« Nous n'avons pas besoin de cadeau de la part du gouvernement », tranche le président de la Chambre syndicale nationale des promoteurs immobiliers Présentée comme l'une des mesures phares du gouvernement Youssef Chahed pour le soutien des classes moyennes, le projet « Premier logement » suscite aujourd'hui une grande polémique et met dans l'embarras le ministre de l'Equipement, Mohamed Salah Arfaoui. De graves accusations de « suspicion de corruption » sont portées par le député de l'opposition et président de la commission des finances. Il accuse le gouvernement d'avoir cherché à favoriser certains promoteurs immobiliers qui auraient exclusivement raflé le marché. Dans un premier décret, le ministère avait d'ailleurs stipulé que celles et ceux qui souhaitent accéder à un premier logement devaient le choisir à partir d'une liste préétablie. Mais suite au tollé dans les rangs de l'opposition, dont un vif échange entre Mongi Rahoui et Mohamed Salah Arfaoui, le ministère a annoncé hier la publication prochaine d'un « deuxième » décret qui viendrait annuler et remplacer le premier. Selon le ministre de l'Equipement, l'autofinancement promis aux acquéreurs sera, en vertu de ce nouveau décret, accordé également à ceux qui veulent construire un logement par leurs propres moyens. Ainsi le ministère anticipe les retombées d'un éventuel recours devant le tribunal administratif décidé par la commission des finances. Les députés dénoncent ce qu'ils estiment être « un dépassement de l'autorité ». Prochainement, une plénière va même être consacrée à l'audition du ministre de l'Equipement. En réalité, certains députés lui reprochent d'avoir élaboré un décret « non conforme » aux dispositions de la loi de finances 2017 sur le sujet. Ils craignent notamment une hausse spéculative des prix des logements. La question qui se pose actuellement est de savoir si ce « rectificatif » entrepris par le gouvernement suffira à calmer les esprits et à dégonfler l'opposition sur ce dossier. Pour balayer les accusations de favoritisme, le ministère de l'Equipement explique le choix des promoteurs immobiliers pour des raisons d'organisation, expliquant que parmi eux, se trouvent deux grands promoteurs publics : la Snit et la Sprols. La loi de finances avait attribué une enveloppe de près de 200 millions de dinars pour octroyer un autofinancement à hauteur de 30.000 dinars pour les futurs propriétaires d'un premier logement. Contacté par La Presse, le président de la Chambre syndicale des promoteurs immobiliers, Fahmi Chaâbane, a indiqué que les promoteurs immobiliers « n'avaient pas besoin de cadeau de la part du gouvernement » et que ces derniers n'étaient pas en crise. « Nous ne sommes pas en crise, nous avons un problème de commercialisation, c'est différent. D'ailleurs, la preuve, c'est que pour le programme «Premier logement», nous n'avons trouvé que 1.000 logements pour le moment, le reste a été vendu ». Fahmi Chaâbane réfute également spéculations politiques sur d'éventuelles hausses des prix des logements suite à la mise en place du programme. « Il faut que vous compreniez que le promoteur immobilier, lorsqu'il achève un immeuble, il ne cherche pas à constituer un stock, il veut vendre pour pouvoir payer les banques et les fournisseurs », explique-t-il. Selon lui, s'il n'y a pas de hausse des prix, c'est également parce que les promoteurs immobiliers savent que si le programme d'aide n'est pas un succès, il ne sera pas reconduit. Par ailleurs, le président de la Chambre syndicale a reconnu que les promoteurs immobiliers sont pratiquement absents dans 10 régions tunisiennes, en raison de l'inexistence d'une demande conséquente pour les logements. Il affirme toutefois que la chambre syndicale est en train de déployer des efforts pour remédier à cela. Publiée sur le site du ministère de l'Equipement, la liste des logements promoteurs disponibles sera mise à jour au fur et à mesure.