L'année 2016 se meurt. A la bonne heure, serait-on tenté de conclure. Et pour cause. Elle rivalise avec 2015 en ressentiment, tristesse et amertume. A force de caresser un cercle, il devient vicieux. L'économie tunisienne, en panne, n'en finit pas de faire du surplace. La malvie se poursuit, sur fond de morosité, de lancinant sentiment d'impuissance et d'angoisse du lendemain. Certes, le gouvernement Youssef Chahed, dit d'union nationale, a succédé courant 2016 à celui de Habib Essid. Mais il vient à peine de dépasser les cent jours d'exercice. Attendons voir. Cependant, s'il y a de hauts faits ayant marqué l'année 2016, la cuisante défaite infligée aux commandos de Daech, le 7 mars dernier à Ben Guerdane, y tient assurément le haut du pavé. Que dis-je, de «hauts faits?» Disons plutôt une saga, une page de gloire. En effet, les terroristes de Daech semblent avoir minutieusement préparé leur coup. L'escadron de la mort terroriste s'étant installé dans nos murs depuis quelques années, il comptait passer un cran au-dessus à Ben Guerdane. Ainsi est-on passé, successivement et au fil des mois, du terrorisme de montagne au terrorisme de la plaine, puis au terrorisme des villes. A Ben Guerdane, Daech aspirait à s'emparer d'une partie du territoire national, limitrophe de la Libye, érigée en sanctuaire. En effet, cette organisation terroriste grimée en (pseudo) Etat a un souci de territorialisation on ne peut plus évident. C'est le propre de son modus operandi, différent de celui d'autres organisations terroristes, qu'il s'agisse de la confrérie des Frères musulmans (particulièrement en Egypte, au Yémen et en Syrie), du Hizb Ettahrir ou d'Al-Qaïda. Toutefois, comme toute organisation terroriste dite islamiste, Daech recourt aux réseaux vaporeux des cellules dormantes et des loups solitaires. Dans sa guerre de positions, Daech en fait des espèces de têtes de pont secrètes à même de favoriser sa guerre de mouvement consistant à s'emparer de villes-clés et de vastes territoires. A Ben Guerdane, Daech avait tissé ses réseaux secrets, ses informateurs, ses cellules dormantes et ses caches d'armes. Il s'imaginait pouvoir neutraliser la ville en un tournemain et s'y installer à perpétuelle demeure, en attendant de monter à l'assaut d'autres régions et provinces du pays. C'était sans compter l'héroïsme tant de la population que des forces armées tunisiennes, toutes instances confondues. Dès les premières heures de l'attaque des commandos de Daech, ils ont subi de sérieux revers. La bataille s'est poursuivie pendant quelques heures. Au final, une soixantaine de terroristes ont été tués et autant, sinon plus, arrêtés. Une première dans les annales de la lutte anti-Daech partout dans le monde arabe. Depuis, dix-huit caches d'armes et un véritable arsenal de guerre ont été découverts rien qu'à Ben Guerdane, au fil des semaines, des mois, de patientes traques et de subtils traquenards. De précieuses informations recueillies sur place ont permis également de remonter les filières et de neutraliser des ramifications de la nébuleuse terroriste et de ses cellules dormantes, à Mnihla notamment. Certes, on ne sait pas tout, et l'on ne saurait tout dire. Mais la bataille de Ben Guerdane demeure autant décisive qu'inégalée. A marquer d'une pierre blanche dans la formidable saga de la Maison Tunisie au fil des siècles et des millénaires.