Les transferts de fonds des Tunisiens résidant à l'étranger (TRE), qui atteignent chaque année près de 9 milliards de dinars (près de 3 milliards de dollars), pourraient être soumis à des règles de conformité plus strictes dans les prochaines années. En cause : la mise en place progressive d'une nouvelle Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d'argent (AMLA), dont l'entrée en fonction est prévue à partir de 2025. Ces transferts constituent une source majeure de devises pour la Tunisie, au même titre que les recettes touristiques, et bien plus que certains secteurs exportateurs. Ils permettent de renforcer les réserves en devises du pays et soutiennent directement la consommation intérieure, de nombreuses familles dépendant du soutien financier de proches installés en Europe. Selon les données de la Banque centrale de Tunisie, la diaspora contribue de manière stable et régulière aux équilibres financiers du pays. Toute modification des conditions de transfert est donc scrutée de près par les autorités tunisiennes. L'UE muscle sa lutte contre le blanchiment Adopté en juin 2024 par l'Union européenne, le paquet législatif prévoit la création de l'AMLA, basée à Francfort, qui comptera plus de 400 employés. L'objectif est d'harmoniser la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au sein des Vingt-Sept, en supervisant directement les institutions financières jugées à haut risque et en imposant des règles communes à l'ensemble du secteur bancaire, y compris aux filiales de banques étrangères opérant dans l'UE. La nouvelle autorité commencera ses activités en 2025, mais sa supervision directe des plus grandes entités financières ne sera pleinement effective qu'à partir de 2028. Elle aura le pouvoir d'imposer des sanctions financières et d'exiger des mesures de conformité renforcées. Des coûts de conformité appelés à grimper Si aucune disposition n'évoque une restriction spécifique des transferts vers la Tunisie, les observateurs estiment que les nouvelles règles pourraient renchérir le coût des opérations bancaires. L'obligation de contrôles plus stricts, de procédures de connaissance du client (KYC) et de rapports détaillés pourrait, à terme, se répercuter sur les frais payés par les clients, notamment les membres de la diaspora tunisienne qui effectuent régulièrement des transferts vers leur pays d'origine. Pour l'heure, les transferts restent sécurisés et accessibles, mais la perspective d'un durcissement réglementaire européen soulève déjà des interrogations en Tunisie, où cette manne financière demeure indispensable à la stabilité économique.