit 34 milliards de dinars, environ 14 milliards d'euros). Les officiels jubilent, soit. D'autres personnes demeurent sceptiques. Ainsi, pour le citoyen lambda, cela demeure au bout du compte virtuel et hypothétique. Pour une certaine frange de personnes averties aussi. L'on se souvient qu'à la conférence similaire tenue à Sharm El-Cheikh en 2015, l'Egypte avait nominalement obtenu des sommes faramineuses, sans rien en tirer au bout du compte. Et cela n'empêche guère l'économie égyptienne d'enregistrer depuis peu des lacunes et des gouffres colossaux. Dès lors, il importe de faire sérieusement le point de la situation au-delà des jubilations et des pessimismes. Et savoir que l'économie n'est guère une science exacte, étant à géométrie variable, dépendant de nombreux paramètres, changeant au gré des aléas. En premier lieu, les promesses demeurent toujours comme telles tant que la finalisation ne les traduit pas. Pour ce faire, il faut des dossiers bien ficelés et des études de faisabilité, d'impact et d'opportunité. Autrement, les 19 milliards de dinars de promesses auront tôt fait de se vaporiser. Les 15 milliards de dinars restants traduisent des accords de prêts, d'investissements et de dettes reconverties en projets. Les prêts devraient être passés à la loupe, pour ne pas grever notre endettement extérieur qui frise déjà les seuils catastrophiques. Dépassant les 60% du PIB, l'endettement, principalement extérieur, risque d'hypothéquer jusqu'aux attributs fondamentaux de la souveraineté nationale. Et l'on assiste déjà depuis plus d'une année aux pressions concentriques du FMI concernant la diminution de la masse salariale en Tunisie, pressions à l'origine du bras de fer syndicats-gouvernement-patronat qui envenime la donne sociopolitique ces derniers mois. D'ailleurs, le gouvernement tunisien gagnerait à mettre en place au plus pressé une instance nationale gouvernementale pour la gestion de la dette d'une manière uniforme et réfléchie. Jusqu'ici, pas moins de quatre instances gouvernementales contractent les dettes extérieures à leur guise et à la tête du client. Il s'agit du ministère des Finances, du ministère de la Coopération internationale, du ministère des Affaires étrangères et de la Banque centrale. Les accords signés doivent avoir pour objectifs majeurs la création d'emplois, la stimulation des investissements et la promotion des exportations. Tels sont les axes fondamentaux que requiert tout projet structurant, ici et maintenant en Tunisie. Autrement, cela ouvrirait la voie aux spéculations et magouilles de toutes sortes. En effet, les sommes allouées à certains projets financés par des pays tiers sont le plus souvent siphonnées par des bureaux d'études et d'assistance technique des mêmes pays. Autre urgence et non des moindres, combattre énergiquement la corruption et faire en sorte qu'elle ne profite guère des nouveaux projets au titre de butin inespéré. A cet égard, le chef du gouvernement gagnerait à relancer la lutte contre la corruption. Et à coopérer étroitement en la matière avec les parties concernées, telle l'instance nationale de lutte contre la corruption, présidée par M. Chawki Tabib. L'engagement initial de M. Youssef Chahed contre la corruption, déclamé en grande pompe lors de son investiture — il en avait fait une de ses priorités — est resté jusqu'ici lettre morte. La Tunisie réussit tant bien que mal sa transition démocratique. La transition économique piétine. Pour diverses considérations, la communauté internationale redouble les signaux positifs à notre endroit. La conférence internationale sur l'économie et l'investissement Tunisia 2020 en est témoin. D'où, impérieusement, la nécessité de la mise en place d'une feuille de route pour un pactole annoncé.