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Tribune – 24 Juin 2025, 69e Anniversaire de l'Armée Nationale : Hommage à l'Armée nationale et gloire au soldat tunisien (2e partie)
Publié dans La Presse de Tunisie le 25 - 06 - 2025

Nous, les officiers, appartenant à la 1ère promotion d'officiers de la Tunisie indépendante, la promotion Bourguiba, de retour au pays, début 1958, après avoir terminé notre formation à l'Ecole spéciale militaire inter-armes de St Cyr Coëtquidan (France), avons été affectés aux unités implantées à la frontière tuniso-algérienne, alors que la guerre d'indépendance de l'Algérie battait son plein depuis 1954, avons eu l'opportunité et le plaisir de commander des soldats du contingent de la classe 58/1 qui, à trois ou quatre ans près, avaient le même âge que nous.
Une grande complicité était née avec ces jeunes soldats et indépendamment du grand respect qu'ils nous portaient, ils étaient très proches de nous et pendant les moments de repos, il nous arrivait de jouer ensemble au foot, et nous prenions ensemble et régulièrement le même repas, ce qui nous rapprochait les uns des autres, et cela était excellent pour le moral et pour le bon accomplissement de la mission.
J'ai eu la chance de faire partie du groupe d'officiers, composé de sept officiers d'infanterie et d'un officier du génie qui a été désigné pour servir au valeureux 2e bataillon dont le poste de commandement était situé à Aïn Draham et dirigé par le Commandant Lasmar Bouzaiane et qui couvrait les gouvernorats de Souk Larbaa devenue Jendouba, et du Kef, avec des compagnies implantées à Aïn Draham, à Ghardimaou, à Souk Larbaa (Jendouba), au Kef, à Sakiet Sidi Youssef, à Boujabeur (une mine de plomb désaffectée située à un km de la frontière et à six Km de Kalaat Senane), et un remarquable centre d'instruction à Tabarka.
Celui-ci occupe une très belle caserne qui surplombe la ville et sa plage. Je me souviens que notre Commandant de Bataillon, le Commandant Lasmar Bouzaiane, chef remarquable et très proche de ses hommes, devenu célèbre auprès de l'ONU suite à sa brillante réussite lorsqu'il a commandé une Brigade de Casques Bleus tunisiens au Congo (au Kassai et à Léopoldville) en 1960-61, a, dès notre arrivée au corps, eu l'intelligence et la pédagogie nécessaires pour nous détacher, durant trois mois, au Centre d'Instruction de Tabarka, pour nous permettre, comme il l'avait dit lui-même, de nous familiariser avec le commandement en arabe d'une part et d'autre part avec les cadres sous-officiers que nous côtoyons pour la première fois de notre carrière.
Son idée, ingénieuse, a été très intéressante puisqu'elle nous facilita, énormément la tâche. Je n'oublierai jamais que dans ce centre d'instruction et pour pallier le manque d'armement adéquat, dans les exercices de combat, le tir du fusil mitrailleur ou de la mitrailleuse était remplacé par le sifflet d'arbitre qui, en ronronnant, faisait un bruit représentant le tir des mitrailleuses !
Quant à nos amis de l'ALN, l'Armée de libération nationale algérienne, le fait d'être en Tunisie, leur permettait de bénéficier des conditions très favorables pour qu'ils se consacrent entièrement à leur mission sacrée. L'armement, les munitions et tous genres d'équipements militaires commençaient à leur parvenir de l'extrême sud tunisien grâce aux moyens de transport militaires tunisiens du fait de la présence, encore, de certaines troupes françaises dans plusieurs villes tunisiennes (Bizerte, Tunis, Sousse, Sfax, Gabès, Tataouine, Remada, etc.).
Cependant, jamais, ni le gouvernement tunisien, ni les autorités régionales, ni l'Armée ne se sont impliqués dans leurs affaires qu'ils avaient la liberté absolue de mener à leur guise. D'autre part, leurs effectifs augmentaient d'année en année, leur organisation et leur formation s'amélioraient progressivement et à un certain moment, l'ALN, en Tunisie, qui ressemblait à une armée régulière par sa formation, son organisation et surtout par sa discipline, est arrivée à un effectif de près de 25.000 combattants.
Ceci est dû au résultat de l'excellent travail réalisé par feu le Colonel Haouari Boumediene (le futur 2e président de la République algérienne) qui a été désigné, en 1959, chef d'état-major de l'Armée des frontières et qui a eu le courage d'utiliser la douzaine d'officiers algériens (de brillants capitaines pour la plupart) qui ont déserté l'armée française, depuis la France et l'Allemagne mais qui ont été mis à l'écart durant une bonne période.
L'implantation de l'ALN dans les gouvernorats de Jendouba, du Kef et de Kasserine, s'étendant de la région de Tabarka jusqu'au Djebel Chaambi inclus, était conditionnée par le terrain. D'ailleurs, les dizaines de grottes découvertes au Djebel Chaambi, ces dernières années, sont l'œuvre de nos frères algériens pour se protéger du froid et du soleil, en hiver comme en été. La trentaine de positions qu'ils occupaient, du nord au sud, et avec poste de commandement de l'Armée des frontières à Ghardimaou, étaient comme suit :
A- Gouvernorat de Jendouba : 1er sous-secteur : région de Tabarka, PC à El Mankoura avec les unités implantées comme suit :
1-El Mankoura, 2-Ain Tacha, 3-Gomd Ezzen, 4-Oued Frour,
2e sous-secteur : région d'Ain Draham, PC à Djebel Dinar avec les Unités implantées comme suit:
5- Djebel Dinar, 6-Djebel Dhelma, 7- Djebel Adissa, 8- Ain Sarouia, 9- Oued Bou Adila,
3e Sous-Secteur : région de Ghardimaou, PC à Ghardimaou avec les unités implantées comme suit:
10- Ghardimaou, (P.C. de l'état-major de l'Armée des frontières), 11- El Ghorra, 12- El Oummajen, 13- Ain Soltane ( c'était la base du Bataillon dont le chef était le Commandant Chedli Ben Jedid, le futur Président de la République), 14- El Faija, 15- Kalaat el Frass, 16- Les quatre Chemins, 17-Kef el Brel, 18- Chemtou (centre de santé et hôpital de campagne au site archéologique de Chemtou),
B – Gouvernorat du Kef :
19- Bases logistiques au Kef et à Tajerouine,
20- Ecole des cadres à la ferme Beni à 15 Km du Kef et centre d'instruction à Mellègue, et des unités implantées comme suit :
– région de Touiref : 21-Djebel Soudane et Ain Zana,
– région de Sakiet Sidi Youssef : 22-mine de Sakiet, 23- Djebel Koucha (nord est d'Ain Karma),
– région de Tajerouine : 24-Garn Halfaya, 25-Jebel Sidi Ahmed,
– région de Kalaat Essnam : 26-Ain Anègue,
C– Gouvernorat de Kasserine :
27- Jebel Chaambi, 28- région de Rmila (secteur de Feriana).
La Tunisie, compte tenu de ses positions solidaires avec l'Algérie combattante, et consciente de l'avenir commun du Maghreb, s'attendait aux réactions violentes de l'armée française d'Algérie, du fait de l'aide qu'elle apportait à l'ALN. En effet, les incursions des troupes françaises ont été fort nombreuses et parfois d'une intensité et d'une violence inimaginables et je citerai, entre autres :
Le 22 octobre 1956, des troupes françaises ont franchi la frontière tunisienne, ont tenté d'occuper, sans y parvenir, le poste de police de Ben Gardane pour s'emparer des documents et des dossiers qui s'y trouvaient.
Le même jour, le 22 octobre 1956, l'armée française d'Algérie s'empara, en plein vol, de l'avion qui transportait du Maroc une délégation algérienne de très haut niveau devant assister au sommet maghrébin de Tunis et composée de Mohamed Boudiaf, d'Ahmed ben Bella, de Houcine Aït Ahmed, de Mohamed Khider et de Mustapha Lachref.
Le 24 octobre 1956, des soldats français voulant forcer des barrages dressés entre Aïn Draham et Jendouba par la population pour les empêcher de se déplacer sans autorisation, des accrochages se produisirent et entrainèrent des blessés.
Trois semaines plus tard, et sans demander l'autorisation au gouvernement tunisien, les autorités militaires françaises présentes en Tunisie installèrent des équipements radar sur les hauteurs de Bir Drassen (Cap Bon). Les populations ont protesté et il y eut deux morts et des blessés.
Dans le but d'éviter les frictions et de rapprocher les points de vue des deux gouvernements, la France, en vue de prouver ses bonnes intentions, décide de remettre au gouvernement tunisien la caserne de La Kasbah à Tunis le 21 mars 1957.
Le 31 mai 1957, fuyant les ratissages, les arrestations, les tortures, les assassinats et les massacres, des Algériens, hommes, femmes et enfants, se sont réfugiés en Tunisie. Des unités de l'armée française d'Algérie, pour les en empêcher, les ont poursuivis dans les cheikhats tunisiens des Ouled Mssallem et des Khemairia, dans la région d'Aïn Draham.
L'Armée tunisienne et la Garde nationale tentant de les protéger et leur porter secours se sont trouvées face à face avec elles, et ce fut l'affrontement qui eut pour résultat la mort de neuf membres et la blessure de plusieurs autres du côté des forces de l'ordre tunisiennes ainsi que du côté français.
Monsieur Khemaies Hajri, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, qui se rendait pour examiner la situation des réfugiés algériens en vue d'en rendre compte au HCR ( Haut Commissariat pour les réfugiés à Genève) et qui était, malencontreusement, de passage par là, a été gravement blessé et succomba à ses blessures quelques jours plus tard. Il était accompagné de Monsieur Béji Caïd Essebsi, directeur général de l'Administration régionale au ministère de l'Intérieur.
Début juin 1957, un accrochage à El Hamma de Gabès eut lieu et coûta la vie à deux soldats français.
Ces graves incidents eurent pour conséquences l'arrangement proposé par le Gouvernement de M. Bourgès-Maunoury permettant l'évacuation de tout le territoire tunisien, à l'exception de Bizerte, El Aouina, Gafsa, Sfax et Remada. L'application de l'évacuation commença en juillet par Tozeur, Kairouan, Jendouba, Sbeïtla et Le Kef.
Le 1er septembre 1957, une incursion de l'armée française eut lieu du côté de Hydra et s'attaqua à des forces de l'Armée tunisienne et de la Garde nationale qui se portèrent à sa rencontre.
Le 5 septembre 1957, une incursion de l'A.F. au cheikhat des Khemairia, région d'Ain Draham, a fait deux morts parmi les Tunisiens.
Le 11 septembre 1957, une incursion de l'A.F. eut lieu dans la région de Kasserine et quatre citoyens tunisiens furent enlevés ; quatre autres l'ont été à Redeyef.
Cependant, le commandement de l'armée française à Alger veut aller plus loin; il veut étendre le droit de poursuite, en Tunisie, à une profondeur de 25 km et a préparé le plan d'une « reprise du contrôle temporaire du territoire tunisien ». Son plan n'a pu être exécuté.
Les 1er et 2 octobre 1957, les troupes françaises d'Algérie soumettent le village de Sakiet Sidi Youssef à des tirs d'artillerie lourde et violent l'espace aérien, usant d'armes automatiques, tuant une jeune fille et blessant une dizaine de civils pour la plupart des enfants.
En vue de détendre l'atmosphère, le gouvernement de Bourgès-Maunoury autorise le transfert aux autorités tunisiennes des casernes d'El Hamma de Gabès, des locaux restant de la caserne Forgemol à Tunis et l'armée française se retire, début décembre des casernes de Médenine, de Tataouine, de Ben Guerdane et de Zarzis.
Cependant, les différents gouvernements français, soucieux de relancer les négociations avec le gouvernement tunisien, ont vu leurs efforts bloqués par l'attitude du commandement militaire français d'Algérie. Celui-ci procéda, le 2 janvier 1958, avec une colonne de vingt blindés, au franchissement de la frontière, du côté de Sendes, dans la région de Redeyef, encercla la localité de Foum el Khanga, procéda à des perquisitions, puis se retira emportant effets et argent trouvés dans le village, enleva dix hommes et en tua trois autres.
Le 11 janvier 1958, un accrochage très important eut lieu au djebel El Ousta, en Algérie, non loin de Sakiet, entre un élément de l'ALN et un groupe de militaires français. Les résultats ont été terribles : quatorze soldats français tués et quatre faits prisonniers.
Conscient de la gravité de la situation, le Président Bourguiba soutient que l'engagement s'est produit loin de notre territoire alors que le général Salan met en cause l'entière responsabilité de la Tunisie qui héberge et aide les combattants algériens et leur permet d'utiliser son territoire comme base de départ.
Le Président du Conseil, Felix Gaillard, voulant montrer son énergie et son mécontentement, dépêcha, par avion spécial, le général Buchalet et son chef de cabinet, porteurs d'un message au Président Bourguiba relatif à cet accrochage. Il voulait aussi demander au gouvernement tunisien de mettre fin à l'aide fournie aux combattants algériens d'une part, et d'autre part de libérer les soldats français faits prisonniers par l'ALN.
L'envoi de pareille délégation ayant été considéré, par la Tunisie, comme un ultimatum, Bourguiba refusa de la recevoir. Celle-ci rentra à Paris bredouille. Cette situation envenima davantage les relations entre les deux pays. La presse conservatrice française parle d'affront diplomatique et de « nouvelle version des coups d'éventail ».
Non satisfaite de ce revers, la France maintient sa pression, arrête sa coopération financière, suspend les négociations en cours, et rappelle son ambassadeur, M. George Gorse. Comme souvent un malheur n'arrive jamais seul, c'est encore sur la frontière algéro-tunisienne, au djebel Tarf, à l'ouest de Tebessa, que vers la mi-janvier 1958, eut lieu l'un des plus importants accrochages entre des éléments de l'ALN et des unités de l'armée française fortement appuyées par l'aviation et des hélicoptères.
Le bilan était lourd et catastrophique : des dizaines de soldats français tués, et une grande quantité d'armes légères et collectives récupérée. Cet accrochage eut pour résultat la multiplication de la violation du territoire tunisien par l'aviation française. D'ailleurs, un avion T6 a été touché le 30 janvier 1958 par la D.C.A. (défense contre-avions) tunisienne et a été obligé de se poser en rase campagne en Algérie, non loin des frontières.
De même, un autre avion T6 a été l'objet de tirs tunisiens dans la région de Sakiet le 7 février 1958. Le 8 février vers 09h00, un autre avion a été gravement atteint par des tirs provenant de l'Armée tunisienne implantée à Sakiet, et a subi d'importants dégâts qui l'obligèrent à se poser en détresse à Tébessa. C'est alors que le général Salan, Commandant en chef en Algérie, donna l'ordre d'attaquer Sakiet Sidi Youssef.
Et l'irréparable eut lieu ce même jour vers 11h00 : plusieurs escadrilles d'avions français d'Algérie ont bombardé, durant une bonne heure, le paisible village de Sakiet Sidi Youssef. Les résultats étaient de près de 100 morts et 400 blessés, tous des civils sans armes ainsi que d'énormes dégâts matériels.
Les conséquences politico-stratégiques du raid sur Sakiet Sidi Youssef étaient fort importantes :
a- d'abord, il y a eu, du côté tunisien, une mobilisation du front intérieur, une mobilisation de l'opinion française ainsi qu'une mobilisation internationale,
b- ensuite, sur le plan international, la guerre d'Algérie n'est plus, comme la France l'a toujours soutenu, une affaire intérieure française,
c- enfin, le C.C.E algérien (le Comité de coordination et d'exécution) qui deviendra le 9 septembre 1958 le Gouvernement provisoire de la République Algérienne, exprime sa solidarité totale avec le peuple tunisien et ses dispositions pour mettre ses forces militaires aux côtés des forces tunisiennes afin de défendre l'indépendance tunisienne.
Le bombardement de Sakiet a rendu d'énormes services non seulement à l'Algérie combattante puisqu'il a permis l'internationalisation de «l'affaire algérienne» mais encore au raffermissement des relations entre nos deux pays dont le passé, le présent et l'avenir sont communs.
La Tunisie, profitant, avec beaucoup de subtilité, de cette agression caractérisée, prit les mesures suivantes :
1- une plainte fut déposée auprès du Conseil de sécurité de l'ONU,
2- une mesure d'interdiction à l'armée française, stationnée en Tunisie, de quitter ses casernements fut prise,
3- des barrages furent dressés devant toutes les casernes françaises par les jeunes destouriens appartenant au Parti au pouvoir ; ceux-ci étaient munis de gourdins, de bâtons et se relayaient jour et nuit. La population voisine était chargée de leur alimentation et souvent les femmes venaient, tout près d'eux, pousser des youyous pour les encourager ; par ailleurs, ces jeunes étaient appuyés, d'assez près, par des éléments de l'armée placés non loin de là,
4- la Tunisie demanda officiellement l'évacuation de toutes les troupes françaises stationnées sur son territoire,
5- une campagne de presse, savamment orchestrée, maintenait la pression sur les troupes françaises d'une part et d'autre part gonflait à bloc notre moral.Cependant, des renseignements dignes de foi nous parvenaient de l'extrême sud tunisien confirmant que les instructions du gouvernement tunisien quant à l'interdiction de mouvement des troupes françaises n'étaient pas appliquées par le Colonel Mollot, commandant la zone saharienne, et ses patrouilles arrivaient même jusqu'à Bir Amir, à mi-chemin entre Remada et Tataouine. Ce comportement a été la cause de la bataille de Remada qui eut lieu le 25 mai 1958 et au cours de laquelle le capitaine Zaier, commandant la compagnie de Tataouine, attaqua, de nuit, en utilisant des mortiers, le casernement de Remada, lui occasionnant d'importants dégâts.
D'autre part, d'anciens résistants dont Mosbah Jarbou3 qui ont, sans coordination avec l'armée, attaqué, en plein jour, la caserne de Remada ont été, sauvagement, éliminés par les troupes françaises, lors de leur décrochage, ainsi que le directeur de l'école primaire, son épouse et ses enfants.
Le 1er juin 1958, le Général de Gaulle a été investi par l'Assemblée nationale française comme Président du Conseil des ministres. L'une de ses premières actions a été d'assainir la situation avec la Tunisie et le Maroc. Par un accord signé le 17 juin 1958, le général de Gaulle s'engage que toutes les troupes françaises, encore stationnées en Tunisie, soient évacuées au plus tard le 1er octobre 1958, exception faite de Bizerte. Les Unités sahariennes tunisiennes ont pris alors la relève et s'investirent totalement, malgré leurs faibles moyens, dans ce Sahara majestueux.
Compte tenu de tous ces évènements et pour y faire face, l'Armée nationale a mis sur pieds d'autres unités, entre 1957 et 1960 : le 4e bataillon d'infanterie à Gafsa commandé par le capitaine Salah Hachani, le 5e bataillon à Bizerte commandé par le commandant Mohamed Kortas, les 6e et 7e bataillons à Tunis, le 8°bataillon au Kef commandé par le commandant Kaddour Ben Othman, les 9e et 10e Bataillon ( commandés par les commandants Mohamed Limam et Ahmed Elabed) mis à la disposition de l'ONU au Congo ainsi que les bataillons des transmissions (commandant Bechir Bouaich), du génie (commandant Bechir Hamza), et du transport (commandant Sadok Ben Mansour).
Les effectifs de l'Armée qui étaient de 1700 hommes en juin 1956 ont été portés à 10.000 hommes en 1958 et à 30.000 hommes en 1960.
Notre pays, en seulement quatre ans d'indépendance et grâce à l'immense stature et prestige du Président Bourguiba, a acquis une notoriété internationale. Fervent défenseur de l'amitié et de l'entente entre les peuples, et grâce à sa diplomatie active et positive qui tend à rapprocher les peuples et renforcer leur solidarité, et à ne jamais intervenir dans les affaires intérieures des autres pays, sa politique était tellement appréciée que l'Organisation des Nations unies n'a pas hésité à nous demander de participer à la mission de maintien de la paix qu'elle a décidée, à la demande du gouvernement congolais, dans ce pays.
Et c'est ainsi que la Tunisie, malgré ses faibles moyens et ses préoccupations à la frontière tuniso-algérienne, participa, en 1960, à cette mission par l'envoi d'un contingent de deux mille cinq cents hommes commandés par le Colonel Lasmar Bouzaiane et qui fut, à la demande du regretté Mongi Slim, le représentant de la Tunisie aux Nations unies et candidat à la Présidence de la 16e Assemblée générale de l'ONU qui allait avoir lieu dans quelques semaines, et qui la présidera, en effet deux mois plus tard, le premier à fouler le sol congolais le 15 juillet 1960 et c'est ce qui s'est passé.
La Brigade tunisienne a été chargée de la province du Kassai où, dès son arrivée, elle a été, aussitôt, déployée sur le terrain. Les villes tenues par nos unités étaient les suivantes : Luluabourg (capitale de la province)-Port Franqui- Mweka- Lac Makamba- Tshikapa- Bakwanga- Gandajika- Luputa et Mwene Ditu. La mission reçue par la Brigade tunisienne était «d'assurer le maintien de la sécurité et de l'ordre public dans la province du Kassai tout en neutralisant l'ANC (Armée nationale congolaise) en la désarmant ». Cette dernière mission a été accomplie en très peu de temps.
Le Commandement des Forces de l'ONUC a été surpris par la rapidité avec laquelle nous avions accompli la mission qui nous a été confiée et qui était la suivante : pacifier très rapidement cette province, de loin plus vaste que notre pays et y maintenir la paix et la sécurité. C'est pourquoi le Commandant en Chef des Forces de l'ONU au Congo, le Général Suédois Carl Von Horn, en reconnaissance de l'excellent travail effectué par nos hommes, attribua, au Colonel Lasmar, commandant de la Brigade tunisienne, le surnom prestigieux et symbolique de « Prince du Kassai » ; d'ailleurs, il parle longuement, et en de termes flatteurs, du contingent tunisien et de son chef dans son livre « Soldering for peace » dont le paragraphe suivant :
« A Léopoldville, j'avais l'excellente brigade ghanéenne commandée par le général Michel en l'absence d'Alexander. Pendant un certain temps, les deux bataillons tunisiens lui furent subordonnés, mais il y eut des frictions parce que leur chef, le Colonel Lasmar, très décoré, supérieur en tout sauf par le grade, en fut mécontent. Ultérieurement, nous les envoyâmes au Kassai, alors en ébullition dont le premier ministre Albert Kalongi, était sur le point de proclamer l'indépendance.
Le Colonel Lasmar, qui ne portait jamais une de ses nombreuses décorations, pas même un ruban, mais dont on apercevait les cicatrices sur le col ouvert de sa chemise, conduisit ses troupes à Luluabourg, désarma l'A.N.C, et, par ses méthodes fermes mais justes, mérita le titre de « Prince du Kassai ». J'étais très fier de lui et il devint l'un des officiers en qui j'avais le plus confiance. »
C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles, devant les problèmes de sécurité qui commençaient à devenir sérieux à Léopoldville, capitale du Congo, le Commandant en Chef des Forces de l'ONU décida, en octobre 1960, de permuter la Brigade tunisienne avec la Brigade ghanéenne. Il voulait en même temps éloigner la Brigade ghanéenne de Léopoldville, la capitale du Congo ex-belge, pour l'empêcher de s'immiscer davantage dans les affaires congolo-congolaises, le Ghana ayant, dès le départ, pris fait et cause pour le Premier ministre Patrice Lumumba qui a été démis de ses fonctions, arrêté et emprisonné ; s'étant enfui avec certaines complicités, il a été repris et remis à son pire ennemi, le président du Katanga, Moïse Tshombe, qui le fit exécuter aussitôt.
N.B. : L'opinion émise dans cette tribune n'engage que son auteur. Elle est l'expression d'un point de vue personnel.


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